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LUCK, Simon.– Sociologie de l’engagement libertaire dans la France contemporaine.
Socialisations individuelles, expériences collectives et cultures politiques alternatives
Thèse de science politique soutenue publiquement le 17 octobre 2008
à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Cette thèse ambitionne de faire la sociologie d’un mode d’engagement qui est aussi une forme de rapport spécifique au politique : le militantisme libertaire. Entendu au sens large, il s’agit de l’engagement dans des organisations horizontales (dépourvues de hiérarchie), autonomes des institutions de la démocratie représentative et pratiquant l’action directe (de la manifestation traditionnelle aux occupations et autres squats). C’est à travers l’étude des socialisations successives des militants (primaires, au sein de la famille, puis secondaires, dans les groupes de pairs et dans le collectif militant) qu’est envisagée la formation et le renforcement des dispositions des militants à l’investissement dans une organisation libertaire ainsi que leur acquisition progressive d’une culture politique et d’un rapport au politique spécifiques. Ces différentes socialisations contribuent à faire s’éloigner, au sein de la nébuleuse libertaire, les militants anarchistes et les activistes de la gauche radicale et alternative, qui développent des conceptions différentes de ce que doivent être l’action politique et ses finalités.
Bien que les différents militants partagent un rapport de défiance vis-à-vis de la politique institutionnelle et un mode d’engagement très individualiste, ils se séparent en effet clairement par les représentations et les identifications qu’ils développent. Les anarchistes se retrouvent dans une culture héritée et organisée autour de références historiques et d’un projet idéologique explicite, alors que les radicaux entendent construire de façon autonome et déshistoricisée leur action politique. Ces cultures influencent en outre les rapports individuels aux collectifs et donc la stabilité des engagements. Ceux-ci se révèlent d’autant plus durables qu’ils sont davantage basés sur une cause et une identification fortes. La dimension historique de la culture anarchiste s’incarne dans un attachement à un projet révolutionnaire, ainsi qu’à une organisation ancienne et pérenne, qui contraste avec la jeunesse des collectifs de la gauche radicale, dont le caractère parfois éphémère renvoie à l’inscription du militantisme de leurs membres dans l’immédiateté. Mais qu’ils s’inscrivent ou non dans une perspective de long terme, les engagements des uns et des autres semblent intrinsèquement fragiles, car fortement dépendants d’une dynamique militante et de rétributions affectives permettant de surmonter l’antinomie entre discipline collective et aspiration à l’autonomie personnelle.
En dépit de leurs importantes similitudes, anarchistes et radicaux se retrouvent dans des systèmes de signification distincts qui entraînent une méfiance ou des incompréhensions réciproques et rendent difficile leur collaboration.
lire la thèse :
Merci à Simon H. pour nous avoir signalé cette publication.
Documents joints
Sociologie_engagement_libertaire_-_Luck_-_Public