IBÁŇEZ Tomás.- Mais où sont les luttes d’antan….ou la complainte de la critique

politiqueLittérature. DéconstructionGARCIA, RenaudIBÁÑEZ, Tomás

Dans un excellent ouvrage [1] que quelqu’un d’aussi avisé que Freddy Gomez n’a pas hésité à qualifier “d’indispensable [2] en augurant “qu’il deviendra un classique”, Renaud Garcia développe une sévère critique de l’engouement pour la déconstruction qui sévit dans une partie de l’intelligentsia de gauche et dans certains milieux militants, notamment anarchistes. Sans stridences ni démesure, maniant avec talent des concepts clairement exposés, il dénonce les effets délétères que l’héritage foucaldien/derridien/deleuzien a produit sur les luttes pour l’émancipation sociale.
Le fait d’être en radical désaccord envers ses arguments ne m’empêche pas d’en reconnaître l’intérêt et c’est précisément pour leur faire honneur que je voudrais écarter d’emblée deux ou trois formulations qui ne me semblent pas à hauteur de l’ensemble.
Ainsi, par exemple, je préfère tenir pour un lapsus malencontreux la mise en garde contre les effets néfastes que peuvent avoir certaines idées soutenues par des militants ayant un certain ancrage historique lorsqu’elles sont mises entre les mains “de militants plus jeunes [3]. Cela frise un paternalisme qui cadre mal avec la sensibilité libertaire. De même, le plaidoyer en faveur de formulations politiques “qui puissent servir le plus grand nombre, autour de combats partagés…. [4] n’est pas sans évoquer, du moins pour certains d’entre nous, les invectives du PCF contre les trublions radicaux qui ne comprenaient pas que sa modération ne visait qu’à rassembler de plus larges couches de la population.
Enfin, lorsque pour ridiculiser la prétendue vacuité de certains propos de Foucault sur le pouvoir Renaud va chercher chez Graeber [5] l’argument qu’il suffit d’essayer de forcer l’entrée d’une bibliothèque universitaire pour se convaincre que la force brute des vigiles n’est pas un leurre, il est difficile de ne pas évoquer la ridicule tergiversation du discours de Foucault qui consista à le mettre en demeure de s’enfermer avec un dément et de continuer à soutenir que “la folie n’existe pas”. Piètre argument qui ne sert qu’à montrer que l’on n’a rien compris à Foucault, ce qui est loin d’être le cas de Renaud car, comme il le dit dans un entretien : “ayant été moi-même biberonné à Foucault, Deleuze, Guattari et consorts, il me parait absurde de décréter que leur pensée est inconsistante ou inintéressante.” [6]
Ces quelques impairs mis à part, un premier aspect qui interpelle Renaud c’est la vogue que connaît la pensée de la “déconstruction”dans la sphère médiatique et au sein d’une intelligentsia de gauche qui se l’est appropriée et qui ne semble jurer que par elle. Par quel mystère cette pensée a t-elle réussi à occuper le devant de la scène et à acquérir pignon sur rue ? C’est sans doute l’ampleur même de ce succès qui requiert explication, et il semble que celle-ci serait à chercher dans les effets politiques de la déconstruction.
En effet, selon Renaud ce n’est pas un hasard si la déconstruction connait une telle notoriété car, en dépit d’avoir été vouée aux gémonies par les secteurs les plus réactionnaires, elle serait, pour le moins, en consonance, et, au pire, en complicité avec le néo libéralisme aujourd’hui dominant. Ce seraient les consonances entre le déconstructionisme et le néolibéralisme qui expliqueraient que ce courant de pensée soit si puissamment impulsé par cette forme de capitalisme et qu’il serve en retour ses intérêts. En définitive, la déconstruction contribuerait à désarmer le peuple, puisque ses formulations : “détournent les énergies révolutionnaires et favorisent paradoxalement les évolutions du système socio-économique contemporain.” [7]
Soit par stratégie discursive, soit pas conviction, Renaud prend soin de ne pas hérisser d’entrée les secteurs qui accordent quelque mérite aux contributions de Foucault et à la déconstruction, en précisant que ce n’est pas tellement celles-ci qui sont en cause, car elles peuvent se révéler utiles pour mettre à jour, par exemple, les zones aveugles de l’ancien schéma marxien de la lutte contre l’exploitation, mais c’est plutôt leur exacerbation qui est nocive puisqu’elle pousse le peuple à la résignation. Ce serait donc lorsqu’elle outrepasserait un certain seuil que “le motif de la déconstruction rendu politiquement fécond par Foucault [8] produirait des effets collatéraux tout-à-fait dévastateurs pour la cause de l’émancipation.
Cependant, cette distinction entre, d’une part, une orientation qui présenterait certains aspects positifs, et, d’autre part, les excès auxquels elles aurait donné lieu, n’est qu’une simple figure de style, car nous allons voir que pour Renaud c’est bien, finalement, l’œuvre de Foucault et la déconstruction qui produisent par elles mêmes des effets délétères d’une telle ampleur qu’elles doivent être combattues sans ménagement.
En effet, ce qui est néfaste c’est, en premier lieu, la thèse foucaldienne concernant le caractère immanent, polymorphe et omniprésent du pouvoir car :

