France : "Fin du "grand centre" ? par Damien.

France.- 5e République (1959-....)Union Européenne

Il est pour le moment encore un peu tôt pour analyser les conséquences du vote des Français sur le fonctionnement de l’Union européenne, mais je pense qu’on peut déjà tirer quelques enseignements en ce qui concerne la politique intérieure.
Henri Emmanuelli et Nicolas Sarkozy font la même analyse des résultats de ce vote : l’un appelle la gauche à être plus à gauche, l’autre la droite à être plus à droite. Ils remettent tous les deux en cause ce que j’appelle le "grand centre" (d’autres stigmatisaient il y a quelques années la "pensée unique") qui dominait la vie politique française depuis au moins 1983 et la conversion des socialistes au libéralisme économique.
Il y a quelques jours Alexandre Adler, dans Le Figaro, parlait de la fin de l’époque Delors. Une fois n’est pas coutûme, je pense que son analyse était assez juste. Selon lui, Jacques Delors a été la figure politique française la plus déterminante de ces trente-cinq dernières années. Depuis la Nouvelle Société de Chaban, dont il était un des conseillers, jusqu’à l’élaboration de cette constitution européenne, en passant par les Assises du socialisme de 1974 qui ont vu la deuxième gauche rejoindre le PS mitterrandien, le tournant de 1983 évoqué plus haut, et bien sûr ses dix ans passés à la tête de la Commission européenne, les positions très centristes (à mi-chemin de la social-démocratie et de la démocratie chrétienne) de Jacques Delors ont imprimé leurs marques à la politique française aussi bien à gauche qu’à droite. Les grandes orientations de politique économique et l’engagement européen de la France n’ont jamais été contestées (si ce n’est à la marge) par les partis de gouvernement, quelque soit la majorité au pouvoir. Cela ne signifie pas que la droite et la gauche aient mené la même politique, loin de là, mais il y avait une sorte de consensus d’une bonne partie de la population sur la justesse de la voie choisie, assez médiane politiquement, de plus en plus éloignée des grandes idéologies. C’est ce consensus qui vole aujourd’hui en éclat.