Chapitre 1 (suite) : Eugène Gaspard Marin et l’anarchisme en Belgique. La vie de la communauté.
B.1. Les objectifs de la colonie.
}La colonie de Stockel fait partie des communautés anarchistes. Celles-ci se distinguent des communautés socialistes ou communistes d’une part, et des communautés fouriéristes d’autre part. Les premières sont basées sur une organisation bureaucratique poussée et sur une volonté de répartition égalitaire des biens et des produits. Les secondes sont proches de la simple coopérative de production et de consommation et visent à créer l’harmonie dans la diversité et l’inégalité. Au contraire, les communautés anarchistes ont pour principe de rejeter toute organisation, toute hiérarchie, toute règle contraignante pour laisser s’épanouir la liberté de l’homme [1]. Le but premier de ce type de communautés est de montrer par l’exemple que l’on peut obtenir la transformation de la société autrement que par une révolution violente [2] ou par une évolution lente obtenue par le réformisme [3]. Et c’est bien le but qu’affichent les anarchistes belges à cette époque. Après l’échec de la grève générale de 1902, le socialisme belge ne compte plus que sur la réussite de sa coalition avec le parti libéral pour obtenir l’émancipation des travailleurs. Celle-ci n’était dès lors plus envisagée qu’à travers une transformation progressive du capitalisme au moyen d’un programme de réformes réalisé au gouvernement. Le P.O.B. évolue donc de plus en plus vers le réformisme. Les anarchistes communistes veulent se détacher de cette tendance et en même temps rompre avec l’individualisme qui a caractérisé le mouvement jusque là. Ils tentent donc de faire de l’anarchisme un mouvement structuré capable de mener une action commune [4]. Et c’est bien dans ce sens que tend la création du Groupement Communiste Libertaire.
B.1. Les objectifs de la colonie.
La colonie de Stockel fait partie des communautés anarchistes. Celles-ci se distinguent des communautés socialistes ou communistes d’une part, et des communautés fouriéristes d’autre part. Les premières sont basées sur une organisation bureaucratique poussée et sur une volonté de répartition égalitaire des biens et des produits. Les secondes sont proches de la simple coopérative de production et de consommation et visent à créer l’harmonie dans la diversité et l’inégalité. Au contraire, les communautés anarchistes ont pour principe de rejeter toute organisation, toute hiérarchie, toute règle contraignante pour laisser s’épanouir la liberté de l’homme [5]. Le but premier de ce type de communautés est de montrer par l’exemple que l’on peut obtenir la transformation de la société autrement que par une révolution violente [6] ou par une évolution lente obtenue par le réformisme [7]. Et c’est bien le but qu’affichent les anarchistes belges à cette époque. Après l’échec de la grève générale de 1902, le socialisme belge ne compte plus que sur la réussite de sa coalition avec le parti libéral pour obtenir l’émancipation des travailleurs. Celle-ci n’était dès lors plus envisagée qu’à travers une transformation progressive du capitalisme au moyen d’un programme de réformes réalisé au gouvernement. Le P.O.B. évolue donc de plus en plus vers le réformisme. Les anarchistes communistes veulent se détacher de cette tendance et en même temps rompre avec l’individualisme qui a caractérisé le mouvement jusque là. Ils tentent donc de faire de l’anarchisme un mouvement structuré capable de mener une action commune [8]. Et c’est bien dans ce sens que tend la création du Groupement Communiste Libertaire.
Dans les statuts de la colonie [9], Emile Chapelier et Eugène Gaspard Marin veulent montrer que l’idéal communiste est réalisable, pour s’opposer à leurs adversaires qui, quand ils ne dénigrent pas l’idéal lui-même, contestent en tous cas toute possibilité de concrétisation de cet idéal. Cette société rêvée par les anarchistes “ aurait pour base la loi de l’entraide impliquée dans la propriété commune de toutes les richesses sociales et naturelles, chaque individu ne pouvant être heureux que si le bonheur de tous est assuré ; tous travailleraient en vue du bonheur de chacun”. Montrer qu’il existe une alternative à la société capitaliste et au droit de propriété individuelle et la concrétiser, plutôt que de perdre du temps en débats théoriques oiseux, voilà ce à quoi s’engagent les colons de Stockel. La même volonté se retrouve chez André Lorulot, fondateur, en 1906, de la colonie libertaire de Saint-Germain en France et qui s’attaque aux “ formes languissantes de l’action anarchiste” et constate la nécessité d’une “ activité plus réelle” [10].
Les colons précisent cependant, toujours dans leurs statuts, que leur expérience n’est pas la copie conforme de l’humanité libertaire telle qu’elle se présentera dans l’avenir, car “ tous les individus se grouperont, comme nous du reste, par affinités et différents modes de vie”. Ce n’est qu’une expérience et c’est d’ailleurs le nom qu’ils donneront à la colonie au mois de janvier 1906 [11]. Ils entendent seulement démontrer la supériorité et surtout la possibilité d’une société basée sur des idéaux communistes qu’ils énumèrent :
– L’absence totale de propriété : personne ne pourra, au sein de la communauté, se déclarer propriétaire de quelque bien que ce soit.
– Chacun travaillera suivant ses forces et ses aptitudes, chaque individu étant libre de s’imposer sa discipline.
– Tout le monde consommera librement selon ses besoins sans qu’il n’y ait à proprement parler de rémunération du travail.
– La collectivité ignorera l’existence des familles, ce qui implique que ceux qui auront des enfants ne devront pas produire plus que les autres.
– Tant que la nouvelle société ne pourra satisfaire tous les besoins moraux ou intellectuels des colons, les bénéfices que les nécessités de la colonie laisseront disponibles seront redistribués entre eux, et ce afin de préserver l’indépendance intellectuelle et morale de chacun.
– La femme jouira des mêmes libertés et des mêmes privilèges que l’homme ; elle ne devra plus être enchaînée à son “ mâle” ; l’amour devra être pratiquement libre sans que le libertinage ne soit favorisé.
Nous verrons par la suite plus en détail la doctrine anarchiste et les raisons de chacun de ces principes. Mais notons dès à présent qu’ils entrent entièrement dans le cadre des idées prônées par l’anarchisme communiste et qu’ils se retrouvent dans les autres communautés anarchistes. Jean-Christian Petitfils en recense en effet 33, créées entre 1830 et 1914, et encore son inventaire n’est-il pas complet puisque la colonie de Stockel, par exemple, n’y est pas mentionnée [12]. Les plus anciennes furent créées aux Etats-Unis et en Angleterre ; et les plus récentes en France : 11 communautés y furent créées entre 1900 et 1913, ce qui est révélateur de l’évolution du mouvement anarchiste à cette époque. A la fin du 19e siècle, et à la suite des nombreux attentats à la bombe perpétrés en Europe entre 1892 et 1894, de nombreux militants se détournèrent en effet de la propagande par le fait pour s’orienter soit vers le syndicalisme révolutionnaire, soit vers la propagande par l’exemple. Dans le cadre de cette dernière, de nombreuses écoles libertaires, coopératives de production et communautés communistes furent alors créées [13]. Parmi les plus célèbres des “ milieux libres”, épinglons :
– La Communauté de Whiteway, créée en 1898 à Stroud, dans le Goucestershire, en Angleterre, au sein de laquelle Eugène Gaspard Marin passa la seconde partie de sa vie (1914-1969).
– Les Communautés de Blaricum et de Walden (à Bussum) créées aux Pays-Bas en 1898.
– Le Milieu Libre de Vaux et l’Essai d’Aiglemont créés en France en 1903.
– Et enfin, la colonie libertaire de Saint-Germain-en-Laye, créée également en France en 1906.
Emile Chapelier, Eugène Gaspard Marin et les autres, sous la tutelle de Georges Thonar, veulent donc faire un exemple qui donne confiance aux anarchistes en l’avenir de leur idéal. “ Faire de beaux discours et de beaux livres, c’est fort bien ; nous les aimons parce qu’ils nous charment et nous ne pensons point à nier leur influence émancipatrice ; mais, quel que soit le génie d’un orateur ou d’un écrivain, il ne pourra jamais atteindre la puissante éloquence d’une bonne action ! Aussi, à notre humble avis, tous ceux qui se réclament de la philosophie anarchiste doivent avoir à coeur de prouver par leurs actes, bien plus que par leur paroles, qu’ils constituent le parti des honnêtes gens” [14]. Ils sont convaincus, tout comme les autres fondateurs de communautés utopistes [15], que leur exemple s’imposera de lui-même, par contagion, en montrant par une première expérience que leur système est viable. Cependant, même s’ils sont pacifistes et non violents, la société capitaliste ne sera jamais transformée pacifiquement en société communiste : “ Tôt ou tard l’expropriation radicale s’imposera brutalement, en droit ou en fait” [16]. Et donc, la réussite de l’expérience doit seulement donner foi aux révolutionnaires. C’est pour eux le meilleur moyen de propagande. Or, la propagande est bien l’objectif premier des anarchistes belges d’avant guerre.
