L’AMINOT, Tanguy. "Henri Roorda, lecteur de l’Emile"

BAKUNIN, Mihail Aleksandrovič (1814-1876)RECLUS, Élisée (1830-1905)ROUSSEAU, Jean-Jacques (1712-1778). Philosophe et écrivain français ROORDA, Henri (1870-1925)L’AMINOT, Tanguy (1948-....)

Texte paru dans Orbis Litterarum (Copenhagen, Danemark), vol. 58, n°1, 2003, p. 44-64.

Henri Roorda
(1870-1925) est apparemment quelque peu oublié dans la liste des théoriciens et
réformateurs de l’éducation moderne, bien que les éditions L’Age d’Homme aient
publié vers 1970, sous le titre d’ailleurs inexact d’Œuvres complètes, deux volumes de ses écrits. Le texte qui figurait
en quatrième page de couverture à ces ouvrages présentait plus <span
class=SpellE>Roorda comme "le plus grand humoriste de Suisse
romande" que comme un penseur de la pédagogie. L’éditeur précisait qu’il
avait retenu les "œuvres littéraires d’Henri Roorda"et écarté les manuels scolaires, ainsi que les contributions aux revues
scientifiques. Il aurait pu ajouter, comme nous allons le voir, qu’il avait
également éliminé une partie des écrits militants de Roorda :
à part l’un d’eux, la bibliographie figurant à la fin du second volume, les
ignore. Ces Œuvres dites complètes
offrent cependant au lecteur deux livres de combat en faveur de l’enfant. Le
premier est le plus renommé et assure sans doute la survie de la pensée de <span
class=SpellE>Roorda : Le pédagogue
n’aime pas les enfants paru en 1917, a été réédité en 1984 chez le même
éditeur, dans une collection de poche et en compagnie de deux autres textes
aussi virulents dans leur défense de l’enfant contre l’école et la stupidité
sociale, montrant ainsi que le cri poussé par Roorda
au début du vingtième siècle, conservait tout sons sens près de soixante-dix
ans plus tard title=""><span
style='mso-special-character:footnote'><span
class=MsoFootnoteReference>[1]
.
Le second texte est Avant la grande
réforme de l’an 2000 et a été
publié en 1925. Les autres ouvrages figurant dans les deux volumes des <i
style='mso-bidi-font-style:normal'>Œuvres complètes sont surtout constitués
par les chroniques parues dans la presse de Lausanne et regroupées sous divers
titres : Mon internationalisme sentimental
(1915) ; A prendre ou à laisser
(1919) ; Le Roseau pensotant
(1923) ; Le Débourrage des crânes est-il possible ? (1924) ; Le Rire et les rieurs (1925) ; Almanach Balthasar et <i
style='mso-bidi-font-style:normal'>Mon suicide (1925), sans oublier
quelques pièces de théâtre.

<span
style="mso-spacerun:yes"> Henri Roorda
est néanmoins l’un des auteurs les plus radicaux parmi ceux qui ont écrit sur
l’éducation. Il doit sans doute ce caractère à son enfance et son adolescence
passées parmi des révolutionnaires. Son père, Sicco
Ernst Willem Roorda van Eysinga,
qui mourut alors qu’il eut dix-sept ans, avait dû quitter la Hollande, son pays
d’origine, à cause de ses idées radicales qui mettaient à mal de façon trop
incisive l’Etat et la bourgeoisie. Installé en Suisse, à Clarens, il
accueillait dans sa maison des philosophes anarchistes comme son compatriote
Ferdinand Domela Nieuwenhuis
ou Pierre Kropotkine et Elisée Reclus. Roorda dira
plus tard qu’il a "été éduqué par des utopistes qui voulaient absolument
accélérer le progrès de l’humanité" href="#_ftn2" name="_ftnref2" title=""><span
style='font-size:8.0pt'><span
class=MsoFootnoteReference>[2]
.
Reclus influença profondément le jeune Roorda qui
fut, avec quelques jeunes gens et étudiants, parmi ses admirateurs les plus
convaincus<span
class=MsoFootnoteReference><span
style='mso-special-character:footnote'><span
class=MsoFootnoteReference>[3]
.
Une correspondance s’engagea entre eux quand, après 1890, Reclus revint en France. En 1894, Roorda pensa
même rejoindre son mentor et ami qui venait de professer à l’Université
nouvelle de Bruxelles, mais ce projet n’eut pas de suite car <span
class=SpellE>Roorda, récemment diplômé, ne se sentait pas alors de
taille à enseigner déjà les mathématiques supérieures, et surtout parce que les
cours n’étaient pas rémunérés name="_ftnref4" title=""><span
style='font-size:8.0pt'><span
class=MsoFootnoteReference>[4]
.
Il consacra cependant un article à évoquer son attachement et sa relation avec
le célèbre géographe deux ans après la disparition de celui-ci<a
style='mso-footnote-id:ftn5' href="#_ftn5" name="_ftnref5" title=""><span
class=MsoFootnoteReference><span
style='mso-special-character:footnote'><span
class=MsoFootnoteReference>[5]
.
L’amitié qui unit le jeune homme à Reclus fut peut-être aussi à l’origine de sa
réflexion pédagogique. L’auteur de la Géographie
universelle avait publié en 1886 une brochure intitulée <i
style='mso-bidi-font-style:normal'>L’Avenir de nos enfants, dans laquelle
il prenait violemment le parti de l’enfant contre ceux qui, à l’usine ou à
l’école, l’asservissaient par leur sottise, leur indifférence ou leur
brutalité.

<span
style="mso-spacerun:yes"> L’école, dans ces années 1880,
venait de connaître la grande réforme orchestrée par Jules Ferry et la
Troisième République. Loin d’être satisfaits des mesures qui allaient dans le
sens de l’instruction publique, laïque et obligatoire, les anarchistes, dont
Reclus était l’un des théoriciens, menèrent alors contre elles une forte
campagne d’opposition à travers journaux et brochures de propagande. Ces
révolutionnaires étaient conscients de l’enjeu présenté par l’éducation pour la
société à venir. Eduquer les tout-petits était chose trop importante pour être
confiée à la bourgeoisie, fut-elle socialiste. Dans Propos d’éducateur, Sébastien Faure qui créera en 1904, près de
Rambouillet, une école libertaire dénommée La Ruche, écrit : "L’école
chrétienne, c’est l’école du passé, organisée par l’Eglise et pour elle ; l’école
laïque, c’est l’école du présent, organisée par la République et pour elle ! La
Ruche, c’est l’école de l’avenir, l’école
tout court, organisée pour l’enfant, afin que cessant d’être le bien, la
chose, la propriété de la religion, de l’Etat, de la famille, de la patrie, il
s’appartienne à lui-même et trouve à l’école le pain, le savoir et la tendresse
dont ont besoin son corps, son cerveau et son cœur" ftn6' href="#_ftn6" name="_ftnref6" title=""><span
style='font-size:8.0pt'><span
class=MsoFootnoteReference>[6]
.
Ce propos se situait dans le droit fil des écrits sur l’éducation publiés
depuis plusieurs années par Michel Bakounine, James Guillaume, Paul Robin et
bien d’autres penseurs libertaires. Elisée Reclus avait lui-même participé à ce
courant en rappelant à ses camarades qu’ils devaient songer à l’avenir de leurs
enfants encore plus qu’à l’amélioration de leur condition, et les élever afin
d’en faire des hommes "comme nous voudrions être nous-mêmes". Il
donnait ainsi toute son importance à l’éducation dans la lutte sociale et
annonçait déjà la dénonciation de l’école qu’entreprendra Roorda
quelques années plus tard :

Maintenant que l’école est laïque, la formule
religieuse a été  remplacée
par une formule de grammaire, les sentences latines incompréhensibles ont fait
place à des mots français qui ne sont pas plus clairs. Que l’enfant comprenne
ou non, peu importe ; il faut qu’il apprenne suivant un formulaire tracé
d’avance. Après l’absurde alphabet qui lui fait prononcer les mots autrement
qu’il ne les lit et l’habitue ainsi d’avance à toutes les sottises qui lui
seront enseignées, viennent les règles de grammaire qu’il récite par cœur, puis
les barbares nomenclatures qui s’appellent la géographie, puis le récit de
crimes royaux qu’on nomme l’histoire. Et comment l’enfant bien doué peut-il, à
la longue, débarrasser sa cervelle de toutes ces choses qu’on y a fait entrer
de force, en s’aidant parfois de martinet et de pensums ! D’ailleurs, ces écoles
sont-elles sans esclavage, sans heures de retenue et sans barreaux aux
fenêtres ? Si l’on veut une génération libre, que l’on démolisse d’abord les
prisons appelées collèges et lycées !" ftn7' href="#_ftn7" name="_ftnref7" title=""><span
style='font-size:10.0pt;mso-bidi-font-size:8.0pt'> footnote'><span
style='font-size:10.0pt;mso-bidi-font-size:8.0pt;font-family:"Times New Roman";mso-fareast-font-family:Calibri;mso-ansi-language:FR;mso-fareast-language:FR;mso-bidi-language:AR-SA'>[7]

Les écrits de Roorda,
quelques années plus tard, développeront ces mêmes arguments.<span
style='mso-bidi-font-size:10.0pt'>

<span
style="mso-spacerun:yes"> Henri Roorda
est proche des anarchistes, tout au moins dans la première partie de sa vie. Le
16 juin 1892, peu après l’arrestation de Ravachol, il écrit une longue lettre à
Ferdinand Domela Nieuwenhuis,
dans laquelle il se déclare anarchiste : "Depuis les explosions de Ravachol
on a dit beaucoup de mal des anarchistes mais il est clair que je n’en suis pas
moins des leurs. Et même en voyant les protestations des républicains de toutes
nuances je me suis senti de plus en plus révolutionnaire"<a
style='mso-footnote-id:ftn8' href="#_ftn8" name="_ftnref8" title=""><span
class=MsoFootnoteReference><span
style='mso-special-character:footnote'><span
class=MsoFootnoteReference>[8].
Il adresse des articles à La Révolte,
dont s’occupe alors Jean Grave name="_ftnref9" title=""><span
style='font-size:8.0pt'><span
class=MsoFootnoteReference>[9]
.
Deux ans plus tard, il écrit au même pour exprimer sa sympathie à l’égard de <span
class=SpellE>Casério qui vient d’assassiner le président de la
république Sadi-Carnot, à Lyon. Il explique comment il profite de cours
particuliers pour convertir une jeune élève à ses idées et annonce qu’il
prépare un roman anarchiste name="_ftnref10" title=""><span
style='font-size:8.0pt'><span
class=MsoFootnoteReference>[10]
.
Alors qu’il n’a pas encore atteint sa trentième année, en 1898, il publie son
premier manifeste en faveur de l’enfance - L’Ecole
ou l’apprentissage de la docilité - dans L’Humanité nouvelle, une revue socialiste fondée l’année précédente
par Augustin Hémon, les frères Reclus, Clémence Royer, etc. L’essai est
aussitôt repris par l’anarchiste Jean Grave pour être publié dans le <i
style='mso-bidi-font-style:normal'>Supplément littéraire des Temps nouveaux
et F. Domela Nieuwenhuis
lui fait écho peu de temps après dans une conférence célèbre sur l’éducation
libertaire title=""><span
style='mso-special-character:footnote'><span
class=MsoFootnoteReference>[11]
.
Le Supplément littéraire des <i
style='mso-bidi-font-style:normal'>Temps nouveaux reprit en 1907 un<span
style="mso-spacerun:yes"> autre texte de Roorda
paru en avril 1902 dans La Revue blanche :
"La notion du Parfait dans l’enseignement". Roorda
publia aussi en août 1902 dans cette même revue une analyse sur "les
effets de l’éducation moderne" et, en juillet et octobre 1908, dans le <span
class=SpellE>Boletin<i
style='mso-bidi-font-style:normal'> de la Escuela <span
class=SpellE>moderna du pédagogue libertaire Francisco Ferrer deux
autres études aux titres révélateurs : "La escuela
y el saber inutil"(L’école et le savoir inutile) et "El escolar es
un procesado" (L’écolier est un prévenu)<a
style='mso-footnote-id:ftn12' href="#_ftn12" name="_ftnref12" title=""><span
class=MsoFootnoteReference><span
style='mso-special-character:footnote'><span
class=MsoFootnoteReference>[12]
.<span
style='mso-bidi-font-size:10.0pt'>

