COLOMBO, Eduardo. "Du pouvoir politique"

"Du pouvoir politique. I. Le pouvoir politique. II. Le pouvoir et le politique". In Réfractions N° 7, Paris (automne, hiver 2001)

COLOMBO, Eduardo. Médecin et psychanalyste, militant anarchiste, membre de la CNT française et ancien membre de la FORA. Bibliographie pouvoir — dominationCOLOMBO, Eduardo. Médecin et psychanalyste, militant anarchiste, membre de la CNT française et ancien membre de la FORA. Bibliographie

Selon un commentateur du xviie siècle de Tacite :
« Le sujet qui délibère s’il se révoltera est déjà criminel d’État. » [1]
Et Pascal pensait que : « Il est dangereux de dire au peuple que les lois ne sont pas justes [...], il lui faut dire en même temps qu’il faut obéir parce qu’elles sont lois, comme il faut obéir aux supérieurs, non parce qu’ils sont justes, mais parce qu’ils sont supérieurs. » [2]
Il ne faut pas chercher les fondements de la loi et des coutumes établies, « en sondant jusque dans leur source, pour marquer leur défaut d’autorité et de justice », il ne faut pas montrer au peuple la vérité de l’usurpation « si on ne veut qu’elle ne prenne bientôt fin » [3]. Toujours en défense des pouvoirs établis, un blâme à été jeté contre la curiosité intellectuelle. Les puissants et leurs suppôts ont voulu de tout temps entourer de mystères la réalité du pouvoir. Arcana imperii.
Comme nous ne voulons pas prévenir la sédition, mais la propager. Comme nous ne voulons pas préserver les États, mais les bouleverser. Comme nous savons, nous aussi, que tout branle avec le temps, nous insistons pour analyser le pouvoir dans la réalité des institutions par lesquelles il existe, dans les secrets de sa reproduction symbolique, dans l’entêtement à obéir que la coutume établie nous fait attendre des sujets du « prince ».
Si le pouvoir politique moderne, étatique, rationnel, impersonnel dans son principe, apparaît comme un fait massif, inattaquable, omniprésent, consubstantiel à toute politique, inscrit dans la continuité sociale et culturelle, nous ne devons pas oublier que cette continuité doit se réinventer pour chaque individu, pour chaque génération ; qu’il y a toujours eu des rebelles et des réfractaires et que le pouvoir n’abandonne pas à l’inertie de ce qui existe la transmission de ses valeurs autoritaires et hiérarchiques. Pour entretenir et transmettre un système de valeurs centrées sur le pouvoir politique, ceux qui commandent doivent prendre la peine d’être constamment sur le qui vive.

[1Tacite Publius Cornelius Tacitus (55-120). Cité par Jean-Pierre Chrétien-Goni, Institutio arcanae, in D. Lazzeri et D. Rynié, Le Pouvoir de la raison d’État, PUF, Paris, 1992, p. 138.

[2Blaise Pascal, Pensées, Jean de Bonnot, Paris, 1982, p. 134.

[33. Ibid., pp. 124-125.