Grubacic, Andrej. Stratégies pour le contrôle citoyen

Porto Alegre,26 Janvier 2003

Société. Manifestations Société. Altermondialisation GRUBACIC, Andrej

Nous ne nous opposons pas aux réseaux globaux. Nous ne nous opposons pas au commerce. Nous nous opposons aux relations globales qui renforcent le pouvoir de gigantesques entreprises et affaiblissent des nations et des populations entières.
Notre vague d’activisme a émergé de et s’est ajoutée à une prise de conscience toujours croissante dans des dizaines de pays du monde entier. Notre désaccord s’est concentré non seulement sur la pauvreté, la privatisation, la finance à la recherche du profit et le déséquilibre du commerce, mais aussi contre des institutions spécifiques comme le FMI, la Banque mondiale et l’OMC. En se concentrant sur ces points, nous nous sommes non seulement ralliés contre l’injustice, mais contre des causes institutionnelles importantes de l’injustice, ce qui, en y pensant, nous a inexorablement mené à penser aux relations critiques de la possession capitaliste, des allocations du marché, de la distribution des revenus et de la prise de décisions non-démocratique.
Notre projet, émergeant et grandissant, d’anti-globalisation, est, en d’autres termes, un mouvement radical qui a le potentiel de s’attaquer à la racine de problèmes économiques et sociaux d’importance fondamentale. Et nous n’avons pas seulement une conscience croissante anti-FMI, anti-OMC, anti-Banque mondiale et anti-grandes entreprises, mais nous nous trouvons aussi face à un militantisme accru, une colère et un engagement contre cette conscience, ainsi qu’une solidarité croissante au-delà des pays et des continents. En est témoin votre conférence et son public diversifié, de Grèce, comme de France, d’Italie et d’autres pays européens. En témoigne également Porto Alegre avec un public de plus de dix mille activistes, issus d’un millier d’organisations du monde entier.
Tout ceci est très puissant. Et très prometteur. Et bien sûr, bienvenu. Il a fallu beaucoup de temps pour que ça arrive. Et nous devrions fêter et construire sur ces bases.
Nos mouvements ont évidemment des valeurs auxquelles nous aspirons – justice, équité, solidarité, diversité, démocratie et participation – mais lorsque les média dominants affirment que nous n’avons pas de réponses pour ce que nous voulons vraiment en lieu et place des relations existantes, ils ont largement raison. Très peu de ceux qui se battent pour une globalisation différente pourraient répondre de façon convaincante à un journaliste ou même à un passant, un ami ou un proche qui lui dirait, " OK, je sais que tu n’aimes pas les profits privés, tu n’aimes pas les grandes entreprises, tu n’aimes pas la hiérarchie, tu n’aimes pas la concurrence du marché et du commerce, mais qu’est-ce que tu aimes ? Comment veux-tu obtenir que l’économie se fasse, mais sans tous ces aspects que tu rejettes ? Nous avons besoin de ces aspects, sinon la vie sera pire. ” C’est une bonne question et évidemment le sous-entendu est “ puisque tu n’as pas d’alternative à proposer, cesse de glander et rejoins la grande parade du libre-échange."
C’est justement l’argument TINA – acronyme de There Is No Alternative (il n’y a pas d’alternative) – de Margaret Thatcher. Et bien entendu nous savons que TINA est une idiotie à plus d’un égard. Tout d’abord, produire et allouer en créant des divisions de classes, en imposant une pauvreté affreuse à la majorité et en offrant des richesses obscènes à la minorité, en pillant l’environnement, en réduisant les biens publics et en produisant un individualisme antisocial, et en offrant un travail indigne à la majorité pour réserver à une minorité de façon disproportionnée le pouvoir de prendre les grandes décisions, tout ceci ne permet pas que “ l’économie se fasse ”. C’est au contraire profiter d’enrichir la minorité aux frais de la majorité. L’économie devrait au contraire viser à la production, la consommation et l’allocation tout en développant simultanément la solidarité, l’équité, la diversité et l’autogestion, en satisfaisant les besoins et en développant les potentiels de tous les travailleurs et consommateurs, plutôt qu’en pervertissant tous ces objectifs. C’est là une “ économie” différente et valable, contrairement à celle de Thatcher.