<span
style="mso-spacerun:yes"> Ces textes qui ne figurent
pas dans l’édition des Œuvres <i
style='mso-bidi-font-style:normal'>complètes de L’Age d’Homme, feront
l’objet de la première partie de notre étude. Ils constituent la forme la plus
radicale et la plus incisive de l’attaque menée par Roorda
contre l’édifice scolaire. Son œuvre ne se réduit pourtant pas à l’anarchisme.
Le combat qu’il mènera par la suite sera tout aussi acharné à montrer que
l’école écrase l’enfant tant sur le plan physique qu’intellectuel, mais <span
class=SpellE>Roorda aura plus la volonté de toucher un public moins
militant. Dans Le Pédagogue n’aime pas
les enfants qui paraît en 1917, il s’adresse à ses collègues enseignants et
à ceux qui peuvent apporter quelques changements efficaces dans la pesante
institution scolaire. Sans trop y croire d’ailleurs, car ce qui caractérise les
écrits de Roorda est à la fois cet enthousiasme
évident quand il prend la défense des enfants et un humour qui met quelque
distance dans le propos : il a lui-même parlé du "pessimisme joyeux"pour définir son attitude. Roorda ne renonça
cependant jamais à exposer ses idées et il est ainsi chargé en octobre 1916 de
présenter un rapport sur le "rôle que peut jouer l’enseignement des
mathématiques dans l’éducation intellectuelle des écoliers" à la
dix-neuvième assemblée de la Société suisse des professeurs de mathématiques, à
Baden. Cette dernière le lui a demandé pour s’opposer à un autre rapport de
l’Education nationale suisse qui souhaitait proposer un allégement de la partie
scientifique de l’enseignement scolaire au bénéfice des branches dites de
culture générale. La communication de Roorda qui
paraît l’année suivante dans L’Enseignement
mathématique et présente un résumé
des positions publiées dans Le Pédagogue
n’aime pas les enfants, suscite l’approbation de ses collègues<a
style='mso-footnote-id:ftn13' href="#_ftn13" name="_ftnref13" title=""><span
class=MsoFootnoteReference><span
style='mso-special-character:footnote'><span
class=MsoFootnoteReference>[13]
.
Peut-être plus significative de ce retrait de Roorda
vis-à-vis de l’engagement militant est, dans ses écrits, l’absence de référence
ou d’allusion à l’école Ferrer créée en 1910 à Lausanne, par le docteur Jean <span
class=SpellE>Wintsch, médecin scolaire, professeur à l’université de
cette ville et fondateur en 1915 du journal libertaire La Libre Fédération : l’école ouvrit en effet ses portes en novembre
1910, avec vingt-sept élèves, et ferma en avril 1919, par suite de la guerre et
de ses conséquences financières. Roorda fut cependant
parmi les fondateurs de cette institution, et l’on peut s’étonner de son
silence dans ses écrits name="_ftnref14" title=""><span
style='font-size:8.0pt'><span
class=MsoFootnoteReference>[14]
.<span
style='mso-bidi-font-size:10.0pt'>

<span
style="mso-spacerun:yes"> En 1925, l’année de sa mort,
paraîtra encore un essai de Roorda en faveur de
l’enfance et d’une éducation plus intelligente, mais qui reflète la lassitude : <i
style='mso-bidi-font-style:normal'>Avant la grande réforme de l’an 2000. Le
7 novembre, l’auteur se suicidait, laissant une courte lettre qui contenait ces
mots : "J’ai tout usé en moi et autour de moi, et cela est
irréparable".

10.0pt'> 

<span
style="mso-spacerun:yes"> Dans Le Pédagogue n’aime pas les enfants, Roorda,
avec la distance humoristique qui lui est coutumière, écrit que ses jugements
en matière d’éducation ne font qu’exprimer ses goûts personnels, mais qu’il
n’aurait pas formé le projet d’écrire ce livre s’il n’avait "pas été
fréquemment enthousiasmé par l’éloquence de tant d’écrivains anciens et
modernes qui défendent l’enfant contre l’Ecole" ftn15' href="#_ftn15" name="_ftnref15" title=""><span
class=MsoFootnoteReference><span
style='mso-special-character:footnote'><span
class=MsoFootnoteReference>[15]
.
Roorda cite cependant assez peu de noms dans ses
écrits, mais parmi ceux que l’on trouve, Rousseau occupe sans nul doute la
première place. L’auteur d’Emile est
notamment cité à plusieurs reprises dans le premier essai publié par <span
class=SpellE>Roorda en 1898, L’Ecole
ou l’apprentissage de la docilité.
Même quand elle n’est pas explicite, sa présence est sensible pour toute
personne ayant lu le traité d’éducation de Jean-Jacques. Celui-ci a d’emblée
une valeur d’opposition à la conception traditionnelle et officielle de
l’école, telle que l’instaure la Troisième République. Aux ministres et
fonctionnaires de l’Education nationale qui envisagent l’école comme un moyen
de former les hommes de la cité future (on parlerait aujourd’hui de
l’apprentissage de la citoyenneté), Roorda rappelle
les paroles de Rousseau qui figurent au début d’Emile :

Il
faut opter, dit Rousseau, entre faire un homme ou un citoyen, car on ne peut
faire à la fois l’un et l’autre

Cette incompatibilité nous paraît manifeste.

Eh bien ! nous voudrions que l’Ecole fît des hommes et non pas des
citoyens qui se laisseraient sans résistance ranger 1'> dans les compartiments de l’ordre d’où ils n’auraient bientôt
plus la force de sortir" href="#_ftn16" name="_ftnref16" title=""><span
style='font-size:10.0pt;mso-bidi-font-size:8.0pt'> footnote'><span
style='font-size:10.0pt;mso-bidi-font-size:8.0pt;font-family:"Times New Roman";mso-fareast-font-family:Calibri;mso-ansi-language:FR;mso-fareast-language:FR;mso-bidi-language:AR-SA'>[16]
<span
style='font-size:10.0pt;mso-bidi-font-size:12.0pt'>.<span
style='font-size:10.0pt'>

10.0pt'> 

L’école républicaine, en cette fin
du dix-neuvième siècle, éduque les enfants pour leur donner une place bien
définie dans la société de demain : aux enfants d’ouvriers et de paysans,
convient l’école primaire ; aux enfants de la bourgeoisie, l’école secondaire,
puis l’enseignement supérieur. L’école, loin d’être un lieu d’épanouissement
pour l’enfant, apparaît à Roorda comme un endroit où
on lui apprend avant tout à s’intégrer dans le monde des adultes qui l’attend.
Elle est de la sorte une institution garante de l’ordre social existant. Elle
habitue ceux qu’on lui confie à respecter des valeurs et des systèmes qui
existaient avant lui et qui, le plus souvent, sont fondés sur l’injustice et la
misère d’une partie de l’humanité. mais alors que Rousseau proposait à son
élève une éducation radicalement différente de celle qui avait cours dans les
collèges de son temps, Roorda ne se situe pas en
dehors du cadre scolaire existant. Il ne décrit pas tant un nouveau système
qu’une manière de rendre plus tolérable la situation de l’enfant pendant les
années qu’il passera en classe Il admet le cadre scolaire actuel, tout en en
contestant vigoureusement les méthodes et les projets.

Tout comme Rouseau,
Roorda place l’enfant au centre de sa réflexion et
lui subordonne les programmes, les techniques et les enseignants. Il est
persuadé comme le gouverneur d’Emile et comme Julie dans La Nouvelle Héloïse que l’enfance est un état passager qui ne dure
pas et ne reviendra plus jamais. En fonction de quoi, il doit être vécu
pleinement et joyeusement par l’enfant. On se souvient du tableau saisissant
que Rousseau dresse au livre second d’Emile,
quand il se figure "un enfant de dix à douze ans, sain, vigoureux, bien
formé pour son âge[...], bouillant, vif, animé, sans souci rongeant, sans
longue et pénible prévoyance, tout entier à son être actuel, et jouissant d’une
plénitude de vie qui semble vouloir s’étendre hors de lui :

L’heure sonne, quel changement ! A l’instant
son œil se ternit, sa gaieté s’efface, adieu la joie, adieu les folâtres jeux.
Un homme sévère et fâché le prend par la main, lui dit gravement : <i
style='mso-bidi-font-style:normal'>allons Monsieur, et l’emmène. Dans la chambre où ils entrent, j’entrevois
des livres. Des livres ! quel triste ameublement pour son âge ! Le pauvre enfant
se laisse entraîner, tourne un œil de regret sur tout ce qui l’environne, se
tait et part les yeux gonflés de pleurs qu’il n’ose répandre, et le cœur gros
de soupirs qu’il n’ose exhaler" href="#_ftn17" name="_ftnref17" title=""><span
style='font-size:10.0pt;mso-bidi-font-size:8.0pt'> footnote'><span
style='font-size:10.0pt;mso-bidi-font-size:8.0pt;font-family:"Times New Roman";mso-fareast-font-family:Calibri;mso-ansi-language:FR;mso-fareast-language:FR;mso-bidi-language:AR-SA'>[17]
<span
style='font-size:10.0pt;mso-bidi-font-size:12.0pt'>.<span
style='font-size:10.0pt'>

10.0pt'> 

<span
style="mso-spacerun:yes"> Pour Roorda,
la scène se reproduit quotidiennement cent cinquante ans plus tard, non plus
dans le cadre de l’éducation domestique où un précepteur enseigne à un élève,
mais dans celui de l’école publique où un maître doit s’occuper d’une classe de
vingt à trente élèves. Il rappelle qu’en cette fin du dix-neuvième siècle,
"les écoles sont de locaux fermés où, dès l’âge de huit ou neuf ans,
restent assis, cinq ou six heures par jours, les mioches de la race. ils ne
bougent guère, retenus par cet ordre souvent répété : "restez
tranquille" Silencieux, ils écoutent un de leurs camarades réciter sa
leçon, ou le maître qui explique le nouveau chapitre à apprendre. C’est affreux
le silence qui règne dans certaines salles d’école" ftn18' href="#_ftn18" name="_ftnref18" title=""><span
class=MsoFootnoteReference><span
style='mso-special-character:footnote'><span
class=MsoFootnoteReference>[18]
.
Dans Le Pédagogue n’aime pas les enfants,
Roorda poursuit son plaidoyer en affirmant que
l’école vole aux enfants en les immobilisant "durant des milliers d’heures
dans l’attitude de l’écolier qui écoute, ou qui fait semblant"<a
style='mso-footnote-id:ftn19' href="#_ftn19" name="_ftnref19" title=""><span
class=MsoFootnoteReference><span
style='mso-special-character:footnote'><span
class=MsoFootnoteReference>[19]
.
Est-il nécessaire, demande-t-il, de retenir ainsi de jeunes êtres pleins de vie
pendant des heures, alors que deux heures par jour pendant sept ou huit ans
suffiraient pour leur apprendre la science rudimentaire de lire, écrire et
compter qu’on exige d’eux ?