B.2. Histoire économique de la colonie.
Lorsque la colonie fut créée, Emile Chapelier ses compagnons habitèrent une petite ferme située à Stockel-Bois, près de la forêt de Soignes, au bout de l’avenue de Tervueren [17]. Il ne s’agit à l’époque que d’un petit hameau situé en pleine campagne.
Il s’agit en fait de la maison qu’Emile Chapelier et sa compagne, Valentine David, occupaient depuis le mois d’avril 1905 [18]. Lorsqu’Eugène Gaspard Marin s’y installe, le 21 septembre 1905, les colons sont au nombre de cinq et déjà des problèmes se posent pour trouver une place pour tout le monde. Voici la description qu’en fait Marin : “ Ce n’est pas une petite affaire que de me loger [...] la maison ne comprend que deux chambres habitables dont l’une sert à la fois de chambre à coucher, de cuisine, de salle à manger, etc. Heureusement, il reste encore les quatre murs [...] d’une petite étable. En quelques heures, on y fait un plafond avec des planches, une petite fenêtre et une porte plus que rustique. Le sol est de terre battue ; les murs reçoivent un rapide badigeonnage à la chaux. Et me voilà casé” [19]. Le logement est donc très simple, voire insalubre, et lorsque la colonie comprendra entre dix et quinze colons, la promiscuité provoquera des problèmes qui entraîneront le départ de certains d’entre eux et, à terme, seront une des causes de la dissolution de la communauté [20] . De plus, la surface du terrain qui entoure la maison fait moins d’un hectare. A tel point que dès le mois d’octobre 1905, conscients qu’ils ne peuvent accueillir un plus grand nombre de personnes dans ce petit espace (à ce moment, ils ne sont toujours que cinq), les colons envisagent d’acheter une maisonnette située près de Bierges, entourée d’un terrain de quatorze hectares et demi, d’autant plus qu’ils ne peuvent obtenir de bail ailleurs. Malheureusement, ils ne parviennent pas à réunir la somme nécessaire pour l’acquérir : la maison avait une valeur de 25.000 francs et il leur aurait fallu obtenir un prêt de 2.000 à 3.000 francs [21], ce qui leur fut impossible [22].
Au mois d’avril 1906, grâce à une somme que leur prêtent deux camarades, ils louent la seconde partie de la maison dans laquelle ils habitent, avec la terre environnante, ce qui porte leur loyer à un montant trimestriel de 115 francs. “ Notre moitié de maison, écrit Eugène Gaspard Marin, était devenue décidément trop exigu‘ pour le nombre actuel des colons” (ils sont neufs à ce moment-là). Ils disposent alors de sept pièces (au lieu de deux, ou trois si l’on compte l’étable), dont quatre “ ont des prétentions au titre de chambres”. Cette dernière remarque renseigne un fois de plus sur la précarité de leur habitat. Grâce à cette extension, ils jouissent d’un terrain qui fait plus d’un hectare et qui comprend un verger de pruniers et de cerisiers ainsi qu’un noyer [23].
Le mois suivant, un ermite qui vit dans la forêt envisage de partir en Amérique du Sud pour faire fortune et offre aux colons de disposer de son petit domaine pendant son absence. Il s’agit d’une maison et de quatre hectares de terre. Les colons acceptent la proposition et décident qu’une partie d’entre eux logera à cet endroit. Mais cet accord implique une nouvelle augmentation du loyer, dont le montant est dès lors de 215 francs par trimestre [24].
L’aviculture et l’agriculture étaient les principales activités des colons de Stockel, et ce dès de la fondation de la colonie. Lorsque qu’Eugène Gaspard Marin rend visite à la colonie en mai 1905, il trouva en effet Chapelier “ dans un encombrement de poussins et d’amis occupés à fabriquer une éleveuse. Plus loin, Bocquet bêchait les pommes de terre” [25]. L’élevage de poules semble être relativement important. En septembre 1905, ils construisent cinq poulaillers dans lesquels ils placent leurs poules en plus de 60 nouvelles qu’ils viennent d’acquérir chez un éleveur [26]. En avril 1906, ils possèdent une centaine de poules et le matériel pour en élever cinq cents [27]. Le mois suivant, ils ont la jouissance de la centaine de poules que possède l’ermite qui leur confie ses biens, et un aviculteur de Tervueren, qui doit partir, leur confie également ses poules [28]. Et donc, malgré leurs déboires du début, dus à leur inexpérience en la matière [29], la production des oeufs est très bonne à cette période. Aussi Eugène Gaspard Marin écrit-il : “ Nous avons tout lieu d’être satisfaits des progrès accomplis surtout si l’on tient compte [...] de notre grande inexpérience en aviculture (nous avons tout appris à nos dépens)” [30].
Cette réussite ne sera cependant que de courte durée. En juin, l’ermite n’est toujours pas parti et, pressentant un piège, les colons décident d’abandonner les biens qu’il leur avait confiés [31]. De plus, au mois d’octobre 1906, suite à des problèmes avec le propriétaire de la maison qu’ils louaient [32] , les colons sont obligés de déménager. “ A force de recherches” [33], ils louent une maison située rue Verte 57, à Boitsfort, au prix de 43 francs par mois. Il s’agit d’une maison de quatre étages (rez-de-chaussée et sous-sol compris) comprenant 14 pièces, mais la petitesse du terrain, qui ne fait que trois ares, les oblige à abandonner une partie de leurs activités agricoles et toute l’aviculture, le nouveau locataire de la maison de Stockel ayant racheté l’exploitation pour une somme de 1200 francs [34].
L’abandon de la vente des oeufs représente la fin d’une activité qui rapportait de l’argent, mais qui représentait aussi une part de leur nourriture, l’autre partie se composant des légumes qu’ils cultivaient. Les membres de la communauté sont en effet tous végétariens [35]. A cause d’une diminution de la production de légumes et du manque de moyens financiers, leurs repas sont souvent frugaux : “ Manquant de beurre, parfois même de pain et de charbon, nous dînons le plus souvent de pommes de terre rôties sur un feu de bois” [36]. Les dîners sont seulement un peu plus consistants lors des grandes occasions. Ainsi, le 3 avril 1906, date du premier anniversaire de la naissance de la colonie, le menu est différent : “ Aujourd’hui, une surprise nous attend ! Les compagnes ont préparé un vrai dîner, cette fois, qui se compose d’un plat d’oeufs suivi d’une large assiettée de riz” [37]. De même lors du troisième congrès du Groupement Communiste Libertaire qui se tint à la colonie au mois de juillet 1906 : “ Le congrès est interrompu vers 4 heures par le dîner en plein air [...] Le repas se compose d’une soupe aux pois, de salade de laitues et de pommes de terre avec des oeufs durs, puis du riz, et, pour finir une compote de prunes” [38]. Ou encore lors du deuxième anniversaire de la colonie : “ 3 avril 1907... Nous savourons un plat de crêpes à l’occasion du deuxième anniversaire de l’installation première à Stockel-Bois !!” Le fait que seuls les repas préparés pour ces occasions soient décrits dans le journal de la colonie est significatif de la simplicité du menu quotidien. Et lorsque la colonie aura de gros problèmes financiers pendant les premiers mois de l’année 1907, la nourriture sera celle du plus pauvre des vagabonds : “ Les compagnes [...] vont cueillir dans les ruisseaux, et le long des talus, des touffes de mauvaises herbes (cresson, pissenlits, orties, oseille sauvage) qu’elles transforment en délicieux potages et en mets succulents”. Et Eugène Gaspard Marin tient bon de souligner à ce propos : “ Heureusement, le boulanger semble vouloir nous faire un crédit illimité” [39].
