ARMAND, E. (1872-1962). Pseud. de Ernest-Lucien Juin. Biographie
UN DEMI-SIÈCLE D’AVANCE
ARMAND, E (pseud. de Ernest-Lucien JUIN). (1872-1962)individualismesexualité et genre"J’expose, je propose, je n’impose pas".
"Il vécut, il se donna, il mourut inassouvi".
E. Armand (1872-1962)
Du premier survol de la vie d’E. Armand (Ernest-Lucien Juin pour l’Etat Civil), on retire l’impression d’un fouillis. Lorsqu’on suit de près l’évolution de ce propagandiste, on distingue derrière cette apparence brouillonne, une démarche rigoureuse et tendant toujours vers plus de liberté.
Dès sa jeunesse studieuse, sa nature anti-conformiste et généreuse se manifeste. Ce fils de communard, élevé dans un milieu anti-clérical, se jette sur le Nouveau Testament pour apaiser sa soif d’absolu et entre en 1890 dans l’Armée du salut !
Mais les fleurs sauvages ne poussent pas dans les caves et il démissionne de son poste d’officier salutiste en 1897. Dans sa volonté d’affranchissement, il passe peu à peu au christianisme primitif, puis devient tolstoïen.
Enfin, en 1902, il quitte le boulet qui le maintenait encore dans un anarchisme chrétien : Dieu est mort, Armand est né. Communiste libertaire en 1904, la perception du décalage entre société anarchiste et nature humaine va l’amener en fin de route à l’individualisme anarchiste.
En 1905, il collabore au journal fondé par Libertad, "L’Anarchie" et fait de la prison sous l’inculpation trouble d’émission de fausse monnaie. Il en profite pour rédiger le livre "Qu’est-ce qu’un anarchiste" (1908) qui constitue sa première synthèse. Il se rend compte à cette époque des confusions et quiproquos entraînés par les divers aspects de l’anarchisme et il accole dans ses écrits au mot anarchisme la précision individualiste.
La pensée assurée, ayant trouvé en Denise Rougeault la stabilité et une collaboratrice, il peut mettre son érudition, sa puissance de raisonnement et sa connaissance d’une dizaine de langues au service de sa révolte. Il fait paraître "l’En-Dehors" pendant 17 ans (tirage : 6000), puis "L’Unique" pendant 11 ans, enfin un bulletin dans "Défense de l’homme" pendant 6 ans. Il publie plusieurs dizaines de brochures, organise causeries et cercles d’amis. A l’intérieur de son individualisme libertaire, il continue de progresser et aboutit, entre autres, à la thèse de la "Camaraderie amoureuse".
Le texte qui va suivre constitue le début de "La révolution sexuelle et la camaraderie amoureuse", partie la plus intéressante, car la moins anecdotique de ce livre édité en 1934 mais constitué d’écrits souvent antérieurs. Cette conception très avancée sur son époque amena un très grand nombre de critiques.
Les années ont passé, Reich et la psychanalyse sont venus, la société a eu le temps de s’engraisser aux dépends de l’individu jusqu’à être assez forte pour digérer la plus grande partie du subversisme sexuel.
Peut-être ces idées sont-elles maintenant d’actualité ?
P. J. (in EGO N° 12, Cahiers individualistes anarchistes, 1er trimestre 1971)