14 novembre 2014 Paris.- Colloque international P.-J. Proudhon

PROUDHON, Pierre-Joseph (1809-1865)JOURDAIN, ÉdouardCHAMBOST, Anne-Sophie

P.-J. Proudhon et l’histoire : politique, révolution, anarchie

Université PARIS VIII
2 rue de la Liberté
93526 SAINT DENIS cedex 02

Présentation

« Ce qui nous distingue éminemment c’est, comme nous disons aujourd’hui, notre tendance historique ». En écrivant ces mots en 1827, Michelet n’a pas le sentiment d’apporter un point de vue nouveau ou d’exprimer une découverte : il n’effectue qu’un constat. Il ne s’agit pas seulement de constater un foisonnement des écrits historiques ou l’apparition de considérations historiques dans divers domaines (philosophie, droit, économie…), il s’agit, plus profondément, d’exprimer la conscience aiguë d’appartenir à une époque particulière, c’est-à-dire d’être pris dans l’histoire. La question de savoir ce qui nous distingue, ce que nous sommes, ce dont nous sommes porteurs et ce qu’il convient de faire et de penser passe désormais par une interrogation sur l’histoire.
Au XVIII° siècle, Voltaire avait inventé l’expression de « philosophie de l’histoire ». Herder lui avait répliqué par « une autre philosophie de l’histoire », où l’histoire n’était plus celle des Lumières, c’est-à-dire des élites savantes, mais celle des peuples, des nations et des langues. On n’a jamais autant parlé de « philosophie de l’histoire » en France qu’au temps où Michelet écrit la phrase citée ; ce n’est pas seulement qu’on a fini par découvrir, sinon encore Herder, du moins « l’école historique allemande » dont il est l’un des pères, c’est aussi, et principalement, qu’on hérite nolens volens d’un événement considérable qu’il faut bien qualifier d’historique, la Révolution. Il y a, si l’on met à part ceux qui la refusent en bloc (les « traditionalistes », comme Joseph de Maistre ou Louis de Bonald), ceux qui la jugent essentiellement finie et ceux pour lesquels elle ouvre des horizons qui n’ont pas encore été explorés. La ligne de partage entre les premiers et les seconds n’apparaîtra clairement qu’après 1830. Les premiers (les « libéraux », comme François Guizot ou Victor Cousin) pensent avoir institutionnalisé la Révolution, en se prémunissant contre les débordements qu’elle avait pu occasionner ou qu’elle pourrait encore inspirer : l’histoire est finie, ou du moins doit l’être, sous peine de verser dans l’irrationnel et donc le chaos. Les seconds, plus divers, ont pour caractéristique commune, et négative, d’estimer que le régime bourgeois de la Monarchie de Juillet n’achève pas l’histoire ; ils sont, pour user de termes consacrés, quoique schématiques, républicains ou socialistes.
Parmi ces derniers, il y a Proudhon. Qu’est-ce que s’interroger sur Proudhon et l’histoire ?
Il y a d’abord toute la question des schèmes d’explication ou de compréhension historique dont Proudhon hérite et dont il ne se dégagera qu’à grand peine, ou qu’imparfaitement : ceux de Saint-Simon ou ceux d’Auguste Comte par exemple ; les schèmes qu’il combattra avec la plus grande énergie : ceux des catholiques, ceux aussi de Cousin ou de Guizot ; et il y a ses échanges avec Michelet, dont il tirera l’idée, à vrai dire peu michelettienne, d’une révolution française originellement fédéraliste. Se dessinent de ce côté-là les linéaments d’une lecture spécifiquement proudhonienne de la Révolution.
Il y a ensuite la question du cheminement interne de Proudhon. Il est sûr que le Bisontin s’est d’abord voulu un raisonneur, pour lequel le raisonnement prévaut sur l’historique, un historique qui ne peut, au mieux, que venir illustrer le raisonnement. Mais le raisonneur s’est voulu en même temps un réaliste, toujours soucieux du concret. C’est du plus concret que le raisonnement tire en fin de compte sa force, en tirant de ce concret même la voie qui permet de le dépasser, donc de lui ouvrir un avenir qui n’était pas d’emblée perceptible et qui échappe à l’emprise de toute archè : une voie anarchiste. Ainsi du cœur de l’historique, pour peu que le regard ait été décillé par l’attention portée au réel et par l’analyse de ce réel, s’esquisse un possible resté jusque-là invisible. Cela revient à dire que seul celui qui assume, pratiquement et théoriquement, le fait d’être pris dans l’histoire peut dégager les lignes d’un avenir. Le Proudhon qui s’est voulu un acteur historique, comme journaliste ou comme député, n’a-t-il pas résolument tenu cette position qu’il ne théorisera qu’ensuite, à travers l’idée de justice ?
On en arrive ainsi logiquement à une troisième question, plus ample, qui est celle de savoir s’il existe chez Proudhon une philosophie originale de l’histoire. Ce sont ici les développements sur tout ce qui concerne l’idée de progrès qu’il faudra relire. Des développements qui sont significativement toujours liés à l’hypothèse, ou au risque, de la décadence, de la rechute, c’est-à-dire à l’abandon ou à la perte du seul progrès qui puisse pour lui se concevoir, celui de la justice.
Georges Navet

Matin

9h30 - Olivier Chaïbi (Sté P.-J. Proudhon)
Quel sens a l’histoire chez les réformateurs sociaux du premier XIXe siècle ?
9h50 - Diane Morgan (University of Leeds)
La transmission dans le temps de l’Idée « ce météore [lancé] sur les masses électrisées »
10h10- Frédéric Brahami (Université de Franche-Comté)
Proudhon et les Hébreux : l’histoire sacrée revue par la philologie socialiste

10h30- Débat et Pause

11h15 - Anne-Sophie Chambost (Université Jean Moulin Lyon 3)
Entre mémoire altérée et traumatisme du souvenir : le poids de 1848 dans l’œuvre de Proudhon
11h35 - Aurelien Aramini (Docteur de l’Université de Franche-Comté en philosophie)
Proudhon, Michelet et la Révolution française : retour sur la question
11h55 – Débat et pause

Après-midi

14h - Steven Englund (American University in Paris)
Proudhon contre la légende napoléonienne

14h20 - Edward Castleton (Université de Franche-Comté)
Proudhon et la temporalité bonapartiste : de la chronologie de l’histoire du genre humain à l’histoire polonaise
14h40 - Débat et pause
15h30 - Jorge Cagiao y Conde (Université de Tours)
Histoire, progrès et modernité dans la théorie du fédéralisme de P.-J. Proudhon

15h50 - Edouard Jourdain (Institut de Hautes Etudes sur la Justice)
Proudhon, révolutionnaire anti-progressiste
16h10 - Georges Navet (Paris 8)
Proudhon et les Droits de l’Homme
16h30 - Débat final