« Comment résister dès lors à ce pouvoir sinon en abandonnant toute idée d’une lutte centrale et unifiée, afin d´épouser à l’inverse une multitude de tactiques de résistances locales, en des points précis du réseau du pouvoir. » [9]

Ainsi, le caractère polymorphe et omniprésent du pouvoir conduirait nécessairement à la fragmentation, au morcellement, à l’atomisation et à l’émiettement des luttes en les empêchant de se rassembler contre des cibles communes.
L’influence exercée par les thèses de Foucault et par l’approche de la déconstruction auraient donc déplacé l’objet de la lutte : “on serait ainsi passé, dans les dernières vingt-cinq années d’une critique de l’exploitation a une critique de la domination. [10] , et ce détournement de l’objet contre lequel lutter protègerait le capitalisme néo libéral des coups qui pourraient lui être portés.
Ce qui est troublant dans l’argumentation de Renaud c’est que ce ne sont pas du tout les caractéristiques du pouvoir tel que Foucault les décrit qui sont contestées, voire réfutées, mais seulement les effets qui découleraient de leur formulation. Haro sur le messager, comme au temps où ce n’était pas ce qui se passait dans le camp soviétique qui se voyait qualifié de contre révolutionnaire mais plutôt le simple fait de le critiquer ?
La manière dont la question de l’immanence du pouvoir est traitée par Renaud semble corroborer ce soupçon, car ce n’est pas le caractère immanent du pouvoir qu’il soumet à examen critique, mais plutôt les conséquences que produit cette conceptualisation sur les luttes populaires. En effet, selon lui, le fait d’attribuer cette caractéristique au pouvoir ne pourrait qu’induire résignation, passivité, et soumission chez les exploités en anesthésiant les motifs de leur révolte.
Il est vrai que ce genre de reproche n’est pas très nouveau, sans même remonter à Jean-Paul Sartre lorsqu’il accusait Foucault de représenter “le dernier rempart de la bourgeoisie”, il se trouve que plusieurs décennies se sont écoulées depuis que certains marxistes — Massimo Cacciari, par exemple — faisaient porter à Foucault le poids de la démobilisation politique de secteurs autrefois combatifs parce qu’il clôturait, disaient-ils, l’espoir d’une émancipation authentique en faisant croire qu’il n’y a pas d’en dehors du pouvoir. Il semble bien qu’il s’agit ici d’une reprise, actualisée bien sûr, d’anciennes critiques dont la motivation profonde reposait, du moins en partie, sur la classique recherche d’un bouc émissaire à qui faire porter la responsabilité des échecs ou des difficultés rencontrées par certains projets de l’émancipation.
Selon Renaud, si la conception du pouvoir développée par Foucault produit des effets tellement nocifs sur les luttes pour l’émancipation, ce n’est pas seulement parce qu’elle les fragmente et parce qu’elle démobilise ses acteurs, c’est aussi parce qu’elle implique un anti-naturalisme qui fait de Foucault le “ fossoyeur de la critique de la vie aliénée [11]. Et Renaud renchérit :“La pensée de la déconstruction a rendu impossible de concevoir la critique sociale en termes d’aliénation." [12] .
Cela est vrai, mais n’a rien d’étonnant car le concept d’aliénation renvoie, d’une part, a un certain en dehors du pouvoir, à quelque choses qu’il n’aurait pas encore réussi à capturer, et il présuppose, d’autre part, : “une nature humaine, des besoins et des capacités innés, sans que ces derniers soient tenus pour autant pour invariables au cours de l’histoire et en fonction des contextes [13].
Renaud a donc tout à fait raison de considérer que le concept d’aliénation n’a pas sa place au sein des conceptions foucaldiennes et déconstructionistes, mais dans la mesure où ce concept implique la croyance en la nature humaine ainsi que l’idée d’un pouvoir transcendant on ne peut qu’applaudir à cette exclusion. En effet, nous pouvons chercher à détruire la domination à laquelle nous sommes soumis, mais certainement pas dans l’espoir que cette destruction nous restituera une supposée authenticité ou virginité originelle, non contaminée par le pouvoir. On peut préférer un type de vie à un autre et lutter pour le rendre possible, mais pas parce qu’il représenterait une vie plus vraie ou plus authentique. Si nous voulons lutter contre ce qui contraint les pratiques de liberté, plutôt que de recourir au concept d’aliénation mieux vaut mettre à nu, comme le faisait Foucault, les processus de subjectivation et les pratiques de construction des sujets.
Cependant, tel n’est pas l’avis de Renaud qui assure, au contraire, que grâce a des anti-naturalistes comme Foucault ou Judith Butler :