<span
style="mso-spacerun:yes"> Roorda
va plus loin. Il montre que l’écolier est dans la situation d’un prévenu en
face d’un maître qui a la rigueur et le pouvoir d’un juge : l’enfant est
régulièrement soumis à des interrogatoires et doit demeurer durant des heures
enfermé, assis, immobile, silencieux et inoccupé. alors que Rousseau, dans <i
style='mso-bidi-font-style:normal'>Emile, insistait sur la variété des
activités d’Emile et sur le plaisir toujours présent qu’il connaissait, <span
class=SpellE>Roorda souligne que, dans les classes modernes, les enfants
font tous en même temps la même chose : en dépit de la richesse apparente des
programmes, leur vie est très monotone et l’imprévu est exclu de leur univers :

Ces collégiens sont quelquefois intéressés par
ce qu’on leur apprend ; mais on les
enferme beaucoup trop longtemps. En classe, ils s’habituent à l’inaction. Et
ils s’ennuient. La patience qu’on enseigne à l’écolier est celle dont nous faisons
preuve  dans le salon d’attente d’un
dentiste : attendre ; regarder sa montre ; se résigner et se dire in petto :
"Je voudrais bien m’en  aller""<a
style='mso-footnote-id:ftn20' href="#_ftn20" name="_ftnref20" title=""><span
class=MsoFootnoteReference> 8.0pt'><span
class=MsoFootnoteReference> 8.0pt;font-family:"Times New Roman";mso-fareast-font-family:Calibri;mso-ansi-language:
FR;mso-fareast-language:FR;mso-bidi-language:AR-SA'>[20]
<span
style='font-size:10.0pt;mso-bidi-font-size:12.0pt'>.<span
style='font-size:10.0pt'>

<span
style="mso-spacerun:yes"> Rentrés chez eux, les écoliers
continuent d’être soumis au travail studieux de l’école qui leur enlève toute
joie de vivre, car les parents prennent le relais du maître et imposent à
l’enfant, qui vient déjà de consacrer dix heures de sa journée à l’étude, de
continuer. Roorda n’hésite pas à noircir le tableau
pour le rendre plus saisissant name="_ftnref21" title=""><span
style='font-size:8.0pt'><span
class=MsoFootnoteReference>[21]
.
Il affirme que dans certains pays où l’instruction est obligatoire et où les
enfants doivent savoir lire et écrire à sept ans, "on voit parfois dans
des coins trop sombres, le dos ployé, les genoux près du menton, de pauvres
petits êtres qui lisent d’ineptes histoires, parce que, avec plus ou moins de
douceur, on leur a inculqué le goût de la lecture

<span
style="mso-spacerun:yes"> Lire est toujours le fléau de
l’enfance, et peut-être plus qu’au dix-huitième siècle, puisque l’école
publique a fondé sa pratique sur cette activité. Roorda,
ici aussi, fait appel à Rousseau pour condamner cette manie. On peut s’étonner
de cette attaque menée contre la lecture, d’autant plus que depuis la parution
d’Emile, nombre d’auteurs s’en sont
pris à Rousseau sur ce point. N’est-ce pas là une attitude réactionnaire à une
époque où l’instruction apparaît comme le fondement de tout progrès individuel
et social ? Roorda est à cet égard aussi rigoureux que
son maître, puisqu’il demande "que l’enfant n’apprenne pas à lire avant
l’âge de dix ou onze ans. Qu’il attende même parfois une année ou deux de plus.
S’il n’est pas de ceux qui seront pris très jeunes par le travail des champs ou
de l’usine, ce retard n’aura pour lui qu’un excellent effet"<a
style='mso-footnote-id:ftn23' href="#_ftn23" name="_ftnref23" title=""><span
class=MsoFootnoteReference><span
style='mso-special-character:footnote'><span
class=MsoFootnoteReference>[23]
.
En fait, tout comme Rousseau, Roorda ne condamne pas
la lecture en tant que telle, mais bien parce qu’elle a deux conséquences très
négatives pour l’enfant quand celui-ci la pratique trop tôt, comme c’est le cas
dans l’éducation traditionnelle et à l’école. 10.0pt'>

<span
style="mso-spacerun:yes"> Une conséquence physique d’abord,
puisqu’elle oblige l’enfant à rester immobile à l’âge où il doit bouger,
s’ébattre, courir. Le corps est alors sacrifié à l’esprit. Roorda,
comme Rousseau, est convaincu que les enfants manifestent leur santé par la
joie dont ils font preuve dans leurs jeux : ceux-ci sont la véritable expression
de l’enfance. L’école moderne a certes pensé à consacrer quelques heures aux
activités physiques, mais Roorda ne voit là qu’une
mesure sans importance réelle. Dans Les
Effets de l’éducation moderne, il
écrit :

Les pédagogues procèdent comme s’ils croyaient
que pour  cultiver l’esprit de
l’enfant il faut provoquer le continuel affaissement de son corps. Ce ne sont
pas les deux maigres leçons de gymnastique qui se donnent chaque semaine qui
prouveront le contraire de ce que j’avance. Dans ces leçons comme dans les
autres le maître dit à ceux qui bougent : "Restez tranquilles !" ou,
plutôt, il articule d’une voix forte : "Silence dans les rangs !". Oh !
ces rangs d’une rectitude parfaite d’où, à un signal donné, vingt jambes
parallèles sortent en même temps ! Sans doute, à notre époque, on parle beaucoup
des bienfaits de l’éducation physique ; mais c’est dans les livres, les revues
et les journaux qu’on en parle. Je connais des écoles où, pour les élèves de dix
ans comme pour les autres, l’histoire est une branche essentielle et la
gymnastique une branche secondaire. Content de ne pas avoir oublié tout son <span
style='mso-tab-count:1'> latin, on répète :
Mens sana in corpore
sano, mais on ne demande d’embellissement des
âmes qu’à des cours d’histoire, de morale ou d’instruction civique et à des
"résumés" de littérature. Et voilà pourquoi, madame, votre fille, qui
est myope, maladive, disgracieuse et sans joie, n’est pas muette sur le
chapitre de la Pléiade ni sur celui des empereurs romains"<a
style='mso-footnote-id:ftn24' href="#_ftn24" name="_ftnref24" title=""><span
class=MsoFootnoteReference> 8.0pt'><span
class=MsoFootnoteReference> 8.0pt;font-family:"Times New Roman";mso-fareast-font-family:Calibri;mso-ansi-language:
FR;mso-fareast-language:FR;mso-bidi-language:AR-SA'>[24]
.>

 

<span
style="mso-spacerun:yes"> A la suite de Rousseau et de
nombreux pédagogues, Roorda rappelle que le jeu est
essentiel à l’enfance et qu’il peut être le support qui permet d’acquérir
d’autres connaissances. C’est en jouant que l’enfant peut s’approprier
"des notions importantes sur les rapports numériques des choses"<a
style='mso-footnote-id:ftn25' href="#_ftn25" name="_ftnref25" title=""><span
class=MsoFootnoteReference><span
style='mso-special-character:footnote'><span
class=MsoFootnoteReference>[25]
.
Le corps de l’enfant est en quelque sorte la base sur laquelle s’édifiera sa
vie future ; il ne doit pas être sacrifié au profit de matières scientifiques et
intellectuelles.

<span
style="mso-spacerun:yes"> La seconde conséquence de
l’enseignement livresque est que les enfants s’habituent à ne considérer le
monde qu’au travers des mots. Rousseau se moquait des précepteurs qui étaient
satisfaits de leurs élèves parce que ceux-ci jasaient comme de grandes
personnes ou étaient capables d’aligner, pour satisfaire la vanité de leurs
parents, des séries de mots dont le sens leur échappait totalement. Ce
qu’enseignent les pédagogues aux enfants, disait-il, ce sont "des mots,
encore des mots et toujours des mots. Parmi les diverses sciences qu’ils se
vantent de leur enseigner, ils se gardent bien de choisir celles qui leur
seraient véritablement utiles, parce que ce seraient des sciences de choses et
qu’ils n’y réussiraient pas, mais celles qu’on paraît savoir quand on en sait
les termes : le blason, la géographie, la chronologie, les langues, etc. Toutes études
si loin de l’homme et surtout de l’enfant que c’est une merveille si rien de
tout cela lui peut être utile une seule fois en sa vie"<a
style='mso-footnote-id:ftn26' href="#_ftn26" name="_ftnref26" title=""><span
class=MsoFootnoteReference><span
style='mso-special-character:footnote'><span
class=MsoFootnoteReference>[26]
.

<span
style="mso-spacerun:yes"> Roorda
voit dans l’école de la fin du dix-neuvième siècle la même attitude. A
l’univers réel, elle substitue un monde formel et vide qu’elle a fabriqué avec
des mots : "Elle enseigne des règles, des classifications ; elle montre des
chefs-d’œuvre, des modèles, formes depuis longtemps refroidies, que la vie
anima une heure. On peut dire que la paléontologie est la seule science que
l’école ait jamais enseignée" href="#_ftn27" name="_ftnref27" title=""><span
class=MsoFootnoteReference>
.
L’école, en effet, n’a pas le temps. le maître qui a affaire à cinquante
élèves, de caractère et d’intelligence variés, est contraint de présenter un
savoir tout fait pour respecter le programme et aborder toutes les matières.
Pas question pour lui de "laisser mûrir l’enfance dans l’enfant"comme le voulait Rousseau. Il est celui qui a la connaissance face à ceux qui
ne l’ont pas et les écoliers, dans un tel système, finissent par n’être plus
que des compteurs de fautes. Savoir est pour eux savoir répéter : on leur
apprend la parodie de la pensée, mais non pas à penser par eux-mêmes. <span
class=SpellE>Roorda s’en prend violemment à l’institution scolaire qui
prépare les futurs citoyens à accepter sans aucun sens critique les discours
qui les alièneront à tout jamais. "L’Ecole ne veut pas que l’enfant soit
l’enfant. Elle veut qu’il parle le jargon du spécialiste et qu’il soit la
caricature de l’homme" name="_ftnref28" title=""><span
class=MsoFootnoteReference>[28]
.
La science qu’on enseigne à l’écolier est stérile, car elle est immobile et
imprévue ; l’école donne à sa pensée une forme définitive : elle pense pour lui. <span
class=SpellE>Roorda n’a pas de mots assez durs pour condamner cette
"perfection" que croit atteindre le maître chez le "bon
élève" :

 

On ne peut pas mieux souligner la faute
irréparable que l’Ecole commet en abrégeant notre enfance. Répétons-le : on <span
style='mso-tab-count:1'> oblige
trop tôt l’écolier à parler la langue des adultes ; on lui enseigne trop tôt la
science et la sagesse des adultes ; et on lui  impose
beaucoup trop souvent l’immobilité des vieillards. Ainsi, en lui faisant jouer
un rôle qui n’est pas pour lui, on lui fournit quotidiennement l’occasion de
constater sa maladresse et son ignorance. Il n’y a pas là de quoi le rendre
joyeux name="_ftnref29" title=""> footnote'>[29].

