SPIES, August (1865 - 1887). Par Rudolf Rocker

BAKUNIN, Mihail Aleksandrovič (1814-1876)ROCKER, Rudolf (1873-1958)ANDREWS, Stephen Pearl (1812-1886)Haymarket square (Chicago, Ill., États-Unis, 1886)SPIES, August

Spies naquit le 10 décembre 1865 à Friedewalde (Hesse-Kassel), en Allemagne. Son père était employé forestier à Kurbesse... Élevé par les maîtres de la maison, il fut envoyé plus tard à Kassel où il entra à Polytechnique afin de préparer sa profession forestière... À 16 ans il était déjà géomètre et à 17 libre penseur... Passionné par les études, mais aussi par la lecture, il dévorait les classiques allemands, Feuerbach, Kant, Molleschott, etc.
Il étudiait depuis un an à Kassel quand son père mourut et il dut interrompre ses études... C’est alors que Spies décida d’émigrer en Amérique où vivaient des parents de sa mère très aisés. En 1872 il débarqua à New York. Sur le conseil d’un oncle, qui habitait cette ville, il se mit à apprendre le métier de tapissier. À cette époque-là il était encore fervent admirateur de Bismarck et de l’empereur allemand. Du socialisme, il ne savait strictement rien. À peine avait-il lu çà et là quelques lignes sur la Commune de Paris et il croyait que les socialistes et les communistes ne voulaient que détruire toute propriété. Spies considérait cela comme une monstrueuse absurdité.
Après avoir appris son métier, il décida d’aller explorer l’Ouest, mais comme il ne trouva sur place aucun emploi dans sa branche, il se lança dans le commerce et géra une librairie.
En 1877, il adhéra au mouvement ouvrier, après avoir lu une partie de la littérature socialiste. Membre de la section de Chicago du Parti ouvrier socialiste, il fut extrêmement actif durant la période électorale de 1878, quand le Dr Smith fut présenté comme candidat à l’intendance par les socialistes. Lui-même fut désigné de 1879 à 1881 pour la législation et autres fonctions politiques. En 1880, il avait accepté le poste d’administrateur de l’Arbeiterzeitung (Le Quotidien du travailleur), qui était au bord de la faillite. Par son travail et ses capacités il ramena le journal à la prospérité. La rédaction s’intéressait encore à l’agitation politique, mais lorsque s’effectua la scission entre la section socialiste et la tendance social-révolutionnaire, orientée par Most [1], la rédaction suivit Spies.
Au Congrès des socialistes en 1882, à Pittsburg, Spies défendit la propagande social- révolutionnaire, déclarant que les travailleurs n’obtiendraient jamais leurs droits par la voie des urnes et des suffrages. Dès cette époque-là il se considéra anarchiste et se mit à étudier Proudhon et Bakounine.
"En aucun cas je ne suis partisan des courtes révoltes qui sont dues aux conditions actuelles ", dit-il en 1886, à l’époque de son procès, lors d’une entrevue en prison...
Dans son autobiographie, publiée par Nina Van Zandt, on peut lire :

"Ma philosophie a toujours été que le but de la vie soit seulement l’épanouissement de l’individu et l’application rationnelle de ce principe est la véritable moralité. Le socialisme peut être défini comme une science, comme une forme déterminée d’organisation sociale, tandis que l’anarchisme (la négation de l’autorité imposée) est le fil qui anime toutes les époques de l’évolution sociale et humaine ;c’est la lutte pour la souveraineté de l’individu. Bien que dans le concept général je sois anarchiste, je suis aussi pratiquement et spécifiquement socialiste " [2]

. Voici une autre pensée de Spies :

"Non, je n’exige pas la terre entière, je veux que tous soient en possession de la terre. Y a-t-il là quelque chose de ridicule ? " L’anarchisme enseigne que dans une forme sociale collectiviste, dans une égalité économique et une indépendance individuelle, l’État, – le père politique,– doit être débarrassé comme un tas d’ordures et la barbarie avec. L’anarchisme ne signifie pas avalanche de sang, d’incendies, de vols. Ces monstruosités, au contraire, sont les propres caractéristiques du capitalisme. Anarchie signifie paix pour tous. L’anarchisme et le socialisme signifient la réorganisation de la société sur des bases scientifiques et l’abolition des causes qui produisent les vices et les crimes. Le capitalisme apporte d’abord les maladies et après fait semblant de les guérir avec la violence.

Lire la suite : Albert Parsons

[1Consulter l’œuvre [en espagnol] de Rudolf Rocker, Johan Most : la vie d’un rebelle, éditions La Protesta - Buenos-Aires, 1925.

[2Interdépendance entre la pensée anarchiste de Warren et Andrews, auteurs de The Sovereignty of the Individual (la souveraineté de l’individu) et le socialisme anarchiste de Most. Consulter l’œuvre de Rocker [en espagnol], La pensée libérale aux États-Unis , éditée par Americales, Buenos Aires, 1944.