“Une fois débouté le vieux thème marxien de l’aliénation, le champ est libre pour une réorganisation de “l’agenda” politique en termes de lutte contre le pouvoir des normes, en lieu et place de la lutte contre un système capitaliste produisant l’aliénation et la pauvreté.” [14]

Hormis le fait que Foucault n’a jamais rechigné à s’impliquer de multiples manières dans diverses luttes contre le système capitaliste, lui reprocher de nous détourner de la lutte anticapitaliste, ou de se désintéresser du capitalisme, ne lui rend pas justice car nul ne contestera que connaître d’aussi près que possible ce que l’on veut combattre est une condition pour l’efficacité de ce combat. Or, Foucault s’est attelé à nous fournir des analyses minutieuses du capitalisme, surtout dans sa forme néo libérale, et à nous apprendre à mieux comprendre les logiques qui le sous-tendent, par exemple, en termes de gouvernementalité, ou de la généralisation du modèle entrepreneurial.
Certes, il est vrai que l’on peut déceler des isomorphismes entre certaines caractéristiques du néo libéralisme et quelques unes des formes de lutte ou d’organisation apparues ces dernières années, mais cela ne saurait surprendre ceux qui pensent que la résistance ne saurait être extérieure à la domination. Ceci dit, si, par exemple, la fragmentation caractérise ces luttes ce n’est pas parce qu’elles visent à renforcer l’une des formes que promeut le néo libéralisme, mais bien parce qu’elles cherchent à s’y opposer efficacement. On ne peut opposer à la fragmentation, à la mobilité, à l’accélération, qui caractérisent le néo libéralisme des formes de lutte plus unifiées, plus stables, et plus lentes ou moins changeantes, qui étaient adaptées à d’autres conditions sociales. C’est la propre fragmentation portée par le néo libéralisme qui s’inscrit dans ce qui lui fait opposition.
En d’autres termes, laisser entendre que les courants post modernes font le jeu de l’actuel capitalisme néo libéral parce qu’ils en reflètent certains traits, est aussi inapproprié que de soutenir que si le mouvement pour l’émancipation sociale articulait ses luttes et s’organisait a la fin du 19ème siècle, et pendant une bonne partie du XXe, en fonction de la structure sociale propre au capitalisme de l’époque — mouvement ouvrier, puissants syndicats, lutte de classe ayant l’usine pour terrain privilégié etc. — c’était pour faire, consciemment ou non, le jeu de celui-ci.
Un autre des points d’achoppement entre Foucault et la déconstruction, d’une part, et la critique sociale revendiquée par Renaud, d’autre part, concerne le jugement que l’on peut porter aujourd’hui sur l’héritage légué par les Lumières. Sans tomber dans le piège tendu par Platon qui faisait de la connaissance la valeur suprême, nous pouvons suivre Renaud lorsqu’il affirme que “ ce qu’il y a de meilleur dans l’héritage des Lumières : la soif de connaissance [15] , le fameux “Sapere aude” — “Ose savoir” — repris et popularisé par Kant. C’est justement cet accord qui rend plus incompréhensible la tentation de poser des limites à cette audace dés lors qu’une cause supérieure viendrait à l’exiger. Car n’est ce pas cela que signifie l’invitation implicite à ne pas développer certaines idées, ou à ne pas les diffuser, si elles démobilisent les luttes populaires ?
Quoi qu’il en soit, même si Renaud admet que notre rapport aux Lumières revêt une certaine ambiguïté il défend néanmoins “ l’héritage indiscutablement positif des Lumières [16] et l’on peut déduire de son texte que c’est finalement le fait de ne pas assumer les valeurs les plus positives de celles-ci qui “finit par condamner toute tentative critique qui chercherait encore à orienter le combat politique et social en fonction de notions comme la dignité humaine, la justice ou la vérité. [17].
Les pages que Renaud consacre à l’une de ces valeurs, nommément celle de la vérité, peuvent susciter bien des réserves et il est difficile de ne pas réagir à des affirmations du genre :

« Quand Rorty évoque la liberté, c’est la liberté de croire ce que l’on veut sans qu’aucun critère absolu ne soit en mesure de le normer » [18].