L’argent sera d’ailleurs un perpétuel problème pour la colonie. Le loyer, les frais de nourriture, d’impression des journaux, l’achat d’engrais, d’aliments pour les poules sont autant de charges difficiles à assumer pour une communauté qui n’a que peu de moyens. Aussi les préoccupations financières et les difficultés matérielles reviennent-elles constamment dans le journal d’Eugène Gaspard Marin. Outre les problèmes que les colons éprouvent à manger correctement tous les jours, bien d’autres difficultés se présentent à eux. Lorsqu’ils veulent acheter une maison près de Bierges, d’un montant de 25.000 francs, ils ne parviennent pas à réunir l’argent [40]. Quand ils acquièrent la clairière de l’ermite et les poules de l’aviculteur de Tervueren, Eugène Gaspard Marin souligne le fait que, si la production d’oeufs va augmenter, le loyer de la clairière et le supplément de graines à acheter pour nourrir les poules sont autant de charges supplémentaires [41]. Pendant la première année de l’existence de la colonie, les visiteurs du dimanche, parfois nombreux, étaient restaurés par les colons, mais, en avril 1906, ils éprouvent des difficultés à le faire et placent, à l’entrée de la maison, une caisse avec l’avis suivant : “ Un grand nombre de nos visiteurs éprouvent le besoin d’être restaurés. Or nous ne pouvons le faire comme nous le voudrions, sans compromettre le succès de la colonie ; d’autre part, il nous répugne de spéculer sur leurs besoins. C’est pourquoi nous avons songé à mettre une cassette à leur disposition. De cette façon, chacun peut, sans se gêner, manger à sa faim et donner selon son bon vouloir. Comme il n’y a ni tarif, ni contrôle, ceux qui n’ont rien peuvent, eux aussi, manger en pleine liberté” [42] . Certains camarades sont obligés de continuer à travailler à l’extérieur pour assurer la subsistance de chacun (ils sont deux sur sept en avril 1906 [43]). De même, Alphonse Schoutetens, qui arrive le 3 avril 1906, exercera encore un petit temps son métier de peintre en bâtiment en ville parce que “ la colonie n’a pas encore de grandes ressources” [44]. Il arrêtera cependant très vite et dès le mois de mai, “ fatigué de travailler pour des patrons qui le mettent sans cesse à la porte pour ses idées avancées”, il décide de colporter les brochures, journaux, cartes et assiettes-souvenirs de la colonie “ joignant ainsi au charme du voyage et à la propagande, la possibilité d’apporter quelque ressource à l’oeuvre commune” [45] . Car pour augmenter les ressources de la colonie, Félix Springael et Eugène Gaspard Marin reproduisent sur des assiettes des oeuvres libertaires de renom [46]. Et des cartes postales représentant la colonie et ses membres sont vendues [47]. Cependant, les colons n’arriveront jamais à réunir suffisamment d’argent pour pouvoir vivre dans une relative aisance. Et dès qu’une perte d’argent se produit à cause d’un incident imprévu, le déficit, si petit soit-il, est lourd à supporter. Ainsi, quand Alphonse Schoutetens, en août 1906, part avec 75 francs qui lui avaient été confiés pour payer l’imprimeur, c’est la consternation : “ Nous avons à peine de quoi vivre et nous ne savons que penser !” [48].
Quand Emile Chapelier écrira des pièces de théâtre [49] que les colons représenteront à différents endroits [50], ce sera à la fois dans un but de propagande, mais aussi pour gagner de l’argent. La première pièce, intitulée La nouvelle clairière, est terminée en octobre 1906 et, alors qu’ils viennent de déménager et de subir de grosses pertes [51], les colons espèrent que la tournée théâtrale leur permettra de passer l’hiver “ qui s’annonce mal pour nous cette année” [52]. Malheureusement, ces représentations ne leur rapportent que peu d’argent et même dans certains cas, leur en font perdre. Par exemple, lors de la première, qui a lieu le 4 novembre 1906, ils ont un déficit d’environ cinquante francs [53]. Et, sauf dans les cas où leur pièce attirera un public relativement nombreux, les bénéfices seront maigres. Lors de la troisième représentation, qui a lieu le 18 novembre, ils perdent à nouveau de l’argent et dès ce moment, Eugène Gaspard Marin souligne : “ Notre situation matérielle va commencer à s’en ressentir sérieusement” [54]. Lors de la cinquième représentation, qui devait avoir lieu le 25 novembre, le public fit totalement défaut et, n’ayant pas assez d’argent pour loger dans la localité où ils se trouvaient, ils se virent contraints de revenir à Boitsfort : “ Avec ce nouvel échec, écrit alors Eugène Gaspard Marin, la misère entre au logis, et avec elle, le découragement” [55]. Ils sont à ce moment forcés d’emprunter de l’argent à des camarades pour survivre en attendant les prochains spectacles. Malheureusement, la représentation suivante doit être annulée et la situation devient alors désastreuse : “ Cette fois, la misère bat son plein et la situation morale commence à s’en ressentir fortement. N’absorbant plus assez de forces pour se soutenir, et ne voyant pas d’issue à la situation, plusieurs ont perdu le goét du travail, et l’on se groupe autour du feu où brélent les derniers blocs de charbon. Félix [Springael] supporte particulièrement mal la misère : il s’aigrit et communique son découragement à d’autres : déjà il prétend faire quelque mauvais coup, ce qui rend la situation plus critique encore : les propos s’enveniment ; la faim a fait sortir le loup du bois” [56]. Les trois représentations suivantes remportent un grand succès, mais même alors, les frais s’élèvent à 550 francs alors que les recettes ne sont que de 560 francs [57].
Ces énormes difficultés matérielles et l’inactivité provoquent le découragement de certains membres de la colonie et créent des tensions, au point que certains d’entre eux décident de partir. En janvier 1907, Félix Springael, “ énervé par huit mois de chômage”, part à New York rejoindre Dominique Bocquet (autrefois membre de la colonie) pour exploiter un procédé d’émaillage dont un ami avait fait cadeau à la colonie, afin de rapporter de l’argent qui leur permettrait de “ [s’]installer dans des conditions plus favorables à la réussite et au développement intégral de l’expérience”. Eugène Gaspard Marin décide également de s’absenter provisoirement, non seulement à cause de cette situation, mais aussi parce qu’il entrevoit un moyen de gagner de l’argent : “ Comme l’avenir de la colonie reste toujours problématique, par ce fait que, depuis notre expulsion de Stockel-Bois, les colons n’ont plus de quoi s’y occuper sérieusement, j’ai résolu, pour ma part, de m’en éloigner momentanément et d’aller apprendre au dehors, le métier de typographe : une imprimerie serait en effet un bon moyen de sortir de l’impasse matérielle où nous nous trouvons, en même temps qu’un excellent et puissant outil de propagande” [58]. Il se rend donc à Herstal, où se trouve une autre section du Groupement Communiste Libertaire et où Georges Thonar l’accueille dans son atelier. Mais il ne peut y rester longtemps : “ Comme l’argent fait complètement défaut à la colonie, il m’est impossible de continuer la typographie chez Thonar, les frais de nourriture et de logement à Herstal ne pouvant plus être couverts : mon retour immédiat à Boitsfort s’imposait donc”. Il remplace alors Adolphe à l’imprimerie Paternotte comme apprenti [59].
Les remarques concernant le manque d’argent pullulent donc pour la première moitié de l’année 1907 dans le journal qu’Eugène Gaspard Marin consacre à la colonie. Bien qu’il y en ait également pour l’année 1906, c’est à ce moment qu’elles sont le plus fréquentes. En avril 1907, Eugène Gaspard Marin écrit encore ceci : “ L’argent reste aussi rare dans notre caisse que le vinaigre de vin dans la cave d’un évêque” [60]. C’est durant cette période qu’ils se nourrissent de mauvaises herbes et du pain que le boulanger leur concède à crédit.
Le 22 avril, l’espoir renaît parmi les colons. Avec l’aide du boulanger, ils font en effet l’acquisition d’une imprimerie au prix de 1.200 francs dont 350 payables immédiatement le reste à raison de cinquante francs par mois : “ Nous ne possédons pas un rouge liard, mais notre boulanger nous offre le premier versement”. Outre l’utilité qu’elle présente pour la propagande, cette imprimerie leur permet de ne plus devoir dépenser d’argent pour imprimer leurs journaux, et même d’en gagner : “ Nous voilà donc de nouveau en possession de réel gagne-pain en même temps que d’un merveilleux outil de propagande. Cette pensée nous a rendu à tous la gaieté” [61].
