CYR, Marc-André. La Presse anarchiste au Québec (1976-2001).

Communication. Presse anarchiste : 20e siècle* bibliographieCanada : Histoire de l’anarchisme CYR, Marc-André

Préface par Michel NESTOR. Postface par Francis DUPUIS-DERI. Montréal : Les éditions Rouge et Noir. 220 p.Ill.
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Objets d’un mémoire de maîtrise présenté il y a deux ans, six journaux ont été retenus afin de dresser « un portrait anarchiste de l’actualité mondiale et québécoise. » Cette idée de réunir La Nuit, Le Q-Lotté, Rebelles, Hors d’Ordre, Hé… Basta !, Démanarchie était nécessaire. Avant de songer à « donner des fondements au mouvement libertaire contemporain », l’auteur ressuscite ces publications tirées parfois à si peu d’exemplaires que leur existence aurait été bien plus tard occultée. L’anarchisme, qui lutte pour l’abolition du pouvoir et de l’oppression tout acabit, se manifeste tout au long du 20e siècle au Québec. De la crise de la conscription de 1917 à la publication du Refus global, il est impossible pour le moment d’en tracer les contours aussi aisément qu’en observant les journaux que ses tenants francophones ont commencé à produire à partir de 1976. Sans nécessairement posséder de plate-forme précise, ces collectifs libertaires -dont les contours ont gardé leurs mystères- jettent sur le monde un regard plus que lucide. Il est ainsi question des perspectives sur l’« ordre militaire » et les « résistances » dans le monde à la fois bipolaire et sans repères à partir de 1970, puis dans celui où s’instaure le « Nouvel Ordre mondial » à la suite de l’effondrement de l’URSS. […] Cyr aborde les productions de deux générations d’anarchistes québécois aux idéologies aussi fluctuantes que nombreuses. L’une s’abreuve de la fin du capitalisme d’État et l’autre du mouvement contre la mondialisation néolibérale connaissant un certain paroxysme au Sommet des Amériques de 2001. Dans un style concis et objectif, il réussit à rendre l’essence de cette mouvance insaisissable, sans toutefois parvenir à enrayer notre soif d’en connaître davantage sur les groupes qui produisent ces journaux. Marie-Pier Frappier

D’un journal à un autre, capitalisme, réformisme, néolibéralisme, syndicalisme, nationalisme, consumérisme et sexisme passent à la moulinette des anars du Québec. Le caractère avant-gardiste de ces analyses de l’actualité frappe le lecteur lorsqu’on considère ce que les historiens retiennent aujourd’hui de la période.
Dans un style concis, Cyr réussit à rendre l’essence des motivations bien souvent insaisissables des anarchistes. Le mouvement garde cependant son aura nébuleuse, car la plupart des textes, datant parfois d’une trentaine d’années, restent anonymes. Cherchez les porte-drapeaux anarchistes de cette fin de siècle, vous n’en trouverez pas dans ce livre.
Dans une longue postface plutôt introspective, Francis Dupuis-Déri dresse pour sa part un bilan critique de la presse et de la mouvance anarchistes de 2001 à 2006, desquelles émergent Le Trouble, Ruptures, Cause commune, La Mauvaise Herbe, Les Sorcières et Anarkhia. L’anonymat y reste aussi garant de la devise « Ni Dieu, ni maître », chère aux anars, et les thèmes recoupent ceux de leurs prédécesseurs, à peine moins radicaux.
Dupuis-Déri apporte depuis des années sa contribution à la reconnaissance du mouvement. Il continue dans ce livre à déconstruire le mythe de l’anarchiste naïf et violent présenté par les médias officiels. Pour la cause, on aurait aimé qu’un des deux auteurs aborde la façon dont les anarchistes perçoivent les médias, car ils n’ont pas l’habitude d’être avares de commentaires à leur intention.
Marc-André Cyr le signale cependant à plusieurs reprises : cet ouvrage n’est qu’« une brique dans la muraille » de l’histoire de l’anarchisme au Québec. De plus en plus d’audacieux du gabarit de Cyr et de Dupuis-Déri soumettent heureusement ses manifestations à la rigueur de la recherche universitaire.
Marie-Pier FRAPPIER, "Médias - Presse séditieuse", Le Devoir, 6-7 janvier 2007