Difficile de ne pas y réagir, en effet, lorsque l’on sait la vigueur avec laquelle Rorty s’est efforcé de montrer, en bon pragmatiste, que certains arguments, et certains modes de vie, sont préférables à d’autres même si, en dernière instance, on ne peut les fonder sur rien d’absolu.
Mais il y a un aspect sur lequel il serait impardonnable de ne pas réagir avec un peu plus de véhémence, c’est celui de son très orwellien ( et aristotélique) plaidoyer en faveur de la conception de la vérité comme correspondance avec la réalité : la vérité objective doit être considérée comme correspondance entre un énoncé et les faits [19] . Le problème est que grâce, entre autres, aux travaux de Rorty les philosophes s’accordent aujourd’hui sur le fait qu’il est impossible de comparer un morceau de langage (un énoncé) et un morceau de monde (un fait). Appuyé sur des raisons tout aussi variées que passionnantes — qu’il n’est malheureusement pas loisible d’exposer ici — le caractère indéfendable de la conception de ”la vérité comme correspondance” n’est plus à démontrer.
Précisons tout de suite qu’une chose est le statut philosophique du concept de vérité, disons pour faire vite la question de la nature de la vérité, et une autre bien différente, les usages du concept de vérité et sa fonction dans la vie quotidienne. Sur ce deuxième aspect c’est l’absence de controverses importantes qui est la règle générale. En effet, l’accord est acquis quant à la valeur et à l’utilité pratique du concept de “vérité comme correspondance avec la réalité”, nul être humain ne pourrait survivre s’il n’était pas capable de discerner entre ce qui est vrai et ce qui est faux et s’il doutait de la vérité comme correspondance.
C’est, plutôt, à propos du premier aspect que les désaccords se manifestent, car il n’y a aucun cheminement logique qui puisse mener du critère d’utilité à celui de la vérité comme élément non dépendant d’un contexte déterminé, et donc comme élément non relatif, c’est à dire, “inconditionné”. Le fait de reconnaître l’utilité pratique du concept de vérité ne conduit pas à valider la conception dominante de la vérité qui la définit comme un élément inconditionné, c’est à dire absolu.
Dans son fameux livre “1984” ce que fait Orwell à travers le personnage du sinistre O’Brien c’est montrer qu’elles sont les conséquences totalitaires qui découlent du fait de subvertir les règles d’usage du concept de vérité dans la vie quotidienne. Mais ces conséquences ne peuvent s’extrapoler au statut philosophique du concept de vérité dont le caractère absolu peut être réfuté sans que cela entraine le moindre effet totalitaire, sinon tout le contraire.
Sur un autre plan, la nécessité que proclame Renaud de s’unir autour “d’un intérêt commun”, ne fait aucun doute, mais celui qui est le plus inclusif, le plus large, le plus fédérateur n’est-il pas celui qui se formule en termes de la lutte contre “la domination”, car cela inclut toutes les formes d’oppression, économiques ou autres ? J’avoue que je ne parviens pas à saisir la raison pour laquelle, loin de se réjouir de ce que la lutte contre la domination soit devenue un mot d’ordre principal, les anarchistes devraient suivre les pas de Renaud et trouver que cela est regrettable. S’il faut en revenir aux valeurs fondamentales de l’anarchisme, il semble bien que la lutte contre la domination nous mène précisément sur cette voie.
Les anarchistes attachés à la “critique sociale” classique devraient prendre conscience de cette forme de cécité qui les empêche de voir que si après de longues décennies d’absence, l’anarchisme est réapparu sur la scène publique et dans le champs des luttes ce n’est pas pas parce que les luttes ouvrières l’on fait revivre, mais bien parce que les luttes polymorphes contre des dominations spécifiques et hétérogènes l’ont relancé avec force, notamment à partir des années 1990.
Finalement, amorcée en douceur, la critique de la déconstruction et de l’influence foucaldienne , auxquelles certains mérites étaient reconnus, s’achève par un appel à l’exclusion, et à opérer “un clivage net au sein de la critique sociale” :

