Montaigne et l’âge d’or

utopieZERZAN, John (1943-....). Anarchiste américain. Philosophe primitiviste et auteurPopulation. Indiens d’Amérique SHAKESPEARE, William (1564-1616)MONTAIGNE, Michel Eyguem de (1533-1592)

Montaigne a longuement interrogé des Indiens d’Amérique qu’il eut l’occasion de rencontrer. Il en tire une vision proche de l’utopie, qu’il oppose à la République conservatrice de Platon. Tandis que dans La Tempête, Acte I, Scène II, Shakespeare parodiera ce point de vue à travers le personnage de Gonzalo, John Zerzan poussera l’anarchisme jusqu’à une réflexion sur l’analphabétisme, ou plus exactement l’absence de langage.
Mais donnons la parole à Montaigne :

il me semble que ce que nous voyons par experience en ces nations là, surpasse non seulement toutes les peintures dequoy la poësie a embelly l’age doré, et toutes ses inventions à feindre une heureuse condition d’hommes : mais encore la conception et le desir mesme de la philosophie. Ils n’ont peu imaginer une naifveté si pure et simple, comme nous la voyons par experience : ny n’ont peu croire que nostre societé se peust maintenir avec si peu d’artifice, et de soudeure humaine.
C’est une nation, diroy-je à Platon, en laquelle il n’y a aucune espece de trafique ; nulle cognoissance de lettres ; nulle science de nombres ; nul nom de magistrat, ny de superiorité politique ; nul usage de service, de richesse, ou de pauvreté ; nuls contrats ; nulles successions ; nuls partages ; nulles occupations, qu’oysives ; nul respect de parenté, que commun ; nuls vestemens ; nulle agriculture ; nul metal ; nul usage de vin ou de bled. Les paroles mesmes, qui signifient la mensonge, la trahison, la dissimulation, l’avarice, l’envie, la detraction, le pardon, inouyes. Combien trouveroit il la republique qu’il a imaginée, esloignée de cette perfection ? [1]

[1Michel de Montaigne, Les Essais, 1515. Livre I, chap. XXX "Des cannibales".