CARROZZA, Gianni et Aldo GIANNULI. "La stratégie de la tension en Italie"
ItaliedémocratieItalie. Histoire de l’anarchisme. 20e sièclePartis communistesPolitique. AnticommunismeLe PCI savait beaucoup, mais préféra dire peu.
Essayons de comprendre pourquoi. Au cours de la seconde moitié des années soixante, une conjoncture particulière, autant internationale (Vietnam, négociations sur le désarmement nucléaire, mouvements de libération du Tiers Monde et de protestations dans les pays métropolitains) que nationale (victoire communiste aux élections de 1968, crise du centre gauche, dégel du monde catholique) ouvre au PCI une opportunité à saisir : abattre la discrimination anticommuniste qui dure depuis quarante ans et conquérir une légitimité de parti de gouvernement.
Le détachement, lent mais continu, du PCI de l’URSS, conséquence de l’invasion en Tchécoslovaquie, contribue aussi au progrès dans cette direction. Gagner l’insertion complète dans le système politique devenait ainsi, pour les dirigeants communistes, la priorité stratégique majeure à qui toute autre exigence politique devait être sacrifiée.
Mais cette tentative rencontrait deux difficultés : d’un côté l’anticommunisme obstiné des partis du centre (PSDI [1], PLI [2], droite de la DC [3]), de l’autre les résistances internes à une évolution social-démocrate. La complexe mosaïque des composantes communistes se présentait ainsi : gauche de Secchia [4] , soviétophile et hostile à une tactique modérée, gauche d’Ingrao [5], très antisoviétique mais favorable à une ligne radicale proche de 68, droite amendolienne [6] favorable à une ligne modérée mais pas disposée à rompre avec l’URSS, centre de Longo [7] et de Berlinguer [8], d’une grande modération dans la politique intérieure et favorable à un détachement graduel d’avec l’URSS.
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[1] PSDI : Partito Social Democratico Italiano, issu d’une scission d’avec le Parti socialiste (parrainée par les Américains), accusé d’être aux ordres de Moscou. Très anticommuniste.
[2] PLI : Partito Liberale Italiano.
[3] DC : La Démocratie chrétienne est le parti le plus important parmi ceux qui gouvernent l’Italie de l’après-guerre pendant un demi-siècle, très lié à l’Eglise et aux Américains. Ce parti occupe tous les rouages de l’État.
[4] Pietro Secchia, dans la direction communiste, est le point de repère des anciens partisans qui cultivent le mythe d’une résistance trahie et rêvent d’une insurrection dont le PC prendrait la tête. Il est écarté du pouvoir réel dans le parti au début des années 60.
[5] Pietro Ingrao, père noble de cette gauche du PC qu’il quittera après 68 pour donner vie à
Il Manifesto, un groupe qui essaye de sauver la suprématie du parti en récupérant timidement l’idée des conseils. Après 68, il est mis au frigo et sorti au moment de rappeler à l’extrême gauche ses origines communes.
[6] Giorgio Amendola, dirigeant du PCI, issu d’une famille de tradition libérale ; on disait de lui que dans les années 30 il avait adhéré à la direction du PCI (où il avait été coopté d’office).
[7] Luigi Longo, ancien combattant de la guerre d’Espagne, secrétaire du PC, assure la transition entre Togliatti et Berlinguer.
[8] Enrico Berlinguer, issu d’une riche famille sarde, d’abord à la tête des Jeunesses communistes, il devient secrétaire du PC après Togliatti et Longo. Très impressionné par le coup d’état au Chili, il sera le maître d’œuvre du projet de « compromis historique » avec la DC et donc du refus de gouverner l’Italie sans l’aval des Américains, même si les électeurs lui avaient donné la majorité relative au Parlement.