L’anarchisme et le ZZZ en Pologne 1919-1939

Pologne

Ceci est le 4ème supplément au « Rebel Worker » où nous essayons de donner des informations
sur l’histoire de plusieurs mouvements anarcho-syndicalistes. Tandis que l’histoire des
mouvements en Espagne et en Amérique du Sud est largement connue, le fait que durant les
années de l’entre 2 guerres des groupes anarcho-syndicalistes furent créés et se développèrent
dans la plupart des pays d’Europe Centrale et des Balkans est assez ignoré. Particulièrement
en Bulgarie un mouvement important et plein de vitalité exista et joua un rôle important là bas
durant les bouleversements révolutionnaires des années 1940. Le mouvement en Pologne fut
également d’une certaine importance. Nous avons rassemblé le peu qui existe sur le sujet.

Histoire du mouvement anarchiste polonais 1919-1929

Le mouvement anarchiste en Pologne avant la guerre (la 1ère guerre mondiale) formait une part essentielle
et constitutive du mouvement anarchiste de la Russie tsariste. Naissant peu avant l’éclatement de la
révolution de 1905, il rencontra une puissante réponse dans les zones industrielles de l’ancienne Pologne
du Congrès (1), surtout dans la partie frontalière avec la Russie elle-même. En ces jours héroïques de
1905, les anarchistes montrèrent un courage inégalable et sans faille, leurs tactiques révolutionnaires
d’action directe sans compromis les plaçant à la tête des autres organisations de trvailleurs/euses dans les
villes de Bialystok, Wilno (2) et Varsovie. Bien que cela se produisit dans un laps de temps relativement
court les anarchistes trouvèrent ainsi une plus grande popularité parmi les masses, qui voyaient en eux et
elles les seulEs véritables protagonistes des idées révolutionnaires : ils/elles ne toléraient pas de
compromis dans la lutte contre le capitalisme et l’État, tout comme ils/elles n’hésitaient pas lorsque les
intérêts matériels et moraux de la révolution étaient en jeu à payer de leur propre vie quand c’était
nécessaire. Ils/elles combattaient, vivaient et mourraient en accord avec les idées qu’ils/elles
proclamaient. Seule la défaite de la révolution de 1905 et l’aube de la réaction purent affaiblir le
mouvement anarchiste mais sans être capable de l’amener à expirer. Pour tout cela le déclin du
mouvement était inévitable à la vue du fait que seules ses actions, mais pas ses idées, avaient pénétré
jusqu’aux masses. Dans un grand nombre de cas l’anarchisme ne véhiculait pas plus pour les
travailleurs/euses qu’une notion de terrorisme, que l’idée de « faire la peau » aux capitalistes, que
l’expropriation. Même des anarchistes qui s’étaient sacrifiéEs corps et âme interprétaient l’anarchisme de
manière aussi réductrice. Cependant de telles considérations ne doivent pas nous dissuader de leur accorder la reconnaissance que toute personne qui connaît leur constance inflexible et leur comportement
révolutionnaire ne peut décemment leur refuser.
D’où le fait que l’anarchisme comme idée révolutionnaire ne put ni prendre racine dans les esprits des
travailleurs/euses ni survivre à l’âge de la réaction. La bourgeoisie et les « socialistes » de toutes les
autres tendances n’avaient pas de grandes difficultés à convaincre les travailleurs/euses que l’anarchisme
était de toutes les manières synonyme de meurtre, vol et chaos. La guerre mondiale mit une fin à
l’émergence du mouvement anarchiste : il était déjà alors si affaibli qu’il n’y avait plus de danger qu’il
fasse entendre son cri de révolte. Dans ce surgissement sauvage de passion tumultueuse ce fut le premier
mouvement qui fut réduit à l’inexistence. Il n’eut même pas le temps de se défendre lui-même contre les
calomnies de la bourgeoisie, et ainsi le préjugé qui assimilait l’anarchisme avec le meurtre et l’incendie se
répandit encore plus et renforça sa prise.
La révolution de février ouvrit les portes des prisons. Cela signifiait la liberté pour les camarades qui, bien
que polonaisEs de naissance, s’étaient surtout impliquéEs dans le mouvement russe. Quand la guerre
mondiale prit fin, ils/elles purent rentrer en Pologne. Du mouvement florissant d’avant ils/elles ne purent
retrouver trace. La génération montante, ayant été nourrie des romantiques « désillusions de
l’indépendance nationale », ne savait rien de l’anarchisme et les masses étaient intoxiquées par la création
de leur « propre » Pologne indépendante. Influencée par la vague révolutionnaire venant de l’Est et qui se
répercutait en Europe centrale, la Pologne allait devenir une « république populaire ». Des conseils
ouvriers furent formés et à Lublin un gouvernement populaire fut constitué qui fut en fonction plus tard
en tant que gouvernement socialiste emmené par Moraczewski. Au même moment, l’ancien Parti Social-
Démocrate de Pologne et de Lituanie rejoignit l’aile gauche du Parti Socialiste Polonais (PSP) pour
former le Parti Communiste Ouvrier de Pologne, qui appela une Pologne désormais libérée du Tsar à
tendre la main de l’amitié à la classe ouvrière russe, elle-même libérée du joug. Les nationalistes et
l’opportuniste Parti Socialiste de Pologne exploitèrent toutefois la proximité de la Russie et de
l’Allemagne à des fins très différentes. Ils trompèrent les masses en faisant croire que l’union avec la
Russie ou l’Allemagne, qu’elles soient révolutionnaires ou pas, signifiait le retour à la servitude dont
l’abolition avait coûté tellement de sang à la Pologne. Nourries des slogans patriotiques du PSP et du
Parti Travailliste National, les masses y placèrent leur confiance et auraient mis en pièces quiconque
aurait tenté de les priver de leur « liberté ». L’« héroïque retour du maréchal Pilsudski » (3) gagna
finalement les masses au parti de l’indépendance, Pilsudski étant connu depuis longtemps par elles
comme étant un camarade de combat. Mais le cours des évènements allait bientôt enseigner aux masses
une autre leçon. Pilsudski organisa une marche sur Kiev et déclencha un sanglant conflit avec le
prolétariat russe (4). Dû aux tactiques des commandants russes, qui ne se restreignaient pas simplement à
la défense des territoires révolutionnaires en danger, Pilsudski profita de l’opportunité pour prêter à ses
tentatives impérialistes les traits d’une « guerre défensive ». Toutes les distinctions de classe furent
repoussées à l’arrière plan, tandis que la propagande patriotique et nationaliste atteignaient leur apogée –
tout fut utilisé dans la lutte contre « l’invasion bolchevique » – et ainsi Pilsudski put regagner le prestige
qu’il avait perdu dans le sillage de la sanglante défaite à Kiev. Cela eut pour résultat l’échec complet de
tous les efforts faits par les socialistes populistes de la Pologne nouvellement « ressuscitée » ; dans la vie
politique et sociale du pays la route était maintenant ouverte aux réactions capitalistes et étatistes.