Une seconde raison qui montre que TINA est un mensonge est le fait que dire simplement “ Il n’y a pas d’alternative ” - que vous soyez Margaret Thatcher frondant pour le capital, ou un riche docteur cherchant un alibi pour son propre excédant de richesse ou un travailleur pauvre déçu par une propagande sans fin – n’est pas la même chose que de faire une étude où aucune alternative n’est possible. Mais, bien que nous sachions que TINA est illogique et immoral, nous devons cependant admettre que l’affirmation selon laquelle il n’y a pas d’alternative est puissante, parce que Thatcher a raison car la plupart d’entre nous n’a en fait pas une vision bien conçue à offrir, et parce que sans vision positive, nos mouvements semblent négatifs de façon disproportionnée et peu attrayants dans leur ton pour la plupart des gens hors de nos organisations, et parce sans vision, nous laissons les personnes qui s’impliquent dans nos efforts sans espoir à long terme leur engagement est si faible qu’ils sont prédisposés à la critique ou au doute et sont dans l’incapacité de parer les critiques.
Le fait que nous n’ayons pas une vision claire à opposer à TINA affaiblit notre portée car, en vérité, la plupart des gens ne sont pas prêts à tout abandonner pour devenir radicaux sans savoir où va les mener ce radicalisme ; et parce que la plupart des gens ressent, au fond, que rien de mieux n’est possible pour définir des institutions et par là même tout ce que nous gagnerons par ces mouvements sera rapidement dispersé et détourné au profit d’une élite, de sorte que, si nous ne présentons pas un bon argument pour quelque chose qui soit meilleur de façon systémique, les gens seront cyniques et ne se rebelleront probablement pas.
Il ne s’agit pas d’une théorie profonde, bien entendu. C’est une évidence lorsqu’on parle aux gens normaux, à force de les entendre répéter : que voulez-vous ? et à force de voir leur manque d’intérêt pour des réponses vagues, pleines de valeurs mais institutionnellement stériles.
Le slogan de Porto Alegre, “ un autre monde est possible ” indique la conscience croissante du besoin d’une vision pour nos mouvements. Mais nous devons concrétiser cet excellent sentiment en objectifs institutionnels réels en fournissant une description claire d’un mode de rémunération différent de celui qui récompense le pouvoir des négociations ou de la production et d’un type d’organisation des lieux de travail différent de celui de la division hiérarchique du travail qui élève certains en donneurs d’ordres et subordonne les autres en receveurs d’ordres, et un type d’allocation différent de celui qui crée une compétition visant à se filouter l’un l’autre, et un type de prises de décision différent de celui qui accorde le pouvoir à la propriété et à ceux qui monopolisent les positions d’élites.. Et ces nouveaux buts positifs que nous affirmeront devront avoir assez de substance pour convaincre ceux qui doutent et offrir l’espoir véritable qu’il existe un chemin valable pour organiser nos économies au-delà du profit, de la propriété, des corporations et des marchés, à ceux qui souffrent des maux de ces systèmes. Cette vision n’est pas pour le futur. Nous en avons besoin maintenant si nous voulons nous étendre pour accueillir et surtout garder de nouvelles sections d’activisme, et par conséquent si nous avons assez de force pour obtenir des résultats immédiats, nous finirons sans doute quelque part où nous serons très contents d’arriver..
Le deuxième facteur qui limite nos succès d’organisation post-Seattle, au-delà de notre manque de vision à long terme qui peut nous inspirer et nous orienter pour éradiquer le cynisme en nous donnant un ton positif, est le fait que nous manquons également de programme partagé à court terme.
Dans ce cas, on ne peut dire que nous n’avons pas du tout de programme à court terme. Au contraire nous avons une pléthore de demandes et de projets actuellement. Nous avons la taxe Tobin et d’autres taxes. Nous avons les restrictions sur les accords de commerce. Nous avons des adaptations ou abolitions du FMI et de l’OMC. En fait, nous avons toutes sortes de demandes diverses pour un changement valable, qu’il soit national ou international. Mais le fait est que, tout en ayant un large choix de très bons objectifs immédiats, nous n’avons pas d’unité à propos de ces buts. Nous devons encore synchroniser nos calendriers à court terme. Nous n’avons pas combiné nos forces autour d’un sous-ensemble convenable parmi tous les buts immédiats possibles, même si l’on garde les autres opérationnels également. Il en résulte que les gens entrent dans nos mouvements et après quelque temps, ils sont désabusés par le manque de stratégies pour canaliser leurs énergies et par conséquent par le manque de résultats obtenus.
