MERCIER-VEGA, Louis. Refus de la légende

Article paru dans la revue Témoins N° 12-13 de 1956, Fidélité à l’Espagne, sous la plume de Louis Mercier alias Charles Ridel.

Guerre civile en Espagne (1936-1939)MERCIER-VEGA, Louis (1914-1977).- Pseud. de Charles CORTVRINT

Bâtie sur hommes, la Révolution espagnole n’est ni une construction parfaite ni un château de légende. La première tâche nécessaire à notre équilibre est de réexaminer la guerre civile sur pièces et sur faits et non d’en cultiver la nostalgie par nos exaltations. Tâche qui n’a jamais été menée avec conscience et courage, car elle eût abouti à mettre à nu non seulement les faiblesses et les trahisons des autres, mais aussi nos illusions et nos manquements, à nous, libertaires.
La manie qui consiste à vanter nos actes d’héroïsme et nos capacités d’improvisation est mortelle, parce qu’elle réduit au seul plan individuel la recherche des solutions sociales et efface, par un artifice de propagande, les situations auxquelles nous fûmes incapables de faire face. La tendance à magnifier les militants de la C. N. T. et de la F. A. I. masque notre impuissance à œuvrer efficacement là où nous nous trouvons, où nous travaillons et sommes en mesure d’intervenir. Elle est trop souvent évasion hors de notre temps et hors de notre monde. Sans compter que les militants espagnols eux-mêmes s’en trouvent allégés de leurs propres responsabilités, se voient suspendus comme images de saints qu’ils savent ne pas être, et figés dans des attitudes alors qu’il leur faut agir les yeux ouverts.