 

<span
style="mso-spacerun:yes"> Les programmes scolaires sont
également l’objet d’une attaque très vive, mais aussi très humoristique de <span
class=SpellE>Roorda. Il emploie sa verve à montrer l’absurdité du
système. Pour lui, comme pour Rousseau, les différentes matières qui composent
le savoir, ne sont pas à séparer comme le fait l’école. Rousseau montrait
comment le dessin menait Emile à la géométrie et celle-ci à l’astronomie,
comment l’histoire et la géographie pouvaient se rencontrer dans une même
leçon. Roorda le rappelle et montre que les
distinctions opérées à l’époque moderne conduisent chaque enseignant à accabler
l’enfant de connaissances soi-disant indispensables :

Non seulement tout collégien de douze ans sait
le nom de Lycurgue, mais il sait aussi celui de Cambyse et bien d’autres <span
style='mso-tab-count:1'> noms
encore. C’est que, dit-on, il y a des noms trop importants pour que l’enfant les ignore. Charles-Quint est en tous
cas de ceux-là ; Charlemagne aussi. Et le Bramapoutre !
Voilà ausi un fleuve dont il importe de retenir le
nom. Un libéral voudra bien laisser ignorer aux écoliers la ville d’Allahabad,
mais jamais il ne sacrifiera Bombay, Calcutta et le Bramapoutre.

 Le Bramapoutre est important pour ceux qui en
comprennent l’importance. Qu’est-ce qui fait comprendre à l’enfant l’importance
de ce fleuve ? C’est que, s’il en oublie le  nom
avant demain, il aura une moins bonne note" ftn30' href="#_ftn30" name="_ftnref30" title=""><span
class=MsoFootnoteReference> 8.0pt'><span
class=MsoFootnoteReference> 8.0pt;font-family:"Times New Roman";mso-fareast-font-family:Calibri;mso-ansi-language:
FR;mso-fareast-language:FR;mso-bidi-language:AR-SA'>[30]
<span
style='font-size:10.0pt;mso-bidi-font-size:12.0pt'>.<span
style='font-size:10.0pt'>

10.0pt'> 

<span
style="mso-spacerun:yes"> Roorda a
toute facilité pour faire constater à son lecteur que la culture superficielle
donnée par l’école est dite "générale" parce que "c’est celle-là
qui a été généralisée". La grande majorité des connaissances que l’enfant
apprend en classe n’ont de la valeur que pour le pédagogue : "encore une
fois", ajoute Roorda, "le seul avantage
qu’offrent pour nous la plupart des vérités
qu’on nous enseigne en classe est que nous pourrons, si notre mémoire est
bonne, les énoncer à toutes occasions. Mais elles sont sans influence
appréciable sur notre vie :

C’est Racine qui a écrit Andromaque ; c’est Annibal qui fut vaincu à la bataille de Cannes et
non pas le roi Dagobert ; les abeilles appartiennent à l’ordre des hyménoptères
et enfin, la racine carrée de deux est un nombre incommensurable : c’est
entendu. mais ce qui importe pour chacun de nous, c’est autre chose. Qu’on soit
ébéniste ou marchand de drap, historien ou paysan, on a d’abord besoin d’être
en bonne santé ; pour bien vivre, chacun a besoin aussi de clairvoyance, de
volonté et de courage ; enfin, celui-là aura le moins de chances de connaître
l’ennui à qui, dès sa jeunesse, on aura su donner le goût de l’activité et à
qui l’on aura appris à découvrir de la beauté dans le monde. Etre fort : c’est
le seul problème qui se pose à nous chaque jour"<a
style='mso-footnote-id:ftn31' href="#_ftn31" name="_ftnref31" title=""><span
class=MsoFootnoteReference> 8.0pt'><span
class=MsoFootnoteReference> 8.0pt;font-family:"Times New Roman";mso-fareast-font-family:Calibri;mso-ansi-language:
FR;mso-fareast-language:FR;mso-bidi-language:AR-SA'>[31]
<span
style='font-size:10.0pt;mso-bidi-font-size:12.0pt'>.<span
style='font-size:10.0pt'>

 

<span
style="mso-spacerun:yes"> Au lieu de cette force et de cette
aptitude face à la vie, l’école dispense un vernis de connaissances. Une
personne cultivée de l’espèce ordinaire connaîtra le nom de Madame de Sévigné,
se rappellera qu’elle vivait au dix-septième siècle et qu’elle écrivait des
lettres charmantes, mais ce sera à peu près tout. Son savoir scientifique
risque par contre d’être assez faible, affirme Roorda,
et il précise son point de vue :

 ;Le
propre des gens cultivés dont je parle ici (de ceux qui doivent toute leur
culture à l’Ecole), c’est qu’ils disposent d’un vieux stock d’anecdotes, de
métaphores, de noms célèbres, de clichés, de souvenirs mythologiques et
d’expressions classiques qui leur permettent de se comprendre à demi-mot. Ils
comprennent les allusions fines, toujours les mêmes, qui émaillent la
conversation de leurs semblables et les articles de nombreux journalistes.
Quand l’occasion s’en présente, ils savent dire : Nourri dans le sérail... Et il
y a une bonne trentaine d’autres vers fameux qu’ils citent au bon moment.
Lorsque, devant eux, un ignorant parle avec intérêt de quelque événement
récent, ils lui apprennent avec une satisfaction réelle que "cela s’est
déjà passé à Rome, il y a deux mille ans" et ils sont capables d’ajouter
en latin : "Il n’y a rien de nouveau sous le soleil".

<span
style="mso-spacerun:yes"> 
Il s’est tout de même produit dans
le monde, durant ces vingt derniers siècles, quelques petits changements. mais
on n’habitue pas les écoliers à se poser des problèmes nouveaux. Inlassablement,
on les met en mesure de répondre à des questions prévues ; et la culture
scolaire est un vernis, facilement reconnaissable, que promènent dans le monde
tous ceux qui, dans leur jeunesse, ont consacré des milliers d’heures à
préparer des examens" name="_ftnref32" title=""><span
style='font-size:8.0pt;font-family:"Times New Roman"'> footnote'><span
style='font-size:8.0pt;font-family:"Times New Roman";mso-fareast-font-family:
"Times New Roman";mso-ansi-language:FR;mso-fareast-language:FR;mso-bidi-language:
AR-SA'>[32]
<span
style='font-family:"Times New Roman"'>.

 

<span
style="mso-spacerun:yes"> L’enfant, alors qu’il est plein de
vie, mérite-t-il d’être enfermé pendant tant de temps pour acquérir un tel
bagage et tenir plus tard un tel verbiage dans les soirées mondaines, demande <span
class=SpellE>Roorda.

<span
style="mso-spacerun:yes"> Ce dernier repousse
l’apprentissage de la lecture par l’enfant après onze ans comme Rousseau, car
il pense comme le philosophe que "jusqu’alors, elle n’est bonne qu’à
l’ennuyer" title=""><span
style='mso-special-character:footnote'><span
class=MsoFootnoteReference>[33]
.
L’auteur d’Emile avait dénoncé les
"fades leçons", les "longues morales" et les "lourds
préceptes" qui dégoûtaient l’écolier le plus appliqué : l’aversion, l’ennui
et le mépris étaient les réponses que celui-ci donnait le plus souvent à un
enseignement qui était l’ennemi de tout plaisir href="#_ftn34" name="_ftnref34" title=""><span
style='font-size:8.0pt'><span
class=MsoFootnoteReference>[34]
.
La critique de Roorda ne se borne cependant pas à
cette seule constatation. Comme solution à cet asservissement de l’enfance,
l’auteur duPédagogue n’aime pas les
enfants propose que le maître sollicite chaque jour l’intérêt de ses élèves
en variant ses leçons, en introduisant des éléments imprévus et même en amenant
les écoliers à trouver par eux-mêmes. Au lieu du savoir tout fait qui est
surtout une facilité pour l’enseignant, au lieu du discours magistral qui
permet à celui-ci d’obtenir "une demi-heure de calme relatif"<a
style='mso-footnote-id:ftn35' href="#_ftn35" name="_ftnref35" title=""><span
class=MsoFootnoteReference><span
style='mso-special-character:footnote'><span
class=MsoFootnoteReference>[35]
,
et de ces listes de mots qui seront bientôt et à jamais oubliées, <span
class=SpellE>Roorda souhaite que l’école permette à chaque enfant de
développer autant que possible ses aptitudes :

Nos aptitudes sont en quelque sorte pour nous
de la science à l’état potentiel. Quand nous les exerçons quelque chose de
durable s’organise au fond de notre être. En habituant l’écolier à s’exprimer
avec clarté et précision ; en le stimulant pendant des années, à découvrir de
petites différences et de profondes analogies ; en l’accoutumant à distinguer
les paroles qu’il comprend nettement de celles qu’il ne comprend guère ; en lui
faisant comprendre dans quels cas il peut affirmer ou s’affirmer et dans quels
cas il doit dire : "Je ne sais pas" en l’exerçant aussi à reconnaître
ce qu’il y a d’insuffisant dans certaines argumentations ; en lui donnant le
goût, le besoin de l’activité ; en fortifiant ses muscles ; en développant
l’adresse de ses doigts par de fréquents travaux manuels, on accroît d’une
manière définitive sa puissance, on
embellit toute sa vie. En poursuivant ce but, l’Ecole serait sûre de ne pas
compromettre l’avenir de ces élèves qui reste pour elle absolument
indéterminé" name="_ftnref36" title=""><span
style='font-size:10.0pt;mso-bidi-font-size:8.0pt'> footnote'><span
style='font-size:10.0pt;mso-bidi-font-size:8.0pt;font-family:"Times New Roman";mso-fareast-font-family:Calibri;mso-ansi-language:FR;mso-fareast-language:FR;mso-bidi-language:AR-SA'>[36]
<span
style='font-size:10.0pt;mso-bidi-font-size:12.0pt'>.<span
style='font-size:10.0pt'>

10.0pt'> 

<span
style="mso-spacerun:yes"> L’école procurerait alors
enthousiasme et énergie à ceux qui lui sont confiés et ces derniers, après
l’avoir quittée et être rentrés dans l’univers du travail, bénéficieraient
encore de cet apport. "Ils sauraient résister à la déformation qui menace
tous ceux qui par une besogne invariable et monotone doivent gagner leur pain
de chaque jour".

