BERRY, David. "Daniel Guérin, la contestation permanente".

Afrique : Algériesexualité et genre - homosexualité *BERRY, David (1957 - ....).SARTRE, Jean-Paul (1905-1980). PhilosopheGUÉRIN, Daniel (1904/05/19 - 1988/04/14). Journaliste, auteur dramatique, historien et théoricien des mouvements libertairesTROTSKI, Léon (1879-1940), trotskistes et trotskismesfascisme et antifascismeFrance.- 5e République.- Mai 1968Droit. MinoritéAfrique : Maroc Syriecontestation

Historien engagé, socialiste révolutionnaire (marxiste et libertaire), anticolonialiste, antifasciste, antiraciste, antimilitariste, militant de l’émancipation homosexuelle... Il n’est pas aisé de résumer en quelques mots la contribution intellectuelle et militante de Daniel Guérin au mouvement révolutionnaire, telle a été la diversité de ses engagements pendant plus d’un demi siècle.
Né il y a cent ans, le 19 mai 1904, Daniel Guérin sera de tous les combats, jouant souvent un rôle de pionnier. Son Fascisme et grand capital de 1936, par exemple, rédigé sur le conseil de Simone Weil et d’autres amis antifascistes et inspiré par les travaux de Léon Trotsky, d’Andres Nin et d’Ignazio Silone, sera une des premières études scientifiques du fascisme et reste pour beaucoup son chef-d’œuvre.
Son étude controversée de la Révolution française, La Lutte de classes sous la Première République, 1793-1797, parue en 1946, provoque un tollé parmi les historiens universitaires (et surtout communistes ou communisants) mais est pour Jean-Paul Sartre " un des seuls apports enrichissants des marxistes contemporains aux études historiques ".
Daniel Guérin est aussi un anticolonialiste de la première heure, ayant compris très tôt, après des séjours au Liban, en Syrie, à Djibouti et au Vietnam en 1927-29, les réalités sociales du colonialisme et l’hypocrisie de la prétendue " mission civilisatrice " de la République française. Il joue un rôle instigateur dans le mouvement de soutien aux nationalistes et révolutionnaires marocains et algériens, et figure par exemple parmi les premiers signataires du " manifeste des 121 " de 1960, qui déclare sans ambages que " La cause du peuple algérien, qui contribue de façon décisive à ruiner le système colonial, est la cause de tous les hommes libres. " Quand François Mitterrand (alors ministre de l’Intérieur) déclare que " l’Algérie, c’est la France ", Guérin lui répondra (à un meeting organisé par le Comité d’action des intellectuels contre la poursuite de la guerre en Afrique du Nord) que " l’Algérie n’a jamais été la France ".
Á l’époque où se déclenche la guerre froide, Guérin fait également partie de la minorité d’intellectuel(le)s de gauche qui rejete l’hystérie belliciste provoquée par la guerre de Corée en refusant de s’allier à Moscou ou à Washington et en revendiquant " le droit d’attaquer le Big Business, sans pour autant cesser d’être, depuis toujours, un adversaire déclaré du régime stalinien et de la politique extérieure russe ".
Et en 1968, Guérin est parmi les premiers à reconnaître l’importance et la signification du mouvement de mai, faisant publier dans Le Monde du 8 mai, avec Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir, Michel Leiris et Colette Audry, une déclaration faisant appel à " tous les travailleurs et intellectuels à soutenir moralement et matériellement le mouvement de lutte engagé par les étudiants et les professeurs. "
Dans les années 1960 également, Guérin fait figure de pionnier de l’émancipation homosexuelle et il est considéré dès 1968 comme le " grand-père " du mouvement gay. Pierre Hahn, militant en vue du mouvement de libération homosexuelle et un des fondateurs du FHAR (Front homosexuel d’action révolutionnaire), dans lequel Guérin a milité aussi un temps, a écrit dans une lettre à son ami : " Plus qu’à nul autre, les homosexuels vous sont reconnaissants, et moi le premier, pour tout ce que vous avez fait en leur faveur et à une époque où le dire jetait un discrédit sur son auteur. [...] Mais ce que vous nous avez apporté de plus précieux, c’est une œuvre tout à la fois politique (dans le sens traditionnel) et sexologique : c’est La Peste brune plus Kinsey ; c’est Fourier et les textes contre le colonialisme ; c’est enfin vous-même. "