GIL, Alain. "L’anarchosyndicalisme. Quel usage du droit face aux luttes sociales ?"

Propos d’Alain Gil recueillis par J.-J. Gandini

droitCNT (Confédération Nationale du Travail)CGTluttes sociales (mouvement social)GANDINI, Jean-Jacques. ((Grasse, Alpes-Maritimes, France 23/1/1948 - ). Avocat, membre de l’équipe de rédaction de la revue RéfractionsCFDT (Confédération française démocratique du travail) GIL, Alain

Question : Quelles sont les circonstances qui t’ont amené à travailler en usine, et qu’est-ce qui t’a amené à t’intéresser au syndicalisme, la CFDT au départ, avec les responsabilités qui ont alors été les tiennes ? Comment ça fonctionnait : tes heures de délégation, est-ce que tu étais payé pour ces heures et pourquoi n’as-tu pas voulu devenir un permanent ? En outre, au-delà de ton déménagement pour raison personnelle de Grenoble à Martigues, en 1991, cette année semble avoir été pour toi une année charnière. Tu as pris du recul par rapport à la CFDT et tu as décidé, après un temps de réflexion, d’adhérer à la CNT et de créer une section sur ton lieu de travail. Dans ces conditions quelle est ta conception de l’anarchosyndicalisme ?
Réponse : J’ai été étudiant en maths-physique jusqu’en 1972, date à laquelle j’ai abandonné mes études. J’ai travaillé en intérim de 1972 à 1975 : en intérim car je ne voulais travailler qu’un minimum pour conserver un maximum de temps libre. J’ai commencé à militer dans le mouvement libertaire en 1972 sur Grenoble, ainsi que dans le mouvement antimilitariste. En 1974, je suis devenu objecteur de conscience insoumis. Fin 1975, j’ai effectué une mission d’intérim dans une entreprise de chimie, Péchiney-Ugine-Kuhlman, pour travailler en fabrication en 3 x 8. Comme je m’entendais bien avec les gens avec lesquels je travaillais, j’ai donné mon accord. À partir de là, je savais qu’une fois que je travaillerais « normalement » dans une boîte, je militerais syndicalement.
À l’époque, pour moi, la seule possibilité qui se présentait, c’était la CFDT puisqu’il était hors de Question d’aller dans une organisation comme la CGT et ne parlons pas de FO ou autres... La CNT, alors, ce n’était que des petits groupes disséminés qui, en outre, étaient plus des groupes anarchistes spécifiques que réellement des groupes syndicaux. La CFDT, par contre, représentait un certain nombre d’intérêts car ça a été sa période la plus intéressante tant en ce qui concerne ses orientations (socialisme autogestionnaire, mise en cause de la nature du travail et du « progrès », Question de l’utilité sociale de la production, etc.) que les gens qui y adhéraient localement.
J’ai donc adhéré et j’ai eu tout de suite un mandat syndical, tout en ayant d’entrée affiché mes opinions, à savoir que je me définissais comme anarchosyndicaliste. J’avais également aussitôt fait part des limites que je trouvais aux orientations de la CFDT (dans ses conceptions autogestionnaires et ses références historiques, Yougoslavie et Algérie, méconnaissant totalement l’expérience espagnole de 1936 à 1939).
Par la suite, avec les problèmes d’exclusion rencontrés par la section CFDT du centre de tri PTT de Lyon-Perrache, dont je connaissais plusieurs militants car c’étaient des copains libertaires, les jeunes de la section de l’usine ont exigé des explications, protesté, entraînant des remous au sein du syndicat. De sorte que le représentant de notre section syndicale au conseil du syndicat (le syndicat regroupait une quinzaine de sections d’entreprise) a démissionné.
C’est moi qui ai été élu par l’AG des adhérents pour le remplacer.
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