A partir du mois d’août et jusqu’à la dissolution de la communauté, Eugène Gaspard Marin ne fait plus aucune allusion, dans le Journal d’une colonie, à un quelconque manque d’argent. La situation semble donc s’être améliorée, peut-être grâce à l’imprimerie. Eugène Gaspard Marin fut par exemple gérant “ pour la frime” d’un journal intitulé Le Gueux publié à Verviers d’août à décembre 1907 [62]. Il ne fait quasiment aucun doute que ce journal, totalement indépendant de la colonie, fût imprimé par Eugène Gaspard Marin au sein de cette dernière [63].
De la naissance de la communauté “ L’Expérience” en avril 1905 à sa mort en février 1908, les colons menèrent donc un mode de vie précaire, tant au niveau du logement que de la nourriture. Et les moyens qu’ils avaient pour gagner de l’argent ne leur permirent jamais de vivre en véritable autarcie. Ils ne purent survivre que grâce à des emprunts d’argent et au travail de certains colons à l’extérieur de la communauté. Et pourtant l’éventail de leurs activités était assez large : production d’oeufs et vente de journaux et de brochures d’abord, à Stockel, et puis, travaux de cordonnerie [64], d’imprimerie, activités théâtrales, à Boitsfort [65]. Mais jamais ils n’atteignirent un niveau de vie suffisamment aisé pour pouvoir dire que l’expérience était une réussite sur le plan économique.
Lorsque, suite à des problèmes d’entente entre Emile Chapelier et des colons [66], ces derniers annoncent au premier qu’ils veulent démissionner (cela se passe vers le milieu du mois de février 1908, soit deux semaines avant la dissolution complète de la colonie), Emile Chapelier préfère s’en aller “ ne tenant guère à endosser le passif de 2.000 francs que représente la colonie” [67]. Cette remarque fait entendre clairement que même si les finances de la communauté se portaient un peu mieux, elle resta en déficit jusqu’à la fin.
La situation économique de la colonie de Stockel est typique des communautés anarchistes de cette époque, pour autant qu’elles aient la même taille que “ L’Expérience”. Toutes présentent en effet de grandes similitudes. La première d’entre elles est le logement. Par exemple, André Lorulot, fondateur de la colonie libertaire de St. Germain (en France), qui comportait également une bonne dizaine de personnes, parle des nombreuses réparations qu’il fallait faire dans la ferme que lui et ses camarades avaient louée afin de “ rendre habitables les bâtiments vieux et délabrés” [68]. Et de fait, Jean-Christian Petitfils, dans son ouvrage sur les communautés utopistes du 19e siècle, remarque que très souvent, l’emplacement choisi pour les communautés utopistes, qu’elles soient anarchistes ou autres, sont souvent le résultat du hasard, d’une offre intéressante ou de l’emballement pour un paysage [69]. D’autre part, ces colonies se heurtent souvent à la résistance des propriétaires à leur louer une maison, par crainte de la répression [70]. C’est pour cette raison que les colons de Stockel durent déménager et ce n’est que grâce à la sympathie qu’éprouvait envers leurs théories le propriétaire de la maison de Boitsfort, un menuisier nommé Charles Jopen, qu’ils arrivèrent à louer celle-ci. Le contrat de bail, conclu avec Eugène Gaspard Marin, contenait en effet une clause qui permet aux locataires de construire un théâtre démontable dans le jardin, ce qui implique que le propriétaire connaissait la nature un peu spéciale de ses locataires [71].
Les activités auxquelles se livrent les colons de Stockel sont également typiques des communautés de ce genre, au premier rang desquelles figure l’agriculture. Et l’élevage de poules, par exemple, est très répandu dans les colonies pauvres (la colonie d’Aiglemont, en France, fondée par Fortuné Henry, et disposant de peu de moyens, s’y livrera aussi) [72]. D’autre part, les activités industrielles auxquelles se livraient les communautés utopistes étaient essentiellement artisanales [73] : il s’agissait de travaux de serrurerie, de cordonnerie, d’imprimerie,... dont certains faisaient partie des activités de “ L’Expérience”.
L’alimentation était souvent un problème crucial pour ces communautés, et certaines d’entre elles connurent des situations proches de la famine [74]. A un certain moment, les colons de Stockel durent se nourrir de mauvaises herbes mais ils ne furent pas les seuls dans le cas.
Le mode de vie précaire n’est donc pas spécifique aux membres de la colonie “ L’Expérience”, et même ne constitue pas un cas rare. Dans la colonie d’Aiglemont par exemple, on vivait “ chichement” [75]. Des visiteurs, venus y passer quelques heures, “ pour être sûrs de déjeuner, [...] avaient apporté un panier de victuailles” [76]. Les membres de cette communauté travaillaient comme “ des bêtes de somme”, étaient “ privés de tous loisirs”, et devenaient “ sombres et irascibles” [77]. Tout comme Emile Chapelier et les siens. Plus loin, nous verrons également que les causes de l’échec de ces tentatives de communisme sont à peu près les mêmes partout et que les problèmes que les colons de Stockel eurent à s’entendre entre eux ne sont pas non plus une exception.
Mais il n’est donc certainement pas erroné de dire que la colonie de Stockel fut un véritable échec sur le plan économique.
B.3. Les colons.
a. Qui sont-ils ?
Les informations relatives au passé des personnes qui vont faire partie de la colonie sont issues essentiellement du journal qu’Eugène Gaspard Marin consacre à la colonie. Il s’agit donc de renseignements que les personnes concernées ont donné oralement à ce dernier qui les a retranscrits. Il se peut donc qu’il y ait parfois des décalages importants avec la réalité et que certains aient quelque peu adapté leur récit. Néanmoins, il s’agit d’avoir un aperçu de la composition sociale de la colonie et les détails importent donc peu.
Les ferments de la communauté furent posés par Emile Chapelier et sa compagne Valentine David qui s’installèrent dans la maison de Stockel-Bois le 3 avril 1905 [78]. Emile Chapelier naquit à Bande, dans la province du Luxembourg, en 1870. Son père était un ouvrier illettré et sa mère mourut très tôt. Il passa donc son enfance avec sa tante et son grand-père et vécut pauvrement. Il n’alla que neuf mois à l’école et à l’âge de 13 ans il partit dans la province de Liège où, après avoir été aide-maçon et cordonnier, il travailla plusieurs années à la mine. Pendant cette période, il vécut avec son père alcoolique et fréquenta lui-même les estaminets jusqu’à l’âge de 20 ans. Jusqu’au jour où il rencontra un vieux mineur anarchiste qui, bien que n’ayant lui-même que peu d’éducation, éveilla en lui le goét pour l’étude et les idées anarchistes. En autodidacte, Emile Chapelier apprit alors l’orthographe, la grammaire, se familiarisa avec les sciences naturelles, la philosophie et la sociologie. Cette instruction allait bientôt lui permettre de prendre part aux discussions organisées par les mineurs. Et, vers 1890, il fit la connaissance de plusieurs anarchistes qui le firent entrer dans le mouvement. Il tint ses premiers meetings publics lors de la grève de 1893. Dès lors, il eut des ennuis avec la police et ses employeurs à cause de ses idées. Il perdit son travail et se rendit à Bruxelles. Là, en 1894, il fit de la prison pour avoir tenu un meeting antimilitariste et par la suite, il eut encore à plusieurs reprises des ennuis avec la justice pour la tenue de meetings ou pour sa participation au journal L’Insurgé de Georges Thonar. Il continua cependant à donner des conférences et publia en 1896 Le Cri des Opprimés. On tenta de l’impliquer dans un procès de faux-monnayage, mais il quitta la Belgique. Et quand il y revint, il resta déguisé afin qu’on ne le reconnaisse pas. Finalement il se livra lui-même à la justice après avoir donné diverses conférences sous le nom de Prosper Adam, à Mouscron, Tourcoing et Roubaix. Il fut condamné à 5 ans de prison. Libéré en 1900, il tint, le jour même de sa sortie, une conférence au Groupe d’Etudes Sociales de Bruxelles. Dès lors, il donna d’innombrables conférences et participera à divers journaux anarchistes dont : L’émancipation et L’effort éclectique (publiés par Georges Thonar), Le Réveil des Travailleurs, L’émancipation (de Lans) et plus tard à L’Insurgé de Liège et à L’ouvrier des ports de Marseille. Il fut arrêté à deux reprises, l’une en 1901 et l’autre en 1902, parce qu’on le soupçonnait de participer à un complot contre le roi Albert, mais il fut relâché. En 1904, il donna des cours et des conférences sur la langue internationale esperanto, afin de la propager [79]. En 1905, Thonar et lui eurent l’idée de créer la colonie communiste de Stockel, de laquelle il fut le leader, bien que les anarchistes refusent ce titre. Nous verrons dans quelles circonstances il quitta la colonie.