<span
style="mso-spacerun:yes"> Roorda,
pour réaliser cet idéal, envisage une école plus élargie que celle qui existe.
Se rappelant sans doute les pages où Rousseau décrit la manière choisie par lui
pour éduquer un enfant capricieux qu’on lui avait confié, et la mise en scène
qu’il avait organisée avec les voisins pour lui faire honte ftn37' href="#_ftn37" name="_ftnref37" title=""><span
class=MsoFootnoteReference><span
style='mso-special-character:footnote'><span
class=MsoFootnoteReference>[37]
,
Roorda voit aussi dans la rue un lieu éducatif. Elle
permet à l’enfant qui s’y promène de découvrir les divers métiers qui s’y
exercent : "cela vaudra bien le cinéma", conclut notre auteur<a
style='mso-footnote-id:ftn38' href="#_ftn38" name="_ftnref38" title=""><span
class=MsoFootnoteReference><span
style='mso-special-character:footnote'><span
class=MsoFootnoteReference>[38]
.
Cet éloge de l’école dans la vie doit cependant autant au socialisme et aux
nouvelles pédagogies qu’à Jean-Jacques, mais là où la part de Rousseau est
indéniable, c’est dans l’importance que Roorda donne
à l’émerveillement de l’enfant pour une meilleure acquisition du savoir.<span
style='mso-bidi-font-size:10.0pt'>

<span
style="mso-spacerun:yes"> Emerveiller l’enfant est un
leitmotiv que l’on retrouve pratiquement dans tous ses écrits. Dans <i
style='mso-bidi-font-style:normal'>L’Ecole ou l’apprentissage <i
style='mso-bidi-font-style:normal'>de la docilité : "Qu’à l’école
l’enfant vive dans la joie ; qu’il trouve là, dès la première heure, du plaisir
à se servir de ses sens et de sa raison. Il faut qu’il soit émerveillé ; il faut
qu’il le soit chaque jour[...]. Oui, l’admiration est bien le plus grand
remède, puisque la révolte contre l’injustice, le faux et le laid est de
l’admiration encore" name="_ftnref39" title=""><span
style='font-size:8.0pt'><span
class=MsoFootnoteReference>[39]
.
Dans Les Effets de l’éducation moderne :
"Le malheur est qu’on ne s’applique pas à émerveiller l’écolier. On<span
style="mso-spacerun:yes"> y parviendrait si facilement ! Qu’on lui
donne l’"illusion" que la vie est belle : ce sera moins dangereux que
de lui persuader insensiblement que le travail est une chose ennuyeuse"<a
style='mso-footnote-id:ftn40' href="#_ftn40" name="_ftnref40" title=""><span
class=MsoFootnoteReference><span
style='mso-special-character:footnote'><span
class=MsoFootnoteReference>[40]
.
Dans Le Pédagogue n’aime pas <i
style='mso-bidi-font-style:normal'>les enfants, en 1917, <span
class=SpellE>Roorda détaille ce que pourrait être une journée d’écolier
dans une "école meilleure" que celle qui existe. Après avoir consacré
les deux premières heures de la matinée à des matières diverses, il propose que
la troisième s’attache "à la culture de l’enthousiasme :

Durant cette heure-là, les maîtres n’auront
pas d’autre but que d’intéresser vivement, ou d’émerveiller, ou d’émouvoir
leurs élèves, en leur révélant tout ce qu’il y a de beau dans <span
style='mso-tab-count:1'> l’univers
et dans l’esprit de l’homme" href="#_ftn41" name="_ftnref41" title=""><span
style='font-size:10.0pt;mso-bidi-font-size:8.0pt'> footnote'><span
style='font-size:10.0pt;mso-bidi-font-size:8.0pt;font-family:"Times New Roman";mso-fareast-font-family:Calibri;mso-ansi-language:FR;mso-fareast-language:FR;mso-bidi-language:AR-SA'>[41]
. 1'> 

<span
style="mso-spacerun:yes"> L’enseignant doit utiliser pour ce
faire les moyens les plus modernes, afin d’accroître chez les enfants leur
désir de savoir, d’entreprendre et de créer, sans pour autant que cette heure
consacrée à l’émerveillement devienne une corvée pour eux. Roorda
insiste particulièrement sur ce point : l’admiration ne doit pas être pour les
élèves un sentiment obligatoire. "Ils pourront être d’une insouciance
absolue. Durant cette heure-là, on leur donnera l’instruction gratuite <i
style='mso-bidi-font-style:normal'>pour rien. Leur seul devoir sera de ne
pas déranger les autres. Tout l’effort, ce sera le maître qui le fera"<a
style='mso-footnote-id:ftn42' href="#_ftn42" name="_ftnref42" title=""><span
class=MsoFootnoteReference><span
style='mso-special-character:footnote'><span
class=MsoFootnoteReference>[42]
.
Cette heure offrira donc une grande variété et plutôt que d’une leçon, prendra
la forme d’une conférence, d’un débat contradictoire, d’une expérience de
physique. Les élèves pourront proposer ce qu’ils désirent faire et le maître
accueillera des personnes de bonne volonté ayant de l’expérience à communiquer,
qui parleront de leur métier, de leur expérience ou d’un sujet qui les
passionne. Rousseau est ici un modèle très proche, lui qui introduit auprès
d’Emile Robert le jardinier, des paysans ou le joueur de gobelets. Comme
Rousseau aussi, Roorda souhaite que pendant cette
heure, les frontières entre les diverses matières soient abolies et qu’on
montre enfin "un peu d’unité dans la science en ramenant tout aux besoins
fondamentaux de l’homme, aux moyens qu’il a imaginés pour les satisfaire et aux
difficultés qu’il a rencontrées" href="#_ftn43" name="_ftnref43" title=""><span
style='font-size:8.0pt'><span
class=MsoFootnoteReference>[43]
.
Et Roorda de rêver à ces jeunes enfants qui, à midi,
de retour à la maison, diront à
leur mère qui les interroge sur leur travail scolaire : "Oh ! maman, c’était
beau !".

<span
style="mso-spacerun:yes"> A la fin de sa vie cependant, <span
class=SpellE>Roorda montre quelque pessimisme quant à cette possibilité
d’enthousiasmer les élèves. Non que la faute en revienne à ceux-ci, mais les
habitudes et l’inertie du système scolaire font que toute réforme est
laborieuse. Dans Avant <i
style='mso-bidi-font-style:normal'>la grande réforme de l’an 2000 qui
paraît l’année de sa mort, en 1925, Roorda écrit en
guise de préambule que la foi de sa jeunesse n’étant pas encore tout à fait
morte, il lui a plu de tirer de nouveau avec sa sarbacane sur le solide édifice
scolaire. "Ceux qui vivent dans cette inébranlable forteresse devraient
sourire. ne sont-ils pas assez nombreux et assez habiles pour me prouver la
faiblesse de mon offensive ?" name="_ftnref44" title=""><span
style='font-size:8.0pt'><span
class=MsoFootnoteReference>[44]
.
Ce n’est donc plus une heure quotidienne d’enthousiasme qu’il demande pour les
écoliers, ces "figurants dont les professeurs ont besoin pour faire leurs
cours et qu’ils se passent, d’heure en heure, courtoisement", mais
quelques minutes seulement. Sa résignation est sensible, même s’il soutient
toujours qu’on ne peut traiter les enfants comme on les traite à l’école :

 ;Ce serait déjà une bonne école, celle-là où,
chaque jour, pendant quelques minutes, l’enfant serait émerveillé ou,
simplement, étonné par ce qu’on lui révèle. Il y a un âge où l’on s’étonne
facilement" name="_ftnref45" title=""><span
style='font-size:10.0pt;mso-bidi-font-size:8.0pt'> footnote'><span
style='font-size:10.0pt;mso-bidi-font-size:8.0pt;font-family:"Times New Roman";mso-fareast-font-family:Calibri;mso-ansi-language:FR;mso-fareast-language:FR;mso-bidi-language:AR-SA'>[45]
<span
style='font-size:10.0pt;mso-bidi-font-size:12.0pt'>.<span
style='font-size:10.0pt'>

Roorda
soutient cependant toujours qu’il existe, parmi tout ce que l’école inculque
aux enfants "pour cette raison que plus tard, ils ne pourront pas s’en
passer", des choses qui sont belles et qui pourraient servir à autre chose
qu’à attraper des mauvaises notes. l’écolier devrait pouvoir assister à
certaines leçons sans aucune inquiétude et découvrir encore avec enthousiasme
le monde que lui propose le maître. Pour peu que celui-ci soit bienveillant,
pour peu qu’il ne travaille pas contre l’enfant, mais avec lui, une autre école
pourrait naître enfin.

<span
style="mso-spacerun:yes"> Roorda
insiste sur l’enseignement qui mettrait l’enfant en position de chercheur,
d’inventeur ou de créateur. Plutôt que de recevoir passivement un savoir tout
fait, il propose que l’écolier fasse de lui-même la démarche qui lui
permettrait de comprendre le fonctionnement d’une division ou d’un moteur,
qu’il soit l’auteur de poèmes ou de récits au lieu d’apprendre par cœur des
textes écrits par d’autres. On se souvient de la réaction d’A.S. Neill qui, après
avoir terminé ses études, affirma qu’au lieu de passer quatre ans à étudier ce
qu’Hazlitt ou Coleridge avaient dit de Shakespeare, il aurait dû écrire une
pièce lui-même. Et il ajoutait : "Ecrire un mauvais limerick vaut mieux que
d’apprendre par cœur Le Paradis <i
style='mso-bidi-font-style:normal'>perdu" ftn46' href="#_ftn46" name="_ftnref46" title=""><span
class=MsoFootnoteReference><span
style='mso-special-character:footnote'><span
class=MsoFootnoteReference>[46]
.<span
style='mso-bidi-font-size:10.0pt'>

<span
style="mso-spacerun:yes"> L’enseignement scientifique ne
vaut en ce domaine pas mieux que l’enseignement littéraire. Et <span
class=SpellE>Roorda de montrer comment le maître renonce au travail
patient qui consisterait à faire des expériences et des mesures précises
pendant plusieurs heures pour donner à ses élèves une idée claire des trois
quantités représentées par les lettres R et I dans la formule I=E/R. Il
conclut :

Dans toutes les villes du monde, il existe de
nombreux collégiens qui, chaque semaine, récitent avec docilité des formules
scientifiques dépourvues de "substantifique moelle""<a
style='mso-footnote-id:ftn47' href="#_ftn47" name="_ftnref47" title=""><span
class=MsoFootnoteReference> 8.0pt'><span
class=MsoFootnoteReference> 8.0pt;font-family:"Times New Roman";mso-fareast-font-family:Calibri;mso-ansi-language:
FR;mso-fareast-language:FR;mso-bidi-language:AR-SA'>[47]

10.0pt'> 

<span
style="mso-spacerun:yes"> Dans La Notion du Parfait dans l’enseignement, Roorda
explique pareillement qu’en agissant de la sorte, l’école transforme les
enfants en machines à calculer. Mais, "si l’on voulait voir dans l’enfant
une personne et non pas un futur rouage
du mécanisme social, on
l’éduquerait autrement :

