Les idées de Proudhon sur la démocratie constituent un élément essentiel de sa pensée. Paradoxalement, elles ont paru se contredire au cours des événements dont il a été témoin et, souvent, partie prenante. Quant aux historiens, ils ont jeté un voile pudique sur ses convictions républicaines, ou au contraire condamné son attitude après le coup d’Etat du futur Napoléon III et sa critique du parlementarisme.
Selon Manfredonia, contemporains et historiens n’ont pas cerné l’idéal républicain de Proudhon. S’il condamne le système représentatif et la tyrannie de la majorité, qui font que le peuple règne mais ne gouverne pas, il veut que la souveraineté populaire dépasse son caractère purement symbolique pour s’exercer dans les faits. Il rejette la démocratie et même le principe électif au bénéfice d’un idéal républicain fondé sur une société refondée sur un modèle mutuelliste et sur les libertés politiques. Une société "républicanisée", comme le dit Manfredonia, où les privilèges sont abolis, où le droit politique appartient non seulement aux individus, mais aux diverses formes de la société, comme les communes et les corporations, où le suffrage universel ne se porterait pas sur des représentants mais sur les choix de société.
Selon Proudhon, par conséquent, la société républicaine ne s’est pas encore réalisée, en dépit des formes qui se prétendent telles, et au cours de sa vie il en énonce les diverses conditions de sa réalisation. Bref, cette étude va bien au-delà de la réhabilitation d’une idée et de la reconstitution historique : elle pose des questions qui sont toujours d’actualité.
Ronald Creagh