SCHWARTZ, Barthélémy. "Dérive d’avant-garde".

BRETON, André (1896/02/18) - (1966/09/28). Poète surréalistePolitique. Avant-Garde et avant-gardismeTROTSKI, Léon (1879-1940), trotskistes et trotskismesSCHWARTZ, Barthélémy

Une critique des conceptions avant-gardistes de l’International
situationniste, à travers une relecture des théories de « dérive », « 
d’urbanisme unitaire » et de « construction de situation ».

LE surréalisme a donné sa forme première à l’avant-garde artistique-radicale, durant sa période de l’entre-deux guerres : un groupe radical, agissant essentiellement dans le domaine de la culture et de la vie quotidienne, se présentant comme laboratoire d’expériences radicales dans le domaine du sensible, à partir duquel sont discutés les projets utopiques qui détermineront, en partie, la société future non capitaliste.
Dans cette conception, où l’avenir de la société est sensée se réfléchir dans les expérimentations de l’avant-garde artistique radicale, la révolution est envisagée comme une alliance des avant-gardes : à l’avant-garde artistique le domaine de la culture et de la vie quotidienne ; à l’avant-garde politique celui de la réorganisation économique, politique et sociale de la société future. Dans cette division avant-gardiste des tâches, l’égalité des droits est déjà en fait un marché de dupes, l’avant-garde artistique est déjà dépendante du parti de l’avant-garde politique : en 1938, dans le manifeste Pour un art révolutionnaire indépendant qu’il rédige avec Léon Trotsky, André Breton revendique au nom des surréalistes un régime anarchiste pour la culture à l’intérieur d’un régime centralisé de production : "Si, pour le développement des forces productives matérielles, la révolution est tenue d’ériger un régime socialiste de plan centralisé, pour la création intellectuelle elle doit dès le début même établir et assurer un régime anarchiste de liberté individuelle. Aucune autorité, aucune contrainte, pas la moindre trace de commandement ! Les diverses associations de savants et les groupes collectifs d’artistes qui travailleront à résoudre des tâches qui n’auront jamais été si grandioses peuvent surgir et déployer un travail fécond uniquement sur la base d’une libre amitié créatrice, sans la moindre contrainte de l’extérieur. " (1)
Mais penser que la dictature du parti préservera un territoire d’anarchie au domaine de la création est une illusion avant-gardiste, et le surréalisme ne peut s’en remettre, sur ce point, en dernière instance, qu’à la bonne volonté du parti. De plus, cette distinction entre régime d’anarchie pour les uns (la liberté sans frein et les tâches grandioses pour les scientifiques et les artistes) et régime de plan centralisé pour les autres, esquisse déjà en creux toute une conception de la société future, et de sa future division du travail, que les surréalistes n’ont peut être pas perçue comme telle alors, mais que les projets de l’avant-garde politique promettaient déjà.