Il y a cent cinquante ans naissait Max Nettlau

Il y a cent cinquante ans naissait Max Nettlau

Ce savant autrichien a jeté les fondations qui ont permis de situer les anarchistes dans leur contexte réel, c’est-à-dire dans l’histoire.
Il a été le premier à les sortir de la rubrique des faits divers, ce paysage souterrain, peuplé de zombies. Car la presse fabrique les boucs émissaires. Aux ordres de quelque despote ou simplement à la recherche d’un scoop, elle braque les projecteurs sur les indésirables, et donc aussi sur les révoltés. Elle les traite d’anarchistes et les met en scène avec les cyniques, les déséquilibrés ou les malfrats. Cela distrait, cela soulage.
La guerre sociale a besoin de délinquants : il faut dérouter les contestataires, confisquer les mouvements de révolte. D’ailleurs, l’opinion publique n’est-elle pas silencieuse au sujet des inégalités, des prétentions hiérarchiques et de l’exploitation des travailleurs ? Ironie de la mondialisation : on pense globalement, donc on envoie des croisés sur toute la Terre ; mais on agit localement : les lieux les plus familiers deviennent suspects.
L’époque de Max Nettlau a démonisé le mouvement ouvrier organisé et surtout sa frange libertaire. Des conférences internationales ont réuni des juristes pour organiser la répression [1]. Les Etats-Unis ont interdit l’entrée du pays aux militants déclarés. En pleine guerre mondiale, un grand quotidien, le San Francisco Chronicle titrait sur les activités antimiltaristes d’Alexandre Berkman. [2]
Max Nettlau, lui, a scrupuleusement collectionné les articles et les ouvrages rédigés par des anarchistes. Il a décrit les faits dans toutes leurs circonstances et la biographie de quelques-unes de leurs grandes figures. Il a pisté les traces des oubliés de l’histoire, ceux dont le nom n’apparaît que par hasard. Il a ainsi légué de précieux renseignements. Ceux-ci suscitent toujours la curiosité, l’intérêt, et parfois l’admiration.

[1Francesco Tamburini, "La Conferenza Internazionale di Roma per la difesa sociale contro gli anarchici (22 novembre-21 dicembre 1898," Clio, Italie, 1997 33(2) : 227-265.

[2Aujourd’hui encore, les photographes des manifestations se gardent bien de donner à lire les pancartes des protestataires mais choisissent de se placer où où, ils espèrent, aura lieu quelque échafourée.