Supposons que l’écolier ait à rechercher la
racine carrée d’un très grand nombre. Qu’on lui suggère, s’il n’y songe pas
lui-même, de calculer tous les produits : deux
fois deux, trois fois trois, quatre fois
quatre, etc., jusqu’à ce qu’il trouve le facteur donnant le résultat voulu.
Il reconnaîtra bien vite qu’il n’est pas nécessaire de calculer <i
style='mso-bidi-font-style:normal'>tous ces produits, beaucoup d’entre eux
ayant une valeur sûrement trop faible. Abrégeons. Il est toujours possible,
qu’il s’agisse de racines carrées ou d’autres calculs, de passer d’une manière
à peu près continue des tâtonnements les moins élégants au procédé sous sa
forme classique. C’est ce chemin qu’il faut faire suivre à l’enfant. Il ne sera
d’ailleurs pas indispensable de le lui faire suivre jusqu’au bout (à supposer
qu’on en connaisse déjà le bout). Que la route parcourue reste ouverte sur de
nouveaux progrès possibles. Si l’écolier s’arrête avant ou à côté du procédé parfait, cela n’a aucune importance. Il aura
senti lui-même le besoin de perfectionner ses moyens : il aura assisté à
l’activité de sa propre intelligence ; il aura compris : c’est l’essentiel"<a
style='mso-footnote-id:ftn48' href="#_ftn48" name="_ftnref48" title=""><span
class=MsoFootnoteReference> 8.0pt'><span
class=MsoFootnoteReference> 8.0pt;font-family:"Times New Roman";mso-fareast-font-family:Calibri;mso-ansi-language:
FR;mso-fareast-language:FR;mso-bidi-language:AR-SA'>[48]
<span
style='font-size:10.0pt;mso-bidi-font-size:12.0pt'>.<span
style='font-size:10.0pt'>

10.0pt'> 

<span
style="mso-spacerun:yes"> Roorda
voit dans le travail manuel et le dessin des moyens de pallier l’absence de
créativité à l’école. Il cite les pages d’Emile
où Rousseau vante la pratique du dessin qui rend "l’œil juste et la main
flexible", et se souvient des passages où il insiste sur l’importance de
connaître un métier manuel. Il se rappelle sans doute aussi les théoriciens
socialistes et anarchistes qui affirmaient, comme Bakounine, que le travail
manuel et le travail intellectuel n’étaient pas opposés comme le disait la
société bourgeoise, mais concourraient tous deux à offrir des joies plus
fécondes à l’individu qui les pratiquait href="#_ftn49" name="_ftnref49" title=""><span
style='font-size:8.0pt'><span
class=MsoFootnoteReference>[49]
.
Le dessin apparaît surtout à Roorda comme une
activité plaisante et ludique qui correspond à la nature des enfants. Comme
Rousseau, il a noté que ces derniers, "grands imitateurs, essaient tous de
dessiner" title=""><span
style='mso-special-character:footnote'><span
class=MsoFootnoteReference>[50]
,
et il ne voit pas dans l’art graphique ou pictural une de ces matières
rébarbatives qui désolerait les écoliers. Il se peut aussi que son insistance à
louer cette pratique soit due au fait qu’elle est déjà inscrite dans les
programmes : le dessin peut être un moyen d’ouvrir l’école sur un autre monde
plus créatif sans pour autant heurter de front l’institution scolaire. <span
class=SpellE>Roorda ne développe cependant pas de théories sur l’art ou
le goût comme l’avait fait Rousseau dans Emile.
Son propos est bien plus limité et s’attache à l’utile plus qu’à la
philosophie. Il ne s’agit pas tant de conduire l’enfant à s’engager sur la voie
du Beau que de lui offrir une activité récréative qui l’épanouit et lui procure
de la joie pendant cette période si courte de l’enfance. 10.0pt'>

<span
style="mso-spacerun:yes"> On s’en rend compte, <span
class=SpellE>Roorda est certes un lecteur enthousiaste de Rousseau, mais
son dessein diffère totalement de celui de son maître. Il tente, en effet, non
pas de former un homme complet comme le fait le gouverneur, mais d’introduire
un peu de l’esprit d’Emile dans la
lourde machine scolaire de la Troisième République. On ne trouve pas sous sa
plume de considérations sur l’éducation négative ou sur la religion naturelle
telle que l’exprimait le Vicaire savoyard. Que Rousseau ait insisté sur la
difficulté d’éduquer plus qu’un seul élève est également passé sous silence.
C’est que, pour Roorda, Emile n’est pas un livre à suivre à la lettre. C’est avant tout une
défense de l’enfant qui est toujours actuelle un siècle et demi plus tard. <span
class=SpellE>Roorda voit l’enfant du même point de vue que Rousseau et,
occupant cette place, ne peut adhérer aux formes d’éducation proposées par
l’école, puisqu’elles soumettent l’écolier aux programmes, aux méthodes et aux
enseignants. Le sort des tout-petits a certes été amélioré : Pauline Kergomard
avait notamment reproché aux anciennes salles d’asile qui les accueillaient
d’être des lieux sans hygiène où trop d’enfants étaient enrégimentés pour subir
un enseignement abstrait et réciter sans comprendre des leçons ineptes<a
style='mso-footnote-id:ftn51' href="#_ftn51" name="_ftnref51" title=""><span
class=MsoFootnoteReference><span
style='mso-special-character:footnote'><span
class=MsoFootnoteReference>[51]
.
Roorda fait le même reproche à l’école, mais pour des
enfants de dix à douze ans, et son propos se heurte aux préjugés des parents et
des enseignants qui voient déjà dans l’écolier de cet âge l’individu qui
occupera plus tard telle ou telle place dans la société, et rien d’autre.<span
style='mso-bidi-font-size:10.0pt'>

<span
style="mso-spacerun:yes"> Roorda
n’est pas le seul à faire ce constat à cette époque. Edouard <span
class=SpellE>Claparède, en 1912, reconnaît comme lui que l’éducation a
connu un progrès évident depuis le dix-huitième siècle, mais il note aussi que
la pédagogie pratique est restée "embourbée dans le conservatisme le plus
obstiné, le plus fermé aux idées nouvelles" href="#_ftn52" name="_ftnref52" title=""><span
style='font-size:8.0pt'><span
class=MsoFootnoteReference>[52]
.
Et il ajoute :

Pas plus aujourd’hui qu’avant Rousseau ce
n’est l’enfant qui est la mesure du programme prescrit et de la méthode adoptée
(sauf dans les écoles enfantines et les jardins d’enfants, où,
incontestablement, de réels progrès ont été accomplis). On nous dit, on nous
répète sur tous les tons, dans les discours solennels et même dans les plans
d’étude, que dès longtemps l’enseignement ne s’adresse plus à la mémoire, que
l’on cherche plus à développer l’esprit qu’à le gaver de savoir. Et, cependant,
quand on y va voir de près, on s’aperçoit qu’aujourd’hui comme au temps de
Montaigne, c’est la mémoire qui est le porte-à-faux de tout l’enseignement, et que
l’éducation, non seulement morale, mais aussi intellectuelle, est fort
négligée

> Si vous suivez un peu le travail d’un de nos écoliers, vous <span
style='mso-tab-count:1'> vous
apercevrez bien vite que quantité d’enseignements, dont le but véritable serait
de stimuler l’art de la parole, le jugement, la réflexion, ou de développer des
qualités affectives, se ramènent, pratiquement, à des emmagasinages stériles de
leçons apprises, avec un luxe inouï de détails inutiles et souvent au-dessus de
la portée de l’enfant" href="#_ftn53" name="_ftnref53" title=""><span
style='font-size:10.0pt;mso-bidi-font-size:8.0pt'> footnote'><span
style='font-size:10.0pt;mso-bidi-font-size:8.0pt;font-family:"Times New Roman";mso-fareast-font-family:Calibri;mso-ansi-language:FR;mso-fareast-language:FR;mso-bidi-language:AR-SA'>[53]
<span
style='font-size:10.0pt;mso-bidi-font-size:12.0pt'>.<span
style='font-size:10.0pt'>

10.0pt'> 

<span
style="mso-spacerun:yes"> Et Claparède
de montrer l’absurdité du système aussi bien pour ce qui concerne
l’apprentissage de la langue maternelle que pour celui des langues étrangères,
des langues mortes, des sciences naturelles et même des mathématiques.
"L’appel de Rousseau n’a pas été entendu". Pour lui, ce ne sont ni
les gouvernements ni les instituteurs qui sont responsables de cette situation.
Si les vérités pédagogiques contenues dans Emile
et bien d’autres livres depuis, ne se sont pas imposées, c’est parce qu’elles
manquaient de la base scientifique indispensable qu’il va mettre en application
cette année-là à l’Institut J.-J. Roussseau de
Genève. Roorda agissait seul et à son échelle, d’où
le peu de résultat obtenu et l’idée de plus en plus évidente que l’édifice
scolaire était inébranlable et imperméable à toute amélioration. Ses derniers
écrits mentionnent Claparède et son livre sur <i
style='mso-bidi-font-style:normal'>La Psychologie de l’enfant<a
style='mso-footnote-id:ftn54' href="#_ftn54" name="_ftnref54" title=""><span
class=MsoFootnoteReference><span
style='mso-special-character:footnote'><span
class=MsoFootnoteReference>[54]
,
mais le découragement est latent. Non seulement Roorda
doute du fait que sa parole soit entendue un jour, mais il en vient à rêver à
une école meilleure réservée à quelques privilégiées, puisque tous les enfants
ne peuvent connaître le bonheur de vivre une vie d’enfant dans la société
actuelle. Il termine son dernier livre par ces considérations sur les écoles
publiques de son époque :

Ces écoles accomplissent peut-être leur
fonction beaucoup mieux que je ne le crois. Il importe peut-être, avant tout,
que les quatre-vingt-dix-neuf centièmes des hommes fassent assez tôt
l’apprentissage de la docilité. Mes vœux n’en sont pas moins légitimes. Je
voudrais qu’en l’an 2000 l’Etat fût assez désintéressé, assez <i
style='mso-bidi-font-style:normal'>artiste, pour favoriser<span
style="mso-spacerun:yes"> dans une Ecole "de luxe" le
développement de quelques esprits libres sur lesquels il ne pourra jamais
compter" name="_ftnref55" title=""><span
style='font-size:10.0pt;mso-bidi-font-size:8.0pt'> footnote'><span
style='font-size:10.0pt;mso-bidi-font-size:8.0pt;font-family:"Times New Roman";mso-fareast-font-family:Calibri;mso-ansi-language:FR;mso-fareast-language:FR;mso-bidi-language:AR-SA'>[55]
<span
style='font-size:10.0pt;mso-bidi-font-size:12.0pt'>.<span
style='font-size:10.0pt'>

10.0pt'> 

<span
style="mso-spacerun:yes"> A la fin de sa vie aussi, <span
class=SpellE>Roorda sait que ce qu’il écrivait en 1898 dans <i
style='mso-bidi-font-style:normal'>L’Ecole ou l’apprentissage de la docilité,
garde toute sa valeur. Rousseau est bien "un écrivain de demain"<a
style='mso-footnote-id:ftn56' href="#_ftn56" name="_ftnref56" title=""><span
class=MsoFootnoteReference><span
style='mso-special-character:footnote'><span
class=MsoFootnoteReference>[56]
.
Et cette citation nous paraît complémentaire de celle-ci dont la portée n’est
pas près de faiblir : "Dans notre enfance, on nous a promis le Paradis :
nous l’attendons" name="_ftnref57" title=""><span
style='font-size:8.0pt'><span
class=MsoFootnoteReference>[57]
.

