TERTRAIS, Jean-Pierre. "L’agriculture".

économie : agriculture et monde ruralluttes rurales et paysannesTERTRAIS, Jean-Pierre

Au cours de l’histoire, la condition paysanne a souvent été synonyme de souffrances, ponctuée par quelques périodes de révoltes sauvagement réprimées. Hostilité de la nature, caprices des saisons, techniques rudimentaires, insécurité, impôts, corvées. Dépourvu de tout scrupule, le pouvoir seigneurial, ecclésiastique, royal ou bourgeois a peu à peu brisé les solidarités rurales, substitué aux usages collectifs des sols la propriété privée. C’est l’injustice, la force, la violence qui ont contribué à la confiscation des meilleures terres, à la formation de vastes domaines, de fortunes considérables, l’héritage assurant, d’une génération à l’autre, la reproduction de ces inégalités.
Apparue au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la « modernisation » fait naître, chez les paysans, l’espoir d’une nette amélioration du niveau de vie et des conditions de travail : les illusions seront de courte durée. Les gains de productivité provenant de la deuxième révolution agricole (motorisation, mécanisation, fertilisation minérale) entraînent une baisse très importante des prix réels de la plupart des denrées agricoles.
Confrontés à cette concurrence, les agriculteurs les moins équipés, au nord comme au sud, sont condamnés à la régression et à l’élimination. Le recours à des techniques de plus en plus coûteuses creuse les écarts entre ceux qui disposent d’importantes capacités et ceux dont les moyens financiers sont faibles. Des centaines de millions d’exploitations paysannes ont ainsi d’ores et déjà disparu. Par sa nature même, le système capitaliste ne peut fonctionner qu’à grande échelle. Il fallait donc de grandes, si possible de très grandes exploitations pour vendre des machines toujours plus puissantes et sophistiquées, et des quantités toujours plus importantes d’engrais et de produits « phytosanitaires » pour surproduire. …