Ferrua, Pietro. "Ode à l’anarchie". (Opus 1)

Sonate en cinq mouvements pour piano, tambours, téléphone, fusils et acteurs

art : théâtreMusique. Créations musicalesFERRUA, Pietro (Piero) Michele Stefano (1930 - ....)

Premier mouvement
Le rideau tombe.
Le piano est juste au-devant de la scène. Des annuaires du téléphone sont empilés sur une banquette. Un acteur déguisé en concierge entre, époussette le piano et les annuaires téléphoniques. Il en choisit deux ou trois au hasard ; il en soupèse deux avec insistance, un dans chaque main, puis il en écarte un, celui qui semble le plus léger ou le plus lourd, cela n’a aucune importance, d’autant plus que le poids pourrait être absolument le même. Il en place un, visiblement sens dessus dessous, mais ouvert à une page quelconque, sur le pupitre à musique.
A ce moment-là, un couple entre en scène. Elle, elle porte une robe noire, longue, et lui, un smoking ou un habit de cérémonie. Le concierge leur fait une courbette, eux lui en font une aussi. Cela dure quelque temps et se répète, à la manière japonaise.
Le monsieur commence à pianoter alors que la dame s’assied à sa gauche.Il joue ce qui lui vient à l’esprit, c’est-à-dire des airs classiques connus, entamés et immédiatement déformés. La dame acquiesce de la tête en signe d’approbation toujours croissante et tourne au hasard les pages de l’annuaire en guise de partition. A la troisième page, le pianiste s’arrête de jouer et se lève, cédant sa place à la dame.
Deuxième mouvement
La dame commence à produire des sons incohérents. L’effet à obtenir est celui d’une musique simili-dodécaphonique, pourvu que l’on ne puisse reconnaître s’il s’agit de Schoenberg, Berg ou Webern. Le musicien regarde d’une manière de plus en plus admirative tout en tournant les pages de l’annuaire du téléphone.
Ce morceau est interrompu par le concierge qui revient des coulisses et se présente au-devant de la scène avec un téléphone qui sonne. Il regarde les pianistes avec insistance. La dame arrête de jouer, et le monsieur décide de répondre au téléphone. Au début, il chuchote quelques mot inaudibles alors que la dame découvre que le piano n’est pas bien accordé, en tendant l’oreille à un certain son. Entre deux notes, nous entendons des mots prononcés au téléphone par le pianiste, tels que : "Oui... naturellement... liberté... avec responsabilité... c’est évident... autonomie... autogestion... communes libres... bien sûr... dignité... oui... préoccupations sociales... oui... anarchie... finalement..."
Il raccroche, retourne au piano et commence à causer avec la dame. Ils enlèvent la "partition", c’est-à-dire l’annuaire du téléphone. Ils s’asseyent tous les deux au piano et jouent à quatre mains. Le monsieur continue à jouer ses airs classiques, et la dame ses notes dodécaphoniques. Après une cinquantaine de secondes, ils sont de nouveau interrompus par le concierge. Cette fois-ci, il porte un tambour à cymbalettes. Il vient s’asseoir au bord de la scène. Il commence à battre le tambour avec des battements simples en groupes de deux, le premier étant accentué. Ses battements sont discrets au départ mais ils deviennent progressivement gênants pour les pianistes qui doivent enfin s’arrêter et qui se tournent ahuris, montrant leur contrariété.
Sur ces entrefaites, un autre musicien entre en scène et s’assied du côté opposé à celui de l’autre batteur. Il porte une conga et commence à battre. Les battements sont en groupes de trois avec le premier accentué. Les pianistes s’y intéressent de plus en plus, puis semblent même passionnés. Le premier tambour s’arrête, le second continue. Et vice versa. Enfin, ils se mettent à jouer ensemble en un crescendo de virtuosité. Tout ceci dure environ trois minutes. Après quoi, un groupe (au moins trois) d’anarchistes bizarres, et armés, sort des coulisses.
Quatrième mouvement
Les anarchistes visent avec leurs fusils (des carabines de chasse ou, mieux encore, des armes de baraque de tir dans les fêtes foraines) le plafond du théâtre. Un réflecteur montre alors une série de ballons multicolores qui pendent du plafond (ou flottent en l’air) au-dessus des têtes des spectateurs. Les anarchistes guérilleros commencent alors à tirer sur les ballons qui finissent par exploser et laissent tomber des tracts rouge et noir. Lorque ceux-ci arrivent à portée du public, il est probable que les gens les attrapent au vol. Ils ne contiennent, chacun, qu’un mot :

A ce moment, les musiciens se lèvent et regardent vers le public. Les anarchistes ont jeté à terre leurs fusils et font de même. Les quatre musiciens se concertent. Après quoi, les deux pianistes s’asseyent de nouveau au piano et entonnent un hymne anarchiste (choisi parmi ceux connus dans le pays) alors que les percussionnistes les accompagnent et que les anarchistes chantent en chœur.
FIN