REYNAUD-PALIGOT, Carole. "Les Surréalistes et le mouvement libertaire après 1945"

art : courants : surréalismeREYNAUD-PALIGOT, Carole* bibliographie

in Intellectuel surréaliste (après 1945), études réunies par Maryse Vassevière, Paris, Association pour l’étude du surréalisme, 2008, 240 p
Auteur d’un beau livre consacré aux Parcours politique des surréalistes (1919-1969), Carole Reynaud Paligot (Université Paris I) s’intéresse ici aux relations que les surréalistes ont entretenues avec les anarchistes après la Seconde Guerre Mondiale, relations souvent considérées comme négligeables par la critique qui a l’habitude de rattacher le mouvement surréaliste de l’époque au trotskisme. Commençant par rappeler que cet enthousiasme peut être lu comme un « retour aux sources » (p. 152) après la désillusion communiste des années 1930 — plusieurs surréalistes ayant eu, dans leur jeunesse, des accointances avec le mouvement anarchiste, voire une passion pour celui-ci —, C. Reynaud Paligot en vient au cœur de son propos : il s’agit de pointer le parallélisme entre le rapprochement des surréalistes avec les anarchistes dans les années 1950 et celui, trois décennies plus tôt, des mêmes avec les communistes. Dans les deux cas en effet, les surréalistes entendent convaincre leur partenaire que leur art est en phase avec un projet commun — dans ce cas précis, qu’il est « révolutionnaire et libertaire » (p. 157). Dans les deux cas également, les surréalistes se réservent un domaine spécifique — celui de l’esprit — et un rôle singulier — bouleverser les structures mentales — tout en laissant le domaine de « l’action directe » (ibid.) à leurs compagnons, communistes dans les années 1920-1930, anarchistes dans les années 1950-1960. Dans un troisième temps, C. Reynaud Paligot étudie la réception anarchiste du mouvement surréaliste : elle fait ainsi apparaître des positions très contrastées, entre l’adhésion au surréalisme (Jean-Claude Tertais, Aurélien Dauguet ou encore André Bernard rejoindront ainsi le groupe de Breton après avoir milité dans les rangs anarchistes), surtout sensible chez les anarchistes les plus jeunes et les plus cultivés, et la réticence, qu’elle soit due à un désintérêt complet pour toute démarche artistique ou à un goût prononcé pour les formes engagées de l’art. Enfin, C. Reynaud Paligot prend soin de rappeler que tous les surréalistes ne sont pas concernés au même chef par le mouvement anarchiste ; la plupart semble même s’en désintéresser. Ils ont certes signé en nombre les déclarations communes, mais davantage pour ne pas froisser Breton que par conviction personnelle.