 

Tanguy L’<span
class=SpellE>Aminot

 



ftn1' href="#_ftnref1" name="_ftn1" title=""><span
style="mso-spacerun:yes"> <span
style='font-size:8.0pt'><span
class=MsoFootnoteReference>[1]
.<i
style='mso-bidi-font-style:normal'>Pamphlets pédagogiques (H. <span
class=SpellE>Roorda : Le Pédagogue
n’aime pas les enfants ; Edmond Gilliard : <i
style='mso-bidi-font-style:normal'>L’Ecole contre la vie ; Denis de
Rougemont : Les Méfaits de <i
style='mso-bidi-font-style:normal'>l’instruction publique), Lausanne, L’Age
d’Homme, 1984, 179 p. Roorda ne se faisait pas
d’illusion sur le succès de ses écrits : "C’est triste à dire : les
réformateurs de l’An 2000 ne liront sûrement pas ma brochure, laquelle aura
sombré, comme beaucoup d’autres ouvrages, dans l’océan des imprimés. Je vais
donc me contenter de causer avec une demi-douzaine de lecteurs
d’aujourd’hui", écrivait-il dans Avant
la grande réforme de l’an 2000, Œuvres complètes,
Lausanne, L’Age d’Homme, 1970, t. 2, p. 116. Nous abrègerons par la suite : <i
style='mso-bidi-font-style:normal'>O.C.

ftn2' href="#_ftnref2" name="_ftn2" title=""><span
style="mso-spacerun:yes"> <span
style='font-size:8.0pt'><span
class=MsoFootnoteReference>[2]
.
H. Roorda, Avant
la grande réforme de l’an 2000, O.C. 2, p. 147-148. "<span
class=SpellE>Rappelerai-je encore cette impression que fit sur ton
enfance la noble et douce humanité d’un père incapable de voir le mal et de
t’en donner garde ; dirai-je cette maison de Clarens si amicalement ouverte à
l’exilé qui s’appelait Elisée Reclus ("J’ai été élevé sur les genoux
d’Elisée Reclus") ; celui-là, le vrai maître de ta jeunesse rayonnante
d’espoir bienfaisant, de sensibilité confiante, et qui croyait si simplement à
la facilité du bien et à l’amabilité de la vertu", écrivait Edmond <span
class=SpellE>Gilliard dans son essai A
Henri Roorda, Lausanne, Bibliothèque romande,
1973, p. 30-31.

ftn3' href="#_ftnref3" name="_ftn3" title=""><span
style="mso-spacerun:yes"> <span
style='font-size:8.0pt'><span
class=MsoFootnoteReference>[3]
<span
lang=DE style='mso-ansi-language:DE'>. Voir Max <span
class=SpellE>Nettlau, Elisée Reclus, Anarchist und Gelehrter (1830-1905), Berlin,
Der Syndicalist, 1928, p. 250. Dans son <i
style='mso-bidi-font-style:normal'>Histoire de l’anarchie (Paris, Artefact,
1986, p. 211), M. Nettlau, évoquant le milieu
révolutionnaire suisse des années 1880-1900, écrit aussi : "Une nouvelle
génération montait avec les jeunes et les étudiants, tels que <span
class=SpellE>Stoyanoff, Atabekian, <span
class=SpellE>Samaja, Bertoni, Ettore <span
class=SpellE>Molinari. dans ce milieu se forma un jeune libertaire qui
devint un des auteurs les plus antiautoritaires et anticonformistes de son pays
et un expert en éducation libertaire : Henri Roorda
van Eysinga".

ftn4' href="#_ftnref4" name="_ftn4" title=""><span
style="mso-spacerun:yes"> <span
style='font-size:8.0pt'><span
class=MsoFootnoteReference>[4]
.
Lettre inédite à Ferdinand Domela Nieuwenhuis,
sans date, figurant dans le Fonds Domela <span
class=SpellE>Nieuwenhuis à l’Institut International d’Histoire Sociale (<span
class=SpellE>Internationaal Intituut <span
class=SpellE>voor Sociale Geschiedenis)
d’Amsterdam. Je remercie M. Kees Rodenburg,
responsable de la collection française de cet Institut, de m’avoir signalé et
communiqué la copie des quatre lettres de Roorda
figurant dans ce fonds.

ftn5' href="#_ftnref5" name="_ftn5" title=""><span
style="mso-spacerun:yes"> <span
style='font-size:8.0pt'><span
class=MsoFootnoteReference>[5]
.
H. Roorda van Eysinga,
"Elisée Reclus propagandiste", La
Société nouvelle (Mons), août 1907, p. 186-199.

ftn6' href="#_ftnref6" name="_ftn6" title=""><span
style="mso-spacerun:yes"> <span
style='font-size:8.0pt'><span
class=MsoFootnoteReference>[6]
.
Sébastien Faure, Ecrits pédagogiques,
Paris, Editions du monde libertaire, 1992, p. 83. Pour une vue d’ensemble sur
l’éducation libertaire, on pourra se reporter à mon article : "James
Guillaume et l’éducation libertaire" dans Former un nouveau peuple ? Pouvoir, éducation, révolution, édité par
Josiane Boulad-Ayoub,
Paris, Québec, L’Harmattan, Les Presses de l’Université Laval, 1996, p. 97-117.

name="_ftn7" title=""> <span
class=MsoFootnoteReference><span
style='mso-special-character:footnote'><span
class=MsoFootnoteReference>[7]
.
Elisée Reclus, L’Avenir de nos enfants,
Lille, G. Lagache, 1886, p. 5.

ftn8' href="#_ftnref8" name="_ftn8" title=""><span
style="mso-spacerun:yes"> <span
style='font-size:8.0pt'><span
class=MsoFootnoteReference>[8]
.
Lettre inédite à F. Domela Nieuwenhuis,
16 juin 1892. Fonds Nieuwenhuis, Institut
International d’Histoire Sociale, Amsterdam.

ftn9' href="#_ftnref9" name="_ftn9" title=""><span
style="mso-spacerun:yes"> <span
style='font-size:8.0pt'><span
class=MsoFootnoteReference>[9]
.
Ibid., 20 Novembre 1892. Dans <i
style='mso-bidi-font-style:normal'>Quarante ans de propagande anarchiste
(Paris, Flammarion, 1973, p. 196-197), Jean Grave évoque un épisode de leurs
relations.

name="_ftn10" title=""> <span
class=MsoFootnoteReference><span
style='mso-special-character:footnote'><span
class=MsoFootnoteReference>[10]
.
Ibid., 30 juin 1894.

ftn11' href="#_ftnref11" name="_ftn11" title=""><span
style="mso-spacerun:yes"> <span
style='font-size:8.0pt'><span
class=MsoFootnoteReference>[11]
.
J’ai réédité ces deux textes dans le numéro 9 des Etudes J.-J. Rousseau(Montmorency, 1997, p. 217-260).

ftn12' href="#_ftnref12" name="_ftn12" title=""><span
style="mso-spacerun:yes"> <span
style='font-size:8.0pt'><span
class=MsoFootnoteReference>[12]
.<span
class=SpellE>Boletin<i
style='mso-bidi-font-style:normal'> de la Escuela <span
class=SpellE>moderna, édité par Albert Mayol, Barcelona, <span
class=SpellE>Tusquets, 1978, p. 49-58 et 83-98.

name="_ftn13" title=""> <span
class=MsoFootnoteReference><span
style='mso-special-character:footnote'><span
class=MsoFootnoteReference>[13]
.
Voir le compte rendu de C. Jaccottet dans L’Enseignement
mathématique, XVIII° année, 1916, p. 441-444.

name="_ftn14" title=""> <span
class=MsoFootnoteReference><span
style='mso-special-character:footnote'><span
class=MsoFootnoteReference>[14]
.
Sur l’école Ferrer de Lausanne, voir Roland Lewin, Sébastien Faure et "La Ruche" ou l’éducation libertaire,
La Botellerie, Ivan Davy, 1988, p. 225-227.

name="_ftn15" title=""> <span
class=MsoFootnoteReference><span
style='mso-special-character:footnote'><span
class=MsoFootnoteReference>[15]
<span
lang=EN-GB style='mso-ansi-language:EN-GB'>. H. Roorda,
O.C. I, P. 226.

ftn16' href="#_ftnref16" name="_ftn16" title=""><span lang=EN-GB
style='mso-ansi-language:EN-GB'> <span
class=MsoFootnoteReference><span
style='mso-special-character:footnote'><span
class=MsoFootnoteReference>[16]
.
H. Roorda, L’Ecole
ou l’apprentissage de la docilité dans Etudes
J.-J. Rousseau, 9, 1997, p. 220.

name="_ftn17" title=""> <span
class=MsoFootnoteReference><span
style='mso-special-character:footnote'><span
class=MsoFootnoteReference>[17]
.J.-J.
Rousseau, Emile, Œuvres complètes, IV, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade,
1969, p. 419. Nous abrègerons O.C.
par la suite.

name="_ftn18" title=""> <span
class=MsoFootnoteReference><span
style='mso-special-character:footnote'><span
class=MsoFootnoteReference>[18]
.
H. Roorda, L’Ecole
ou l’apprentissage de la docilité, op. cit., p.
222.

name="_ftn19" title=""> <span
class=MsoFootnoteReference><span
style='mso-special-character:footnote'><span
class=MsoFootnoteReference>[19]
<span
lang=NL style='mso-ansi-language:NL'>. H. Roorda, <i
style='mso-bidi-font-style:normal'>O.C. 1, p. 231.

name="_ftn20" title=""><span
style="mso-spacerun:yes"> 
<span
style='font-size:8.0pt'><span
class=MsoFootnoteReference>[20]
<span
lang=EN-US style='mso-ansi-language:EN-US'>. Ibid., p. 251.

ftn21' href="#_ftnref21" name="_ftn21" title=""><span lang=EN-US
style='mso-ansi-language:EN-US'> <span
class=MsoFootnoteReference><span
style='mso-special-character:footnote'><span
class=MsoFootnoteReference>[21]
.
Le noircit-il vraiment ? On ne peut oublier ici la dédicace d’Un homme libre< aux enfants et aux tout jeunes gens. Maurice Barrès y écrit :
"Les collégiens sont à peu près les seuls êtres qu’on puisse plaindre.
Encore la moitié d’entre eux sont-ils des petits goujats qui empoisonnent la
vie de leurs camarades. Nous autres adultes, nous nous isolons, nous nous
distrayons selon le système qui nous paraît convenable. Au collège, ils sont
soumis à une discipline qu’ils n’ont pas choisie : cela est abominable. J’ai
relevé avec piété, depuis six à sept ans, les noms des enfants qui se sont
suicidés. C’est une longue liste que je n’ose pas publier. J’aurais aimé dédier
à leur mémoire ce petit livre, mais il m’a paru que j’irais contre leurs
intentions, en répandant leurs noms dans la vie".

name="_ftn22" title=""> <span
class=MsoFootnoteReference><span
style='mso-special-character:footnote'><span
class=MsoFootnoteReference>[22]
.
L’Apprentissage de la docilité, p.
222.