Je pense que cela ne se produit pas simplement parce qu’il est difficile d’atteindre l’unité, mais aussi parce que nos mouvements actuels cherchent littéralement à éviter une large unité. Ils n’essaient même pas d’y parvenir. Pourquoi ? Je pense que beaucoup d’entre nous croient que la recherche de l’unité risque de virer à l’autoritarisme et au sectarisme. Cette peur de devenir autoritaire ou régimenté gêne aussi notre élaboration d’une vision à long terme qui peut être partagée. Il y a toutefois une ironie contre-productive dans cette peur de l’accord. Tous nous revendiquons la participation, la démocratie et la diversité et nous rejetons l’autoritarisme et le sectarisme – mais nous affirmons aussi croire dans la sagesse des gens normaux pour parvenir à des objectifs et des moyens valables. Mais ce qui est ironique est le fait que, au plus profond de nous, il semble que beaucoup d’entre nous pensent apparemment que les gens normaux, nous y compris, ne peuvent en fait pas atteindre l’unité et la cohésion dans nos efforts, sauf en se soumettant à une stricte direction. C’est-à-dire, soit la participation et la démocratie, soit l’unité, mais pas les deux à la fois.
Nos opposants disent qu’il ne peut y avoir de cohésion sans une autorité unique et ils utilisent cet argument pour préserver leur propre autorité. Nous semblons être d’accord avec eux sur le fait qu’il ne peut y avoir une unité sans autorité unique et ensuite nous rejetons l’autoritarisme et nous utilisons aussi cela comme un argument contre la recherche de l’unité. Nous affirmons même que l’unité n’est pas importante, comme s’il était possible de gagner une bataille stratégique sans avoir de plan de bataille partagé, ou de créer un nouveau monde sans avoir une vision forte de ce que devrait être ce nouveau monde.
Mon deuxième point est donc très simple. Pourquoi ne pouvons-nous donc pas tous participer et naviguer démocratiquement vers un programme partagé ? Pourquoi est-ce que notre solidarité autour d’un programme partagé ne pourrait-elle pas être unie à un respect mutuel pour les divergences continues de priorité et de perspective qui concernent les problèmes supplémentaires ? Pourquoi l’unité, la diversité, la solidarité et l’autonomie ne seraient-elles pas compatibles ? Je crois que sans ces réalisations, nos mouvements progresseront, mais ils n’accéléreront pas.
Le troisième facteur qui limite les réussites de nos organisations balkaniques a été un problème tactique plus qu’un aspect visionnaire ou programmé. Pour obtenir des réformes à n’importe quelle échelle, surtout des réformes non-réformistes qui nous laissent dans une bonne position pour obtenir encore des résultats, nous devons appliquer une pression extrême sur les hommes au pouvoir qui sont capables de satisfaire nos demandes. Nous devons augmenter les coûts sociaux des élites à tel point qu’ils décident que céder est la meilleure issue. Cela sera nécessaire pour changer les accords commerciaux ou pour éliminer le FMI, c’est exactement ce qu’il faut pour obtenir des hausses de salaires ou de nouvelles lois luttant contre le sexisme et autres. Les élites ne réagissent pas selon la raison ou la morale. Ils réagissent à des mouvements qui causeraient plus de dommage à leurs intérêts si elles ne cédaient pas.
Nous arrivons maintenant à la partie problématique. Quel est le coût social que les élites trouveront onéreux et qui, si nous l’agrandissons suffisamment, causera leur renoncement ? La réponse est que si leurs politiques de globalisation semblent produire des mouvements qui ne s’opposent pas seulement à la globalisation mais aussi aux affaires courantes et qui semblent capables de grandir sans limites, alors les élites renonceront aux questions de globalisation. Plusieurs tactiques peuvent permettre de construire de tels mouvements et de montrer aux élites l’existence d’une trajectoire de croissance de tels mouvements, en leur faisant ainsi prendre conscience et finalement les faire fléchir. Quelles tactiques ? Des tactiques qui poussent toujours plus de monde à ne plus être d’accord. Et des tactiques qui renforcent l’engagement de ces dissidents et qui révèlent le militantisme croissant et l’énergie dans la construction continue du mouvement.