Vers 1908-1909, après l’échec de la colonie, il rejoignit le P.O.B. [80] Par la suite, il participa à la fondation de La libre pensée prolétarienne et s’efforça encore de propager l’espéranto, notamment via le journal Liber pensula. Il publia encore diverses brochures sur ses sujets préférés : le néo-malthusianisme, l’anticléricalisme, la propriété,... Cependant, lors de l’arrivée de Staline au pouvoir en U.R.S.S., il adhéra au Cercle Marx-Engels, croyant en l’avenir du communisme, et ce malgré sa condamnation du totalitarisme stalinien. Il fut encore, jusque vers 1930, secrétaire générale de la section belge des Libres Penseurs Prolétariens mais ensuite, il fut beaucoup moins actif. Il écrivit épisodiquement des articles pour le périodique Le réveil syndicaliste et participa aux manifestations qui eurent lieu en faveur de Lazarévitch et de Victor Serge, tous deux retenus en Russie pour avoir défendu la liberté d’expression. Et puis il arrêta toute activité jusqu’à sa mort [81] .
Vers 1902, Emile Chapelier fait la connaissance de Valentine David qui deviendra rapidement sa compagne. Née en 1873 en Flandre Orientale dans une famille catholique, elle fréquenta l’école de 4 à 12 ans, et ensuite elle entra dans un atelier de couture. Lorsqu’elle avait 14 ans, sa mère mourut et son père se remaria avec une mégère qu’elle ne put supporter. Elle entretint dès lors des relations agitées avec sa famille et la quitta finalement, mais, contrairement à ses trois soeurs qui étaient devenues nonnettes, elle continua à travailler. Elle pratiqua divers petits métiers (parmi lesquels celui de demoiselle de magasin chez un marchand de chaussures) et vécut très pauvrement jusqu’à l’âge de trente ans, c’est-à-dire jusqu’au jour où elle rencontra Emile Chapelier et se mit en ménage avec lui. Tous deux travaillaient et arrivaient alors à gagner suffisamment d’argent pour vivre. C’est au contact de son compagnon que Valentine David fut acquise aux idées anarchistes ; et elle l’assista dans ses activités de propagande. Sa famille était mécontente de la voir unie à un anarchiste mais elle rompit toute relation avec celle-ci [82].
Les autres membres de la communauté arriveront deux semaines plus tard dans la maison de Stockel. Deux autres personnes étaient déjà présentes lorsqu’Eugène Gaspard Marin vient les rejoindre. Il s’agit de Catherine Vanderheyden et de son compagnon Dominique Bocquet. Catherine Vanderheyden est née à Bruxelles en 1882 dans une famille ouvrière de douze enfants négligés par leurs parents qui consacraient l’essentiel de leur temps à leur travail. Vers 1890, son père partit en Amérique et sa femme l’y rejoignit quelques mois plus tard avec Catherine. Pendant trois ans, celle-ci fréquenta une école du New Jersey puis, de treize à seize ans, exerça le métier de repasseuse. Sa mère revint alors avec elle à Bruxelles mais mourut peu de temps après. Son père mourut également plus ou moins à la même époque en Amérique. Catherine est dès lors élevée par son oncle, mais celui-ci l’empêcha de voir Dominique Bocquet, un autre membre de sa famille avec qui elle s’entendait bien, à cause de ses idées subversives. A l’âge de 19 ans, elle décida donc de partir pour New York et parvint à réunir suffisamment d’argent pour y faire venir son compagnon. Celui-ci est né à Bruxelles en 1880 dans une famille ouvrière de dix enfants. Il fut élevé par ses grands-parents et fréquenta l’école jusqu’à l’âge de 13 ans. Ensuite, il apprit le métier de tailleur avec son grand-père. Pour diverses raisons (sa santé, le manque de travail) il fut obligé d’exercer divers métiers. A cette époque, il se familiarisa avec les idées socialistes : il entra dans une société de libre pensée appelée La Libre Belgique et s’inscrivit au P.O.B. qu’il quitta rapidement, préférant la révolution aux luttes parlementaires. A 20 ans, il partit rejoindre Catherine Vanderheyden en Amérique. Là, il erra de ville en ville en pratiquant les métiers les plus divers (colleur d’affiches, nettoyeur de wagons, électricien,...) et finalement revint avec sa compagne à Bruxelles, où il ouvrit avec ses frères un atelier de ferronnerie. Il voulut donner à ses ouvriers la plus grande liberté et un salaire élevé mais ses affaires périclitèrent et c’est à ce moment qu’il rejoignit, avec Catherine et sa fille, Louise, Emile Chapelier à Stockel [83]. A la fin de l’année 1905, il retournera cependant aux Etats-Unis pour travailler, emmenant sa compagne et sa fille [84].
Le 21 septembre 1905, arrive au sein de la colonie Eugène Gaspard Marin dont nous avons déjà vu en détail les circonstances qui le firent adopter les idées anarchistes et les motifs qui le firent vouloir tenter l’expérience avec Emile Chapelier.
Le 5 janvier 1906, une autre personne se rajoute au nombre des colons. Son nom est François Paul. Il est né en 1880 dans le Brabant dans une famille de six enfants. Son père, au départ propriétaire d’une ferme, avait dilapidé son argent et était devenu cabaretier à Bruxelles. Il vécut pauvrement avec son fils et bientôt, tomba malade et mourut quand François Paul avait sept ans. Il vécut alors avec sa mère, et reçut une éducation catholique contre laquelle il se révolta. Assez rapidement il exerça la profession de cordonnier et évolua, à la même période, vers l’anarchisme. Vers l’âge de 18 ans, il fit partie de différents groupes libertaires à Bruxelles. Il va ensuite en Allemagne où il erre de ville en ville puis vécut encore trois ans en Angleterre. A son retour, il se joignit aux colons de Stockel jusqu’au mois de mars où il s’en alla vivre avec une jeune fille à Bruxelles ; il entretiendra cependant encore de nombreux contacts avec les colons [85].
Le surlendemain, arrivent encore quatre autres personnes. Il s’agit de Félix Springael et de Philippine Loeckx, accompagnés de leurs deux enfants, Henri et Egide [86]. Ils viennent de Couvin, mais, François Paul est le dernier dont la vie fait l’objet d’un compte-rendu dans le journal d’Eugène Gaspard Marin. Tous quatre partiront en février 1907 [87].
Un mois plus tard, un peintre en bâtiment nommé Alphonse Schoutetens entre dans la colonie, tout en continuant son métier pour accroître les ressources de la communauté. D’après une allusion d’Eugène Gaspard Marin, il ne semble toutefois pas être familiarisé avec l’anarchisme : “ S’il n’est pas encore très conscient, il ne nous fait pas moins part de très beaux sentiments qui l’animent” [88]. Quelques semaines après l’arrivée d’Alphonse Schoutetens, son fils, Georges, le rejoint ; il a quatorze ans et vient de quitter sa famille en Flandres, où il reçut une éducation catholique et apprit le métier de tailleur [89].
Le 1er août 1906, Jeanne Martin, qui deviendra plus tard la compagne d’Eugène Gaspard Marin, entre à la colonie avec son compagnon Antoine Mathay, qui continuera à la colonie son métier de cordonnier. Ils sont accompagnés du fils de Jeanne Martin, Gustave [90]. Antoine Mathay partira au mois d’aoét 1907, suite à des problèmes de relations avec Jeanne Martin ; il ira à Paris où il comptait ouvrir un magasin de chaussures [91].
Au mois de novembre 1906, Adolphe Mercier, qui fut le souffleur des colons lors de leur tournée théâtrale, s’installe à la colonie jusqu’en mars 1907, mais, même après son départ, il continuera à être le souffleur lors des représentations de La Nouvelle Clairière [92] .