name="_ftn23" title=""> <span
class=MsoFootnoteReference><span
style='mso-special-character:footnote'><span
class=MsoFootnoteReference>[23]
.
Ibid., p. 223.

name="_ftn24" title=""> <span
class=MsoFootnoteReference><span
style='mso-special-character:footnote'><span
class=MsoFootnoteReference>[24]
.
H. Roorda, Les
Effets de l’éducation moderne dans La
Revue blanche, 220, août 1902, p. 518.

ftn25' href="#_ftnref25" name="_ftn25" title=""><span
style="mso-spacerun:yes"> <span
style='font-size:8.0pt'><span
class=MsoFootnoteReference>[25]
.
L’Apprentissage de la docilité, p.
224. Les directives ministérielles de l’époque reconnaissent l’importance du
jeu chez l’enfant de 2 à 6 ans, mais un livre comme celui de Pauline Kergomard
et Mlle Brès (L’enfant
de 2 à 6 ans, Paris, Nathan,
1928, 3° édition) qui développe et illustre les textes officiels, montre à quel
point tout est codifié. On y précise bien "que les récréations échelonnées
ne fassent (...) pas redouter un bruit constant incommode pour l’entourage :
l’enfant occupé par son joujou, en devient presque silencieux, comme dans les
jardins publics. C’est l’absence de jouets qui rend tapageur, parce qu’on
exhale en cris l’activité qu’on ne sait pas dépenser autrement" (p. 83).

name="_ftn26" title=""> <span
class=MsoFootnoteReference><span
style='mso-special-character:footnote'><span
class=MsoFootnoteReference>[26]
.
J.-J. Rousseau, Emile, <i
style='mso-bidi-font-style:normal'>O.C. IV, p. 346.

name="_ftn27" title=""> <span
class=MsoFootnoteReference><span
style='mso-special-character:footnote'><span
class=MsoFootnoteReference>[27]
.
H. Roorda, L’Ecole
ou l’apprentissage de la docilité, p. 243.

name="_ftn28" title=""> <span
class=MsoFootnoteReference><span
style='mso-special-character:footnote'><span
class=MsoFootnoteReference>[28]
.
Ibid., p. 244.

name="_ftn29" title=""> <span
class=MsoFootnoteReference><span
style='mso-special-character:footnote'><span
class=MsoFootnoteReference>[29]
.H.
Roorda, Avant
la grande réforme de l’an 2000, O.C. 2, p. 154.

name="_ftn30" title=""> <span
class=MsoFootnoteReference><span
style='mso-special-character:footnote'><span
class=MsoFootnoteReference>[30]
.
L’Apprentissage de la docilité, p.
231.

ftn31' href="#_ftnref31" name="_ftn31" title=""><span
style="mso-spacerun:yes"> <span
style='font-size:8.0pt'><span
class=MsoFootnoteReference>[31]
.
H. Roorda, La
Notion du Parfait dans l’enseignement dans La Revue blanche, 212,
avril 1902, p. 534.

name="_ftn32" title=""> <span
class=MsoFootnoteReference><span
style='mso-special-character:footnote'><span
class=MsoFootnoteReference>[32]
.
Le pédagogue n’aime pas les enfants, O.C.
1, p. 245-246.

name="_ftn33" title=""> <span
class=MsoFootnoteReference><span
style='mso-special-character:footnote'><span
class=MsoFootnoteReference>[33]
.
J.-J. Rousseau, Emile, O.C. IV, p.
357.

name="_ftn34" title=""> <span
class=MsoFootnoteReference><span
style='mso-special-character:footnote'><span
class=MsoFootnoteReference>[34]
.
Ibid., p. 638.

name="_ftn35" title=""> <span
class=MsoFootnoteReference><span
style='mso-special-character:footnote'><span
class=MsoFootnoteReference>[35]
.
H. Roorda, Avant
la grande réforme de l’an 2000, O.C. 2, p. 261.

name="_ftn36" title=""> <span
class=MsoFootnoteReference><span
style='mso-special-character:footnote'><span
class=MsoFootnoteReference>[36]
.
H. Roorda, Les
Effets de l’’éducation moderne, p. 531.

name="_ftn37" title=""> <span
class=MsoFootnoteReference><span
style='mso-special-character:footnote'><span
class=MsoFootnoteReference>[37]
<span
lang=EN-GB style='mso-ansi-language:EN-GB'>. Emile, O.C. IV, p. 367-368.

name="_ftn38" title=""><span
style="mso-spacerun:yes"> 
<span
style='font-size:8.0pt'><span
class=MsoFootnoteReference>[38]
.
H. Roorda, A
prendre ou à laisser, O.C. 1, p. 124-125.

name="_ftn39" title=""> <span
class=MsoFootnoteReference><span
style='mso-special-character:footnote'><span
class=MsoFootnoteReference>[39]
.
L’Apprentissage de la docilité, p.
221.

name="_ftn40" title=""> <span
class=MsoFootnoteReference><span
style='mso-special-character:footnote'><span
class=MsoFootnoteReference>[40]
.
Les Effets de l’éducation moderne, p.
519.

name="_ftn41" title=""> <span
class=MsoFootnoteReference><span
style='mso-special-character:footnote'><span
class=MsoFootnoteReference>[41]
.
Le Pédagogue n’aime pas les enfants, O.C.
1, p. 272-273.

name="_ftn42" title=""> <span
class=MsoFootnoteReference><span
style='mso-special-character:footnote'><span
class=MsoFootnoteReference>[42]
.
Ibid., p. 273.

name="_ftn43" title=""> <span
class=MsoFootnoteReference><span
style='mso-special-character:footnote'><span
class=MsoFootnoteReference>[43]
.
Ibid., p. 274.

name="_ftn44" title=""> <span
class=MsoFootnoteReference><span
style='mso-special-character:footnote'><span
class=MsoFootnoteReference>[44]
.
Avant la grande réforme de l’an 2000,
O.C. 2, p. 106.

name="_ftn45" title=""> <span
class=MsoFootnoteReference><span
style='mso-special-character:footnote'><span
class=MsoFootnoteReference>[45]
.
Ibid., p. 124.

name="_ftn46" title=""> <span
class=MsoFootnoteReference><span
style='mso-special-character:footnote'><span
class=MsoFootnoteReference>[46]
.
A.S. Neill, The Problem
Child, Herbert Jenkins, 1926, p. 178 cité dans Ray Hemmings,
Cinquante ans de liberté avec Neill,
Paris, Hachette, 1981, p. 16.

ftn47' href="#_ftnref47" name="_ftn47" title=""><span
style="mso-spacerun:yes"> <span
style='font-size:8.0pt'><span
class=MsoFootnoteReference>[47]
.
H. Roorda, Le
débourrage des crânes est-il possible ?, O.C. 1, p. 312-313.

name="_ftn48" title=""> <span
class=MsoFootnoteReference><span
style='mso-special-character:footnote'><span
class=MsoFootnoteReference>[48]
.
H. Roorda, La
Notion du Parfait dans l’enseignement, p. 524.

name="_ftn49" title=""> <span
class=MsoFootnoteReference><span
style='mso-special-character:footnote'><span
class=MsoFootnoteReference>[49]
.
Michel Bakounine, L’Instruction intégrale
dans Le Socialisme libertaire, Paris,
Denoël/Gonthier, 1973, p. 123-124.

name="_ftn50" title=""> <span
class=MsoFootnoteReference><span
style='mso-special-character:footnote'><span
class=MsoFootnoteReference>[50]
.
J.-J. Rousseau, Emile, O.C. IV, p.
397. H. Roorda, L’Ecole
ou l’apprentissage de la docilité,
p. 224-225.

ftn51' href="#_ftnref51" name="_ftn51" title=""><span
style="mso-spacerun:yes"> <span
style='font-size:8.0pt'><span
class=MsoFootnoteReference>[51]
.
Voir Jean-Noël Luc, L’Invention du jeune
enfant au XIX° siècle. De la salle
d’asile à l’école maternelle, Paris, Belin, 1997, p. 386-389.

name="_ftn52" title=""> <span
class=MsoFootnoteReference><span
style='mso-special-character:footnote'><span
class=MsoFootnoteReference>[52]
.
E. Claparède, "Comme quoi l’appel de Rousseau
n’a pas été entendu" (1912) dans L’Ecole
sur mesure, Neuchâtel, Paris, Delachaux et <span
class=SpellE>Niestlé, 1953, p. 92.

name="_ftn53" title=""> <span
class=MsoFootnoteReference><span
style='mso-special-character:footnote'><span
class=MsoFootnoteReference>[53]
.
Ibid., p. 93.

name="_ftn54" title=""> <span
class=MsoFootnoteReference><span
style='mso-special-character:footnote'><span
class=MsoFootnoteReference>[54]
.
H. Roorda, Avant
la grande réforme de l’an 2000, p. 154.

ftn55' href="#_ftnref55" name="_ftn55" title=""><span
style="mso-spacerun:yes"> <span
style='font-size:8.0pt'><span
class=MsoFootnoteReference>[55]
.
Ibid., p. 163. Roorda
connaissait sans nul doute Max Stirner qui écrivait dans L’Unique et sa propriété, en 1846 : "Les jeunes sont majeurs
quand ils gazouillent comme les vieux ; on les pousse dans les écoles pour
qu’ils y apprennent les vieux refrains, et, quand ils les savent par cœur,
l’heure de l’émancipation a sonné" (Paris, Stock, 1899, p. 78-79).

ftn56' href="#_ftnref56" name="_ftn56" title=""><span
style="mso-spacerun:yes"> <span
style='font-size:8.0pt'><span
class=MsoFootnoteReference>[56]
.
L’Ecole ou l’apprentissage de la docilité,
p. 226. Un autre théoricien libertaire, C.A. Laisant,
écrit en 1913 dans L’Education de demain :
"Le titre "L’Education de demain", que j’ai choisi, m’oblige à
présenter quelques explications, en terminant cette étude rapide. Que veut dire
ce mot "demain" ? J’entends par là ce qui succèdera nécessairement à
l’état de choses actuel. Ce sera peut-être dans un an, peut-être dans un
siècle" (Paris, Aux Bureaux des "Temps nouveaux", 1913, p. 28).
Rousseau est un écrivain de demain face à un système qui ne respecte pas
l’enfant. Il est un écrivain honni par les partisans de la poigne ou du fouet
comme cet abbé Henri Morice qui publie en 1923 la
troisième édition de L’Art de commander
aux enfants (Avignon, Aubanel Père, imprimeur du Saint-Père) qui est un
virulent manifeste antirousseauiste.

ftn57' href="#_ftnref57" name="_ftn57" title=""><span
style="mso-spacerun:yes"> <span
style='font-size:8.0pt'><span
class=MsoFootnoteReference>[57]
.
H. Roorda, A
prendre ou à laisser, O.C. 1, p. 68. Signalons enfin que <span
class=SpellE>Borghos Kévorkian, auteur d’un
essai remarquable sur L’Emile de Rousseau
et l’Emile des écoles normales,
en 1948, avait procuré en 1930 une traduction arménienne du <i
style='mso-bidi-font-style:normal'>Pédagogue n’aime pas les enfants.