WARSCHAWSKI, Michael. "Bil’in : la victoire de David l’anarchiste sur Goliath le colon".

PalestineIsrael.- Histoire de l’anarchismeWARSCHAWSKI, Michael

En première page du Maariv, le deuxième quotidien le plus important d’Israël, il y avait le titre suivant : « Les habitants de Bil’in ont gagné contre les FDI » avec le sous-titre : « Trois années de manifestations violentes par les palestiniens et les militants d’extrème gauche (israéliens) qui ont payé : la barrière de séparation près de Bil’in sera déplacée. » A l’intérieur, dans l’article, le titre est encore plus éloquent : « La bataille de la barrière : l’Etat a perdu à Bil’in. »
Sauf pour la qualification erronée de « manifestations violentes » puisqu’il s’agissait en vérité d’un combat stratégiquement basé sur la non violence, le sentiment des rédacteurs de droite du Maariv sont partagés par les centaines d’habitants de Bil’in qui ont organisé un rassemblement de la victoire dans le village, immédiatement après la publication de la décision de la Cour suprême : une victoire de David contre Goliath. Ensemble, avec quelques dizaines de militants israéliens et internationaux, ils ont dansé et chanté pendant des heures dans la grande rue du village et sur le fameux chemin qui mène du village à la barrière. Ils ont fêté la victoire d’un combat populaire contre un appareil militaro-colonial puissant, organiquement associé à une bande de voleurs qui ne respectent même pas les règles (illégales) de cet appareil.
La mobilisation de Bil’in n’est pas le seul combat contre la confiscation des terres et la colonisation. Cependant, elle est devenue la plus emblématique grâce à la combinaison de plusieurs éléments : la détermination des villageois, la créativité de leur comité populaire local, la nature organique de la coopération entre Palestiniens, Israéliens et internationaux, le rôle actif des « Anarchistes contre le mur » et la capacité à s’adresser aux gens du pays comme à l’opinion publique internationale par les médias. Le fait que chaque semaine, le vendredi après-midi, une petite centaine de militants se retrouvaient et manifestaient à la barrière à Bil’in a permis de maintenir Bil’in au cœur de l’actualité, non seulement pour les médias mais, ce qui est plus important, pour le mouvement de solidarité israélien. Comme dans les années 90 où, chaque vendredi, nous avions l’habitude de dire, « Je vais au rassemblement des Femmes en noir », ces trois dernières années, des centaines de militants israéliens ont inscrit la manifestation de Bil’in sur leur agenda hebdomadaire.
Tout aussi emblématique est le fait qu’il y a eu une matérialisation sur le terrain du triangle indispensable que nous avions mis en avant à la conférence de Bilbao en 2003 : la résistance palestinienne, la coopération israélienne et la solidarité internationale. Cette articulation triangulaire doit être au cœur de toute stratégie de résistance contre l’occupation et la colonisation, partout, en Israël/Palestine comme à l’étranger. Une leçon qui doit être gardée à l’esprit par le mouvement national palestinien aussi bien que par le mouvement de solidarité. Pour ce qui est des Anarchistes et de leurs homologues dans les territoires palestiniens occupés, ils n’ont pas besoin d’apprendre cette leçon : le combat à Bil’in confirme qu’il est une composante de leur vision du monde, de leur politique et de leur stratégie.