En juillet 1907, les colons proposent à un homme nommé Georges Belot de s’installer à la colonie en attendant d’avoir trouvé une situation. Celui-ci, revenu sans ressources de Haïti, avait en effet menacé de se suicider et avait envoyé son testament philosophique à Emile Chapelier. Il s’en ira trois mois plus tard [93].
Enfin, le dernier à devenir colon sera Marcel Byllon, un caricaturiste parisien, en décembre 1907, c’est-à-dire trois mois avant la dissolution de la colonie [94]. Il sera un des derniers à quitter la colonie.
Les colons de Stockel ne seront donc jamais très nombreux. Leur nombre se situera, dans le meilleur des cas, entre dix et quinze, et encore faut-il tenir compte, dans ce chiffre des quatre enfants. Ce chiffre concerne seulement les colons permanents. Car à ceux-ci s’ajoutent quelques personnes qui ne font qu’un passage dans la colonie et ne restent que quelques jours, pour des motifs très divers. En voici quelques exemples :
Suite à une conférence qu’Emile Chapelier donna chez un certain docteur Lafosse à la fin du mois de septembre 1905, quatre artistes vinrent s’établir à la colonie, désireux de tenter l’expérience. L’un d’eux partit presque immédiatement et les trois autres s’en allèrent quelques jours plus tard, se déclarant “ adversaires du milieu libre comme moyen de propagande et d’agitation” [95].
A deux reprises, les colons accueilleront des déserteurs hollandais. En juin 1906, un nommé Jef leur fut envoyé par des camarades de Wavre : il logea à la colonie jusqu’à ce qu’il fût enrôlé dans l’Armée du Salut, un mois plus tard. Quelques jours après l’arrivée de Jef, un autre déserteur hollandais, Hendrick, et sa compagne Henriette (tous deux anarchistes et végétariens comme les colons de Stockel) vinrent chercher refuge à la colonie [96]. Ils partirent peu après Jef parce qu’ils “ n’étaient plus en sûreté à la colonie à cause des nombreux mouchards qui fréquemment nous honorent de leurs visites” [97].
En juillet 1907, un camarade israélite expulsé de Russie vint loger à la colonie pour apprendre la typographie et travailler pour la propagande. Il ne parlait pas le français et les contacts étaient donc limités. Cependant il resta deux mois [98].
A partir d’août 1907, Laurence Leclercq et Paschal Rousseaux, tous deux acteurs, logèrent régulièrement à la colonie pour faciliter les répétitions des pièces de théâtre [99].
Le fait que les colons ne soient pas nombreux et qu’ils reçoivent régulièrement des visiteurs n’est pas non plus une exception. La colonie libertaire de Saint-Germain par exemple ne comprend pas plus qu’une dizaine de personnes mais reçoivent de “ nombreux camarades passagers” [100]. La colonie d’Aiglemont ne comprenait pas plus de personnes. Néanmoins, le fait que l’expérience du communisme ne portât que sur une petite poignée de gens suscita des critiques. Un article publié dans la Chronique [101] insiste sur le fait que la communauté ne comprend que quatre hommes, deux femmes et trois enfants et que “ ce n’est pas, on en conviendra bien terrible”, d’autant plus que les expériences de communisme sont courantes. Et l’article cite les paroles prononcées par Emile Vandervelde à ce sujet : “ Dans ces conditions, il me paraît tant soit peu excessif de parler d’expérience ‘peut-être décisive’. Deux femmes d’âge différent, quatre hommes unis par des liens d’amitié, peuvent aisément vivre ensemble. [...] C’est, en somme, la famille élargie, avec cette différence que l’on choisit ses compagnons et que l’on ne choisit pas ses consanguins”. Des personnes s’interrogent donc sur la capacité d’un échantillon aussi petit à prouver que l’expérience est réussie et qu’elle peut être appliquée à une grande échelle.
Et il est vrai que l’échantillon est petit et très petit même. Car, à part les hommes qui sont véritablement anarchistes et qui savent vers quoi ils se dirigent, il y a des enfants qui ne peuvent encore être très empreints d’un sentiment communiste et des femmes dont on peut contester la “ conscience” communiste. Leur background n’indique pas, en effet, qu’elles étaient très actives. Elles furent généralement acquises aux idées anarchistes par leurs maris. Et de même Valentine David ne fit qu’apporter une aide pratique à son compagnon, Emile Chapelier : “ C’est elle qui spontanément mettait de l’ordre dans ses livres et ses paperasses, classait ses documents et au besoin les cherchait et qui faisait en un mot toute cette besogne aussi ingrate qu’obscure qui absorbe une si grande part des loisirs d’un militant” [102]. Et ces femmes ne faisaient en réalité que suivre leur mari quand celui-ci décidait d’aller vivre en communauté, comme c’est le cas par ailleurs de la majorité des femmes des communautés utopistes [103].
D’autre part, la grande majorité des membres, permanents ou provisoires, de la colonie sont issus du prolétariat et d’un milieu très pauvre et peu éduqué. C’est une situation très répandue d’ailleurs dans l’ensemble des communautés utopistes où, à côté de la masse des ouvriers, paysans et artisans, il n’y a que peu d’intellectuels et de professions libérales [104]. Et pour certains d’entre eux, s’installer à la colonie est simplement un moyen de survivre. Beaucoup n’ont d’ailleurs pas de travail. D’autres, de passage, logent à la colonie en attendant de trouver du travail. On serait donc en droit de se demander jusqu’à quel point leur conscience communautaire était poussée et probablement les relations parfois conflictuelles entre les colons sont dues en partie à cette situation.
A cet égard, Eugène Gaspard Marin semble faire figure d’exception. Nous avons vu qu’il était issu d’une famille aisée et qu’il avait fait ses humanités. Son instruction était par conséquent supérieure à celle des autres membres de la communauté. Sur une carte postale, nous le voyons d’ailleurs donner des cours aux autres [105]. Et ceci explique sans doute le fait qu’il fut en quelque sorte le bras droit d’Emile Chapelier dans la gestion de la colonie, en dehors de l’amitié qui les liait. Il rédigea avec ce dernier les statuts de la colonie, participa avec lui au Congrès anarchiste d’Amsterdam de 1907, pour lequel ils avaient rédigé ensemble une brochure sur l’espéranto [106]. C’est avec lui que fut signé le contrat de bail pour la location de la maison de la rue Verte ; c’est encore avec lui que fut conclu le contrat d’achat du matériel d’imprimerie que la colonie acquit en avril 1907 [107]. Il avait donc certaines responsabilités qu’il était peut-être le mieux à même d’assumer étant donné son statut social plus élevé que celui de ses compagnons. D’autre part, c’était peut-être lui qui, avec Emile Chapelier bien sûr, était animé de la plus grande conscience communautaire. Il sera le dernier, par exemple, à quitter la colonie.
La colonie se composait donc essentiellement de personnes pauvres, sans grande instruction, et cet état de fait est peut-être la cause de certains conflits qui surgirent, et notamment au moment où la colonie rencontra de grandes difficultés financières.
b. Les problèmes d’entente.
Déjà moins d’un an après la création de la colonie, Eugène Gaspard Marin fait état, dans son journal, des difficultés qu’ont les membres de la communauté à s’entendre. Le 17 janvier, 1906, il écrit : “ En arrivant ici, chacun de nous a conservé des tares résultant de notre hérédité et des influences du milieu malsain où nous avons grandi :
1. Le régime coercitif et propriétaire nous a fait adopter certaines expressions et attitudes autoritaires et individualistes qui, dans ce milieu plus libre et plus fraternel, s’accusent avec brutalité : elles froissent et énervent.
2. Au lieu de faire part de ses griefs à la personne intéressée, on préfère généralement les dire à des gens qui ont les mêmes raisons de se plaindre que soi ; et, petit à petit, sans le savoir, il se fait de part et d’autre tout un bilan de griefs ; les choses s’enveniment, et la discorde éclate.
3. La conséquence du 2°, c’est qu’au lieu d’apprendre à connaître soi-même et les autres, et partant, de s’aimer, on s’illusionne et on devient impropre à s’entendre dire ses défauts : on songe à riposter bien plus qu’à se perfectionner” [108] .
Il souligne ensuite le fait que des disputes étaient inévitables, car personne ne sait changer sa mentalité “ du jour au lendemain”. Une grave dispute avait en effet éclaté entre les membres de la communauté qui résolurent ensuite d’user toujours de “ cette franchise fraternelle qui tient de l’amour et dont aucun être conscient ne peut être froissé” [109].
