Polémique J.-M. Domenach — Albert Camus

Témoins n°9 (été 1955)

Guerre mondiale (1939-1945). RésistancehistoireCAMUS, Albert (Mondovi, Algérie (7 /11/1913 - Villeblin (Yonne, France) 4/1/1960

« je continue de penser que cette contestation entre la gauche libre et la gauche progressiste est le problème essentiel de notre mouvement […]Si je refuse la politique des intellectuels progressistes, c’est du même mouvement, sinon pour les mêmes raisons, que j’ai refusé celle des intellectuels de la Collaboration. Les alibis du réalisme et de l’efficacité risquent, selon moi, de nous mener aujourd’hui à une nouvelle démission qui enlèverait leur valeur à nos arguments contre l’ancienne. Pour continuer d’être contre celle-ci, il nous faut lutter de toutes nos forces contre celle qui se prépare. C’est ce que je voulais dire en écrivant que là était la vraie fidélité à la Résistance[…]je suis né dans une famille, la gauche, où je mourrai, mais dont il m’est difficile de ne pas voir la déchéance. J’en suis responsable aussi, en même temps que d’autres. Simplement, il y a toujours eu en moi une résistance à l’entraînement général et j’ai toujours voulu que le grand esprit de libération et de justice qui a fait la grandeur et la véritable efficacité du mouvement règne à nouveau parmi nous. C’est pourquoi j’écris dans la passion, et sans fard, ce que j’ai à dire sur ce sujet.[…] Que sont donc ces serviteurs de l’histoire qui s’effarouchent des paris historiques ? Si nous devons prendre notre place dans les luttes du temps, contracter un engagement, faut-il donc qu’il se fasse au jour le jour ? Et, dans ce cas, en quoi ce bel engagement diffère-t-il de l’opportunisme le plus hypocrite et le plus timoré ? Mais non, il est bien évident que l’engagement dans l’histoire consiste aussi à prendre un risque envers l’avenir[…] »