Les rassemblements en font partie. Les séminaires en font partie. La désobéissance civile en fait partie. Mais le point principal est qu’il est contre-productif de choisir des tactiques et de planifier des événements et les réaliser d’une manière qui empêcherait les nouveaux membres de participer. Et c’est malheureusement ce qui s’est produit aux Etats-Unis et peut-être aussi ailleurs.
Nous en sommes à un point où dans mon pays, les manifestations sont en général définies comme des événements pour des activistes très engagés qui peuvent faire de longs voyages pour arriver sur le lieu de l’événement, prêts à courir dans les rues et à supporter les matraques et les gaz lacrymogènes pendant les manifestations, prêts à passer du temps en prison par la suite. De sorte que l’âge moyen des manifestants baisse, le nombre de manifestants qui ont des enfants, dont ils doivent s’occuper, baisse, le nombre des manifestants qui ont un travail où ils ne peuvent prendre un jour de congé baisse, le nombre de manifestants qui font partie de groupes pour lesquels la police représente une menace de vie ou de mort qui doit être évitée à tout prix baisse et le nombre de manifestants qui commencent tout juste à se mettre en colère mais ne sont pas encore entièrement sûrs de leurs points de vue et ne sont certainement pas encore prêts à enfreindre les lois baisse.
Dans les Balkans, nous avons donc des manifestations anti-globalisation et autres qui sont de plus en plus formées de jeunes militants, professionnels des manifestations et de moins en moins formées de nouvelles personnes provenant de divers horizons. Bien entendu, la présence de nouveaux jeunes politiquement sophistiqués, dévoués, prêts à voyager et à enfreindre les lois, n’est pas une mauvaise chose. C’est très bien.
Mais au-delà de cette bonne volonté, il est très troublant que de nombreux participants à ces événements pensent actuellement qu’organiser une manifestation signifie téléphoner à ses amis et les attirer de très loin pour participer, mais sans parler à leurs voisins, leurs colocataires ou leurs collègues de travail, qui eux ne sont pas encore prêts à s’opposer à la globalisation.
En d’autres termes, nous avons un mouvement qui dépasse sa base et qui, dans certains cas est même fier de cela – bien que ce soit contre-productif. Est-ce que la réponse est de se débarrasser de la désobéissance civile et l’activisme ? En aucun cas.
La désobéissance civile donne une limite à l’activisme. Elle dit aux élites qu’il existe une trajectoire de dissidence qui menace le statu quo. Et pour nous, la désobéissance civile emmène les gens le long d’une trajectoire d’engagement durable. Mais tout en poursuivant la désobéissance civile, nous devons réaliser qu’elle n’est pas l’attribut définissant notre mouvement ou nos manifestations. Aucune tactique ne peut l’être. Au contraire, le nombre de personnes qui participent sans enfreindre la loi et le nombre de ceux qui ne participent même pas, mais qui sont de plus en plus ouverts à nos idées sont d’importance au moins égale si ce n’est plus, à celui de ceux qui désobéissent civilement. Et si le nombre de nouveaux participants n’augmente pas, nous ne représenteront donc pas une menace grandissante et notre désobéissance civile ne marquera plus une trajectoire de coût social grandissant.
De plus, nos manifestations ne doivent pas former la partie principale du travail de notre mouvement. Oui, elles sont la partie la plus visible de ce que nous faisons. Mais le point principal devrait être ce que nous faisons entre deux événements. Et pendant que le cœur engagé des activistes soutient et se nourrit entre les événements, en s’appréciant, le cœur de ces activistes énergiques et informés devrait chercher à atteindre ceux qui ne se sont pas engagés, qui ne manifestent pas encore et dans de nombreux cas qui ne savent même pas dans quel but sont organisées ces manifestations. Et ce cœur d’activistes énergiques doit fournir des possibilités aux nouvelles personnes afin qu’elles s’engagent à différents niveaux de participation tous bienvenus qui n’impliquent pas de devenir instantanément un activiste professionnel du mouvement de manifestation après avoir été entièrement hors de ce mouvement.
Ceux qui militent à présent n’en sont pas arrivés là sans entendre des informations et des arguments, sans avoir participé pacifiquement à des manifestations avant d’être prêts à courir dans des nuages de gaz lacrymogènes. D’autres qui finiront par participer à la désobéissance civile ont besoin de ces manifestations sûres pour commencer. Et d’autres encore qui, pour toute une série de raisons, ne nageront jamais dans la mer de gaz lacrymogènes, mais qui sont néanmoins absolument critiques envers l’augmentation des coûts sociaux et feront preuve de courage en nous aidant, doivent être les bienvenus dans le processus et doivent représenter le point fort de sa définition et de sa façon de prendre des décisions également.