Tous les colons ne font pas toujours preuve d’un esprit communautaire exemplaire. Par exemple, au mois d’août 1906, Alphonse Schoutetens disparut avec une somme d’environ 200 francs appartenant à la colonie [110]. Celui-ci reprochera par la suite à Emile Chapelier d’être trop autoritaire et dira avoir agi en tant qu’anarchiste et avoir simplement disposé de sa liberté. Cet incident, pour le moins anodin, suscitera un important débat et de nombreuses critiques de la part de la presse, et en particulier de la presse catholique [111]. Il est révélateur, en tout cas, du fait que l’unanimité ne régnait pas parmi les colons en ce qui concernait les idées à adopter.
De plus la promiscuité, due à l’exiguïté du logement [112], provoque également des tensions ; en janvier 1907 par exemple, alors que la colonie traverse une période de grandes difficultés financières : “ Plusieurs d’entre nous supportent mal le coude à coude forcé et constant de tous les autres et les difficultés matérielles qui nous ont poursuivi au cours de tout l’hiver, ont aigri certains caractères” [113]. Et à nouveau cette remarque, un an plus tard : “ Pour la seconde fois, nous avons pu constater que le coude à coude perpétuel et forcé était très défectueux en ce sens que les travers de chacun (désordre, malpropreté, etc.) s’y trouvaient multipliés par les défauts de tous, et ne tardaient pas à rendre la vie très peu agréable et émoussaient les initiatives individuelles” [114].
La promiscuité, la difficulté qu’il y a à s’adapter à la vie en communauté créent donc des problèmes qui peuvent parfois à aboutir à des disputes importantes. Dans la première mention que fait Eugène Gaspard Marin de ces conflits relationnels dans son journal, il note en effet : “ La colonie vient d’être à deux doigts de sa perte” [115] . Et de fait, ces problèmes d’entente seront une cause non négligeable de l’échec de la colonie et de sa dissolution. Et là encore, la colonie de Stockel n’innove pas. Dans beaucoup de communautés de ce type, les gens éprouvent des difficultés à soumettre perpétuellement leurs intérêts à ceux de la communauté. A cela s’ajoute le découragement dé aux difficultés matérielles, la misère quotidienne persistante et l’absence de perspectives d’avenir encourageantes [116].
Tous ces points sensibles transparaissent très bien dans les remarques faites dans le journal d’Eugène Gaspard Marin lorsque quelqu’un quitte la communauté. Par exemple lorsque Félix Springael s’en va avec sa famille, le 11 février 1907, Eugène Gaspard Marin les qualifie de révoltés “ dont toute la révolte procède des idées de haine et de vengeance” et les considère comme dangereux parce que ces sentiments se manifestent à tous propos envers n’importe qui. Selon lui, Félix Springael et les siens ne supportaient pas les gens qui étaient plus actifs qu’eux ou qui ne partageaient pas leurs idées. Et il se demande : “ Quelle part leurs principes et nos difficultés matérielles ont-elles eu dans l’aigrissement de leur caractère et leur manque de bonne volonté et de bonne camaraderie envers les autres colons, c’est pour nous une bien grave énigme” [117]. Ailleurs, il souligne encore le danger “ que constituait la présence d’un tel homme parmi nous, d’un germe aussi morbide dans un embryon encore aussi jeune et aussi frêle que le nôtre” [118].
A ces problèmes spécifiques à la vie communautaire, s’ajoutent des problèmes très communs : il s’agit des problèmes relatifs aux couples. Ceux-ci ne concernent à priori pas les membres de la communauté, mais, de par la promiscuité, ils affecteront l’ensemble de la colonie. Au mois de juillet 1907 par exemple, Antoine Mathay et Jeanne Martin se disputent régulièrement parce que lui veut un autre enfant et elle non. Après un mois de discussions incessantes, ils se séparent et Antoine Mathay part à Paris dans le but d’ouvrir un magasin de chaussures. Plus tard, il réclamera son fils Gustave qui partira également à Paris [119] . L’humeur des colons sera encore plus atteinte par le couple Emile Chapelier -Valentine David. Emile Chapelier avait introduit Laurence Leclercq (actrice) à la colonie parce qu’il avait une liaison avec elle. Valentine David s’en doutait et manifestait sa jalousie et Emile Chapelier lui reprochait de le jeter dans les bras d’une autre. Il mettra ses désirs en scène dans une pièce de théâtre intitulée L’Amour en Liberté. Les acteurs y jouent leurs propres rôles et à la fin de l’histoire, Valentine unit elle-même les deux autres parce qu’elle comprend que l’amour libre est ce qu’il y a de mieux. C’était un moyen, pour Emile Chapelier de justifier à l’avance sa liaison avec Laurence. Cependant, jouer cette pièce est une situation pour le moins difficile pour Valentine et embarrassante pour Laurence, si bien qu’au mois de décembre, Valentine voudra partir. “ La situation est intenable” écrit alors Eugène Gaspard Marin dans son journal. Chapelier oblige Valentine à rester et à dormir avec lui et Laurence [120]. Peu importent les péripéties suivantes [121]. Eugène Gaspard Marin interviendra auprès des protagonistes pour tenter de trouver une solution mais il s’en repentira : “ Tout ceci commence singulièrement à m’écoeurer et je regrette fort de m’en être occupé jusqu’ici” [122]. La situation persiste jusqu’au mois de février 1908 [123] et, après de multiples épisodes finit par éclater ; le 12, Eugène Gaspard Marin a une discussion avec Emile Chapelier : “ Indigné de voir jusqu’où ce mâle a pu aller pour conserver auprès de lui contre son gré une femme dont il se sait à présent haï, je lui signifie ma résolution de quitter la colonie car je ne vois plus en lui qu’un intrigant cabotin sans dignité ni conscience anarchiste, et je ne puis sanctionner plus longtemps sa conduite par ma présence auprès de lui. Il me répond par sa propre démission et me certifie que ni lui ni ‘sa’ femme [Valentine] ne remettraient plus les pieds à la maison commune” [124]. Le jour suivant, Emile Chapelier change d’avis et veut rester mais tous les colons lui signifient leur décision de démissionner. Il décide alors de quitter la colonie et Valentine fait de même (et rejoint Antoine Mathay à Paris) [125]. Peu après, Marcel Byllon “ est averti qu’il est traqué comme étranger et qu’il n’a que le temps de partir s’il ne veut être expulsé” [126]. Eugène Gaspard Marin et Jeanne Martin sont dès lors les seuls à rester encore à la colonie.
Suite :
06. Chapitre 2 : Eugène Gaspard Marin et l’Université Nouvelle.
08. Chapitre 4 : L’originalité du travail anthropologique d’Eugène Gaspard Marin.
[1] J. C. PETITFILS, La vie quotidienne des communautés utopistes au 19e siècle, Paris, 1992, p. 15.
[2] “ Ce fut l’erreur d’un grand nombre d’anarchistes, au début du mouvement, de croire la révolution imminente et
de ne pas envisager le long effort de préparation qui doit la précéder” écrit Emmanuel Tesch dans la préface qu’il consacre à la brochure d’Emile Chapelier intitulée Une colonie communiste. Comment nous vivons et pourquoi nous luttons, Stockel, 1906, p. 3.
[3] Ibidem, p. 10.
[4] M. STEINBERG, op. cit., p. 3.
[5] J. C. PETITFILS, La vie quotidienne des communautés utopistes au 19e siècle, Paris, 1992, p. 15.
[6] “ Ce fut l’erreur d’un grand nombre d’anarchistes, au début du mouvement, de croire la révolution imminente et de ne pas envisager le long effort de préparation qui doit la précéder” écrit Emmanuel Tesch dans la préface qu’il consacre à la brochure d’Emile Chapelier intitulée Une colonie communiste. Comment nous vivons et pourquoi nous luttons, Stockel, 1906, p. 3.
[7] Ibidem, p. 10.
[8] M. STEINBERG, op. cit., p. 3.
[9] Publiés dans L’Insurgé, 3e année, n¡40-41, 14 octobre 1905, pp. 3-4.
[10] A. LORULOT, La colonie libertaire de Saint-Germain, Saint-Germain-en-Laye, 1908, p. 5.
[11] Journal d’une colonie, p. 16.
[12] J. C. PETITFILS, op. cit., pp. 305-307.
[13] Ibidem, pp. 61-62.
