Débat : Quel sens donner à la victoire du "non" ?

Le 29 mai 2005, la population française était invitée, par référendum, à se prononcer sur un projet de loi. Le Traité établissant une Constitution pour l’Union Européenne avait été signé l’année précédente par les chefs d’Etat et de gouvernement des 25 pays membres. Avant de ratifier ce traité, l’Etat français avait choisi de recourir à une consultation populaire, le référendum, de manière à renforcer l’adhésion des citoyens aux institutions européennes. En dépit d’une campagne pour le "oui", menée par les médias et par la plupart des grands partis, y compris par la quasi totalité des dirigeants socialistes, la population rejeta massivement la ratification par 54,68% de "non". Les grands ténors du parti socialiste et leur appareil étaient même désavoués par leurs adhérents, les Verts se trouvaient divisés, et seuls l’extrême-gauche et le Parti Communiste, qui avaient préconisé le "non", purent espérer en ressortir renforcés.
Contrairement à d’autres débats, la population se sentit fortement impliquée par un traité qui engageait son destin pour un contrat à durée indéterminée. Les discussions entre partisans et adversaires furent vives. On peut estimer qu’elles affectèrent aussi la mouvance libertaire et, plus généralement, les courants anticapitalistes.
La discussion présentée ici n’offre pas seulement un intérêt historique. Son importance est double : dans la forme et dans le fond.
Les différents interlocuteurs négligent les multiples précautions, voire la langue de bois du discours universitaire. Militants dans des groupes différents et même opposés, ou indépendants de toute affiliation, ils confrontent leur lecture du présent à la lumière de leur propre passé ou celui de groupes dissemblables ou antagonistes.
De tels échanges sont assez rares pour être remarqués, et l’argumentation parfois tourne au vinaigre ou, peut-être, à des luttes de pouvoir. Ils illustrent aussi la réflexion de l’anarchiste américain Josiah Warren, qui dans la première moitié du dix-neuvième siècle déclarait qu’il était impossible de s’entendre sur les mots, chaque individu interprétant ceux-ci selon sa propre expérience. Au-delà de cette inévitable cacophonie, il se pose la question de la cohabitation entre des acteurs qui vivent et agissent dans un monde qu’ils perçoivent de manière fort différente. La distance du temps permettra peut-être au lecteur de mieux voir les forces les faiblesses de ces échanges, et d’établir sa propre conclusion sur la meilleure manière de participer à un débat.
C’est surtout sur le fond que les questions soulevées restent actuelles : quel est le contenu du nationalisme français en ce début du 21° siècle ? Est-il un chauvinisme, un réflexe identitaire, une séquelle post-colonialiste ? Ou encore une manifestation de cette tradition d’un pays qui, toujours, a refusé de vivre en satellite de quelque autre puissance ? Et dans ce dernier cas, peut-on reprocher à un peuple de vouloir se gouverner lui-même ?
Mais, répondront les internationalistes, ce peuple ne s’autogère pas, il est dirigé par une élite qui défend ses propres intérêts. Pour s’en délivrer, il faut établir de nouvelles solidarités internationales, qui seules permettent d’établir une solide assise pour le mouvement social. Et le débat s’ouvre sur une nouvelle question : quels groupes sociaux faut-il fédérer ?
Débats et polémiques interrogent sur la manière dont les individus et les collectivités vivent leur passé. Comment celui-ci affecte les mouvements anticapitalistes en général et les libertaires en particulier. Nous sommes tous confrontés à l’usure de certains concepts et à la recherche de nouveaux outils d’analyse.
Ronald Creagh

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