BOIREAU-ROUILLÉ, Monique. La démocratie contre l’Etat. Marx et le moment machiavélien de Miguel ABENSOUR.

MARX, Karl (1818-1883)État et étatismedémocratiepolitiqueBOIREAU-ROUILLÉ, MoniqueABENSOUR, Miguel

Miguel Abensour. La Démocratie contre l’État. Marx et le moment machiavélien". PUF (Collège international de philosophie), 1997, Paris, 115 p.

En 1974 Pierre Clastres nous donnait une Société contre l’État qui réhabilitait heureusement dans le domaine anthropologique une approche du politique comme sphère autonome, débarrassée de la gangue économiste des « trajets marxistes en ethnologie ». Aujourd’hui M. Abensour nous propose une Démocratie contre l’État animée du même souci de renouer avec une approche du politique « comme tel », mais effectué ici par un retour sur la pensée politique de Marx, débarrassée des a priori « marxistes ».
Il nous invite donc à une relecture de Marx en forme de découverte d’un Marx méconnu, porteur d’une authentique conception de la liberté moderne, trop longtemps occulté par la vision d’un Marx chez qui l’économie politique aurait livré la clé du politique.
Cette invitation au voyage pourrait ressembler à un tourisme archéologique, mais ce n’est pas le cas ; invitation séduisante (même si austère car il s’agit d’une relecture du texte de 1843, Critique du droit politique hégélien essentiellement) puisqu’à partir d’une lecture arendtienne guidée par une conception de la politique moderne comme « agir », M. Abensour découvre un Marx bakouninien qui nous incite d’une part à repenser les liens de la démocratie et de l’anarchie, et d’autre part se situe au cœur de notre interrogation contemporaine sur la nature du politique.
C’est en effet sous les auspices du « moment machiavélien » que Abensour entreprend sa lecture.
Qu’entend-il par là ? Le fait que sous l’impulsion d’un regain d’intérêt contemporain pour la philosophie politique, impulsé par les travaux de C. Lefort entre autres, le politique dans sa dimension propre et énigmatique fasse retour, à l’écart des philosophies de l’Histoire et des tentatives de sociologisation du politique. Prenant acte de ce moment, M. Abensour revient sur la pensée du jeune Marx des années 1840, laboratoire de notre modernité politique.
L’un des intérêts majeurs à notre avis de ce travail est de montrer que dans la pensée de Marx, l’abolition de l’État ne s’accompagne pas d’un effacement de la dimension du politique, ou, pour dire les choses autrement, l’idée directrice de ce livre est que chez Marx le thème de la disparition de l’État ne s’identifie pas à la disparition du politique.
En quoi une telle lecture est-elle importante ?
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