Mais dans le monde réel, les gens ont besoin d’une vision pour s’orienter, pour l’espoir et pour un ton positif et ils ont besoin d’un programme partagé pour la cohérence, l’unité, le pouvoir qu’il peut apporter, et ils ont besoin d’une approche aux débouchés et aux tactiques multiples, qui réalise constamment que la première priorité est de gagner et retenir et approfondir l’engagement de la prochaine personne qui entrera dans le mouvement et non de la prochaine loi qui devra être enfreinte par ceux qui sont déjà fermement engagés.
Mais dans le monde réel, les gens ont besoin d’une vision pour s’orienter, pour l’espoir et pour un ton positif et ils ont besoin d’un programme partagé pour la cohérence, l’unité, le pouvoir qu’il peut apporter, et ils ont besoin d’une approche aux débouchés et aux tactiques multiples, qui réalise constamment que la première priorité est de gagner et retenir et approfondir l’engagement de la prochaine personne qui entrera dans le mouvement et non de la prochaine loi qui devra être enfreinte par ceux qui sont déjà fermement engagés.
Au niveau des particuliers, il existe de nombreuses stratégies, mais leurs implications détaillées sont liées au temps et au contexte. Il existe aussi, cependant quelques aperçus généraux valables.
La stratégie du mouvement favorisera la révolution économique qui remplace les marchés par une planification participative, des divisions de travail communes avec des complexes de travail équilibrés, etc. On comprendra, dans ce contexte, que le réformisme rejette de tels changements de fond, au lieu de prôner des moyens modestes pour soulager les douleurs quotidiennes. La stratégie n’ira pas jusqu’à transformer une vue raisonnable en un extrême contre-productif. Elle ne confondra pas toutes les réformes avec le réformisme et elle comprendra au contraire qu’il est possible de se battre et d’obtenir des réformes sans révolution de manière à ce que les conditions des peuples et leurs options soient améliorées maintenant et créera aussi des opportunités pour des victoires futures. Cette stratégie comprendra qu’être l’avocat d’une société nouvelle ne justifie pas d’ignorer les douleurs et les souffrances quotidiennes des peuples, mais justifie que lorsque nous travaillons pour s’attaquer à ces maux actuels et pour améliorer les choses maintenant, nous devrions le faire de manière à augmenter notre conscience, à amplifier nos sections et à développer nos organisations, cela afin de mener une trajectoire de changements en cours qui culminera dans des structures économiques et sociales nouvellement définies.
C’est-à-dire, une stratégie du mouvement qui accentuera les séquences de réformes gagnantes qui nous mèneront à de nouvelles institutions et une nouvelle conscience, par exemple la redistribution des taxes, les changements dans les rapports de travail et surtout la division du travail, plus de participation dans les budgets et la prise de décisions sur le lieu de travail, plus d’accès à l’information et de contrôle sur la consommation collective, etc., tout cela de manière à construire des conseils de travail et de consommation qui se créent et se renforcent par des cercles de plus en plus large d’activistes engagés. Les bénéfices seront recherchés de manière à étendre plutôt que limiter les désirs, de sorte que les organisations d’activistes, la fidélité et la prise de pouvoir, nous mènent tous vers des institutions nouvellement définies.
Le point de vue d’un mouvement ne reniera pas les luttes des peuples à court terme pour des augmentations de salaire, la fin de la guerre, l’action affirmative, de meilleures conditions de travail, un budget participatif, un impôt progressif ou radical, une semaine de travail plus courte pour une salaire complet, l’abolition du FMI, ou n’importe quoi d’autre – car il respectera la réalité de la façon dont la conscience et les organisations des peuples se développent par la lutte, et il évitera le mépris agressif des activistes envers les luttes courageuses des peuples qui veulent améliorer leur qualité de vie, un mépris qui corrompt les efforts de construction des mouvements bien sûr.
Troisièmement et finalement, j’espère qu’une stratégie de mouvement tiendra également compte de l’importance de la culture, du genre, des constitutions politiques, de l’écologie, des relations internationales et s’alliera et soutiendra des mouvements qui découlent d’aspirations positives dans chacun de ces domaines et aussi dans le domaine de l’économie