[14] E. CHAPELIER, Une colonie communiste. Comment nous vivons et pourquoi nous luttons, Stockel, 1906, p. 5.
[15] J. C. PETITFILS, op. cit., p. 10.
[16] E. CHAPELIER, op. cit., p. 9.
[17] E. CHAPELIER, Une colonie communiste..., op. cit., p. 27.
[18] Journal d’une Colonie, p. 6.
[19] Ibidem, p. 10.
[20] Cf. infra.
[21] Nous ignorons d’où pouvaient provenir les 22.000 francs restants : peut-être arrivaient-ils à réunir cette somme après avoir vendu une grande partie de leurs biens. Ou peut-être Eugène Gaspard Marin avait-il mis à disposition de la colonie de l’argent qu’il aurait reçu de son père. Mais rien n’est moins sûr.
[22] Journal d’une colonie, p. 12.
[23] Ibidem, p. 16.
[24] Ibidem, pp. 19-20.
[25] Ibidem, p. 9.
[26] Ibidem, p. 10.
[27] E. CHAPELIER, “ Nouvelles de la colonie”, in : L’Insurgé, 4e année, n¡16-17, 28 avril 1906, p. 3.
[28] Journal d’une colonie, p. 20.
[29] Emile Chapelier, “ Nouvelles de la colonie”, in : L’Insurgé, op. cit., p. 3.
[30] Journal d’une colonie, p. 17.
[31] Ibidem, p. 22.
[32] Cf. infra.
[33] Journal d’une colonie, p. 39.
[34] Ibidem, p. 40.
[35] Nous en verrons les raisons par la suite.
[36] Journal d’une colonie, p. 17.
[37] Ibidem, p. 17.
[38] Ibidem, p. 26.
[39] Ibidem, p. 52.
[40] Ibidem, p. 12.
[41] Ibidem, p. 20.
[42] Ibidem, p. 17.
[43] L’Insurgé, op. cit., p. 3.
[44] Journal d’une colonie, p. 17.
[45] Ibidem, p. 20.
[46] L’Insurgé, op. cit., p. 3.
[47] Voir annexe no. 3. L’une d’entre elles (A 43/62) représente les colporteurs en train de vendre les journaux, brochures et assiettes. Sur une autre(A 43/63), l’on peut voir Eugène Gaspard Marin occupé à peindre les assiettes.
[48] Journal d’une colonie, p. 27.
[49] Cf. infra.
[50] Journal d’une colonie, p. 23.
[51] Nous avons vu qu’ils avaient été contraints d’abandonner l’aviculture et que leur nouveau terrain était plus petit, ce qui implique qu’ils devaient acheter tous les légumes qu’ils ne produisaient plus eux mêmes.
[52] Journal d’une colonie, p. 39.
[53] Ibidem, p. 43.
[54] Ibidem, p. 44.
[55] Ibidem, p. 45.
[56] Ibidem, p. 45.
[57] Ibidem, p. 47
[58] Ibidem, p. 48.
[59] Ibidem, p. 49.
[60] Ibidem, p. 52.
[61] Ibidem, p. 53.
[62] R. BIANCO, "Un siècle de presse anarchiste d’expression française dans le monde (1880-1983)", Doctorat d’Etat, Université de Provence, 7 vol., Aix-en-Provence, 1987, Répertoire des périodiques anarchistes de langue française, vol. 2, p. 1113.
[63] Surtout si l’on se réfère au format du journal qui correspond au format des autres journaux imprimés au sein de la colonie : il fait 18 ✕ 28 cm et comprend 4 pages.
[64] Exécutés par Antoine Mathay, membre de la communauté depuis le 1er août 1906. Journal d’une colonie, p.57.
[65] Cf. papier à en-tête de la colonie (voir annexe no. 2).
[66] Cf. infra.
[67] Journal d’une colonie, p. 75.
[68] A. LORULOT, Une expérience communiste. La colonie libertaire de St. Germain, St. Germain-en-Laye, 1908, p. 8. Et plus loin, il décrit en détail l’état de la maison : “ Eloignée de toutes commodités, privée d’eau, vouée aux
plus grands froids et à une continuelle humidité, la ferme est inhabitable ; la pluie pénètre partout par les toits ruinés, les murs chancellent, les plafonds s’effritent”, p. 13.
[69] J. C. PETITFILS, La vie quotidienne des communautés utopistes au 19e siècle, Paris, 1982, p. 85.
[70] R. BIANCO, op. cit., Annexes au répertoire, p. 300.
[71] Voir en annexe (n¡2) le contrat de location de la maison située rue Verte 57, conclu à Watermael-Boitsfort le 15
octobre 1906.
[72] J. C. PETITFILS, op. cit., pp. 175-176.
[73] Ibidem,, p. 178.
[74] Ibidem, p. 182
[75] F. JOURDAIN, “ Né en soixante-treize : la colonie d’Aiglemont”, in : Europe, 54, juin 1950, pp.71-77, p. 72.
[76] Ibidem, p. 73.
[77] Ibidem, p. 76.
[78] Journal d’une colonie, p. 6
[79] Ibidem, pp. 1-4.
[80] M. STEINBERG, “ A l’origine du communisme belge : l’extrême gauche révolutionnaire d’avant 1914”, op. cit., p. 15.
[81] J. DE MEUR, L’anarchisme en Belgique ou la contestation permanente, Bruxelles, 1970, pp. 57-60. Il convient également de ne pas prendre ces informations au pied de la lettre. L’ouvrage de De Meur n’est en effet pas caractérisé par une rigueur historique exemplaire et dans le chapitre qu’il consacre à Emile Chapelier, quand il parle de la colonie, il donne quantité d’informations erronées. Ainsi, Gassy Marin devient “ Gasmarine”, et, pour prendre l’exemple le plus truculent, il y aurait même eu “des débuts d’expériences nudistes” à la colonie (p. 55) !! Cette information est absente de toutes les sources, y compris des critiques les plus acerbes de la communauté.
[82] Journal d’une colonie, pp. 4-6.
[83] Ibidem, pp. 6-7.
[84] Ibidem, pp. 12-13.
[85] Ibidem, pp. 13-14 et 16.
[86] Ibidem, p. 15.
[87] Ibidem, p. 49.
[88] Ibidem, p. 17.
[89] Ibidem, p. 19.
[90] Ibidem, p. 30.
[91] Ibidem, p. 56.
[92] Pièce d’Emile Chapelier dont nous reparlerons plus loin.
[93] Journal d’une colonie, p. 55 et p. 60.
[94] Ibidem, p. 62.
[95] Ibidem, p. 10 et p. 12.
[96] Ibidem, p. 21.
[97] Ibidem, p. 30.
[98] Ibidem, p. 55 et p. 57.
[99] Ibidem, p. 56.
[100] A. LORULOT, op. cit., p. 6.
[101] Numéro du vendredi 20 juillet 1906, p. 1, suite à la visite d’Emile Vandervelde à la colonie.
[102] Journal d’une colonie, p. 5.
[103] J. C. PETITFILS, op. cit., p. 196.
[104] Ibidem, p. 64.
[105] Carte A 43/64.
[106] G. MARIN et E. CHAPELIER, Les anarchistes et la langue internationale espéranto, Paris, 1907 (brochure dont nous reparlerons plus tard).
[107] Voir annexe no. 2 : contrat relatif à la vente de matériel d’imprimerie, conclu entre E. G. Marin d’une part et J. T. Mosda et T. Crèvecoeur d’autre part, le 21 avril 1907 à Bruxelles.
[108] Journal d’une colonie, p. 15.
[109] Ibidem, p. 16.
[110] Ibidem, p. 27.
[111] Cf. infra.
[112] Cf. supra.
[113] Journal de la colonie, p. 48.
[114] Ibidem, p. 67.
[115] Ibidem, p. 15.
[116] J. C. PETITFILS, op. cit., pp. 259-260.
[117] Journal d’une colonie, p. 49.
[118] Ibidem, p. 54.
[119] Ibidem, p. 55 et p. 57.
[120] Ibidem, pp. 61-62.
[121] Racontées en détail dans la dernière partie du journal de la colonie.
[122] Journal d’une colonie, p. 66.
[123] A la date du 10 février, Eugène Gaspard Marin fait part, dans le journal, de toute son exaspération ; p. 68.
[124] Journal d’une colonie, p. 74.
[125] Ibidem, p. 74.
[126] Ibidem, p. 77.