Le vieux communisme anarchiste de Kropotkine, malgré ses zones d’ombre, défendait au moins l’action collective et les luttes : en clair, l’assomption du conflit politique. Peut être est-il de notre devoir de soutenir la reviviscence d’une telle conception de la critique et de l’agir politique, au risque d’accuser désormais un clivage net au cœur des courants de la critique sociale. [20]

« Nous en sommes là, au point de rupture entre deux imaginaires principaux de l’émancipation : l’un qui emprunte son répertoire conceptuel aux émules de Derrida, Foucault, Deleuze et Guattari ; l’autre qui, sans renier les apports de ces penseurs sur tel ou tel point précis (notamment le fait de prendre en compte des oppressions autres qu’économiques), considère qu’ils ont néanmoins déconstruit jusqu’à la possibilité même d’engager un nombre significatif de personnes dans des combats communs » [21] .

Il me semble que le prix à payer pour tenter d’avancer dans la voie que suggère Renaud n’est autre que de rétablir sur leur socle certaines des “idoles déchues” que Foucault et la déconstruction ont réussi à déboulonner en mettant à nu leur caractère mensonger et asservissant. Cela ne peut que nous mener à nous engager dans un trajet vers l’émancipation qui s’est révélé dénué de toute efficacité et n’a débouché que sur des impasses, voire sur la négation de ce qui le motivait. C’est se condamner à livrer des combats d’arrière garde contre des spectres et des moulins à vent, et à nourrir ces combats des reflets illusoires des Lumières et de la nostalgie de la lutte de classes qui maa l’époque de la deuxième révolution industrielle.
Je ne voudrai pas conclure sans lancer un appel à éviter justement “le clivage”, car une volonté de rassembler qui commence par réclamer une séparation est pour le moins paradoxale. La voie de la lutte contre toutes les dominations, y compris bien entendu, la domination économique, sous forme notamment d’exploitation, est suffisamment large pour que toutes les sensibilités libertaires, et proches, puissent s’y retrouver en dépit des innombrables différences qui en font la richesse. Comme le dit Renaud dans les dernières lignes de son livre : “ il revient désormais à toutes les bonnes volontés de s’efforcer de construire les contextes institutionnels favorables dans la mesure du possible à notre autodétermination individuelle et collective [22] et cela milite contre les clivages.
En fait le risque que l’on court lorsque les feux de la critique se braquent sur l’espace hétérogène de la subversion c’est que la recherche d’une sorte d’ennemi intérieur ne finisse par nous induire à nous tromper d’ennemi. Personne ne renie des épisodes les plus marquants des luttes populaires, bien au contraire, la Commune de Paris,ou les barricades de Barcelone 36 continuent de nourrir et d’embraser l’imaginaire de la révolte et nulle tentation patrimonialiste ne saurait se les approprier en en privant certains courants. La revendication de ces luttes est un trait commun, c’est dans la manière d’en prolonger l’élan que se nichent les divergences mais celles-ci ne sauraient briser l’appartenance à une même révolte contre l’institué.

[1Garcia, Renaud. Le désert de la critique, Paris, Editions l’Echappée 2015

[2Gomez, Freddy, D’un néant critique : déconstruction et postanarchisme. À contretemps :
<http://acontretemps.org/spip.php?ar...>

[3Garcia, Renaud, op.cit p.46.

[4Idem. op.cit p. 50.

[5Idem. op. cit. p. 123.

[6Garcia Renaud. Du délire en milieu “déconstructionniste” Entretien in La décroissance, nº 123
octobre 2015 http://acontretemps.org/spip.php?article590

[7Garcia, Renaud, op.cit. p. 19.

[8Idem. op.cit. p. 22.

[9Idem. op.cit. p. 18.

[10Idem. op.cit. p. 38.

[11idem. op.cit. p. 136.

[12Idem. op.cit. p 131.

[13Idem. op.cit. p. 136.

[14Idem. op. cit. p. 152.

[15Idem. op.cit. p 77.

[16Idem. op.cit. p. 55.

[17Idem. op,cit. p. 22.

[1818

[19Idem. op.cit. p. 53.

[20Idem. op.cit. p. 179..

[21Idem. op. cit. p. 183.

[22Idem. op.cit. p. 197