"Jacques Derrida était de cette race de philosophes pour qui l’exercice de la pensée ne s’entendait pas sans la critique systématique de tous les pouvoirs. Non pas seulement le pouvoir politique, ce qui n’est pas tellement rare ni difficile, mais celu, insidieux et subreptices des idées reçues, des moeurs, des "valeur" régnantes, des ententes majoritaires, des consensus rampants. Ses prises de position récentes, en faveur du mariage homosexuel ou même de l’idée de mariage civil tout court qu’il proposait de remplacer par celle d’un " pacs" généralisé entre deux ou plusieurs personnes, de quelque sexe qu’elles soient, sa lumineuse défense d’une hospitalité" hyperbolique"déjouant l’hypocrisie de toute mesure juridique, son démontage de la comédie des tribunaux internationaux et autres, sa défense enthousiaste de l’amitié, - etc., car il a traité de tout ce à quoi nous tenons et nous inquiéte -, l’ont placé aux côtés de Michel Foucault, de Gilles Deleuze, de Felix Guattari de François Châtelet de Jean-François Lyotard, de Pierre Bourdieu, ces défenseurs inconditionnels de la liberté de l’esprit, ces anarchistes de coeur, sinon toujours d’expression, qui malheureusement sont en passe de disparaître. Souhaitons qu’il n’ait pas été le dernier à maintenir haut le sens de la philosophie si fréquemment galvaudée aujourd’hui par ceux qu’Emmanuel Kant appelait les " moralistes politiques", les supporters avisés de l’ordre régnant et de ses agents en place."
René Schérer