Le deuxième congrès international anarchiste (Londres, 1958
Au début des années 1950, un nouveau congrès fut proposé, toujours en France. Cependant, les conflits au sein de la Fédération Anarchiste Française (F.A.F.) firent que celui-ci fut sans cesse repoussé. L’arrivée de Georges FONTENIS à la tête de la F.A.F. avait fait éclater le mouvement libertaire français. De nombreuses personnes quittèrent la Fédération ou en furent exclues. Chacun reconstruisit son propre groupe de son côté : le Groupe Action Anarchiste Révolutionnaire (G.A.A.R.), l’Alliance Ouvrière Anarchiste (A.O.A.), le Groupe Socialiste-libertaire, les Amis d’ARMAND, les Amis de Han RYNER, les Amis de Sébastien FAURE,… La plupart de ces groupes vivront en bonne intelligence mutuelle, se renseignant dans leurs publications, annonçant leurs réunions,… En décembre 1953, la Fédération Anarchiste Française se transforma en Fédération Communiste Libertaire (F.C.L.). Celle-ci fut admise au bureau de la C.R.I.A. Mais, parallèlement, et sans en informer la C.R.I.A., la F.C.L. tenta de constituer les 6 et 7 juin 1954, à Paris, une Internationale Communiste Libertaire avec des participants italiens et allemands. La tentative échoua mais mécontenta la C.R.I.A.. La F.C.L dût quitter l’association . Le monde libertaire connaîtra d’autres conflits nationaux de ce genre, notamment en Argentine, en Uruguay, en Italie, parmi les Bulgares en exil, en Angleterre et en Hollande . Pour toutes ces raisons, le nouveau congrès va sans cesse être reporté. Différents pays vont être proposés pour l’accueillir : la France, l’Italie et l’Angleterre, qui fut finalement retenue. Une date devant convenir à un maximum de personnes fut également fixée . Le deuxième Congrès international anarchiste eut donc lieu à Londres dans les locaux du Club Malatesta du 25 juillet au 1er août 1958 . La Belgique y fut représentée par deux anarchistes : Joseph DE SMET et peut-être le Docteur PARMENTIER . Ils représentaient également le groupe Pensée et Action . A leur côté, participèrent l’Allemagne, l’Angleterre, la Bulgarie, le Chili, l’Espagne, la France, la Hollande, l’Italie, la Suède, l’Argentine, l’Eire et les Etats-Unis, soit vingt-neuf groupements et quarante-deux délégués . Toutes les tendances de l’anarchisme étaient représentées . Cette diversité idéologique va parfois poser problème, notamment lorsque les anarcho-syndicalistes d’Australie voulurent faire passer par courrier une motion contre les individualistes . De même, un conflit apparaîtra lorsque la Libertarian League de New York va vouloir faire voter une motion soulignant l’intérêt pour les travailleurs d’adhérer à l’Association Internationale des Travailleurs, « seule organisation ouvrière qui ait continué à appuyer les principes de l’émancipation tels que les énonça la Première Internationale ». Certains groupes, la Belgique comprise, refuseront ce vote qui restreint les possibilités d’action des anarchistes dans les milieux syndicaux . Mis à part ces quelques petites frictions, le congrès fut assez constructif. On y vota la création d’une Commission Internationale d’études théoriques et historiques de l’anarchisme . Le congrès va également prendre position en faveur de la libération des prisonniers anarchistes, syndicalistes, socialistes et anti-fascistes de Bulgarie, condamnant ainsi la politique de répression des régimes bolcheviques, « rappelant le stalinisme et le fascisme ». Enfin, le congrès verra la création de l’Internationale Anarchiste qui a pour « organe temporaire d’expression le Congrès International Anarchiste, tenu avec la participation de tout le mouvement et le plus régulièrement possible, et dont les fonctions sont de relations, d’information et de coordination ».
Dans l’intervalle de ces congrès, leur préparation et la coordination des services internationaux étaient confiées à la Commission Internationale Anarchiste (C.I.A.), dotée d’un secrétariat et de nombreuses commissions. Parmi celles-ci, relevons la commission d’information et des publications internes, qui s’occupait du bulletin d’information interne (elle était dotée à cet effet d’un service de presse), des échanges d’études et d’articles entre les différents organes de presse du mouvement et de la coordination de la propagande écrite. On trouvait également la commission Archives-Bibliographie, la commission Solidarité, qui était située en Allemagne, pays le plus proche des camarades de l’Est, les commissions continentales et des commissions auxiliaires . Le secrétariat de la C.I.A. fut fixé en Angleterre, à Londres. Celui-ci pouvait compter sur l’aide de quatre personnes, venant d’Allemagne, de l’Espagne en exil, d’Italie et de Belgique, désignées nationalement pour collaborer avec Londres . Il est intéressant de constater que, excepté la Belgique, tous ces pays s’étaient organisés au niveau national ou étaient en train de le faire . La création du Cercle la Boétie fut peut-être la conséquence de cet état de faits.
Le 25 septembre 1958, eut lieu une réunion du groupe Pensée et Action au cours de laquelle les anarchistes belges ont pris connaissance des décisions adoptées lors du congrès international anarchiste. Il semblerait que furent présents à cette réunion le Docteur PARMENTIER, Joseph DE SMET, Corrado PERISSINO, MORZOCCHI, Pietro MONTARESSI, Hem DAY, et un certain Pierre LOPEZ F. Ces personnes apparaissent sur une photo qui a dû être prise le jour de la réunion et que nous avons retrouvée dans nos archives. D’autres personnes figurent sur celle-ci mais nous n’avons pas pu les identifier . De plus, il est possible que certains aient refusé d’être sur la photo et soient sortis du champ lors du rassemblement pour la pose. Nous ne savons pas si des membres de l’ancienne A.C.L. ont participé à cette réunion. Lors de celle-ci, les anarchistes belges adoptèrent une motion qui a dû être publiée dans la presse anarchiste internationale. Dans ce communiqué, ils se félicitaient de la réussite du congrès et affirmaient leur soutien envers tous les anarchistes du monde souffrant sous des régimes dictatoriaux, emprisonnés pour s’être opposés au « militarisme, au fascisme, au cléricalisme, au capitalisme et au bolchevisme ». Les anarchistes belges prirent également position sur la situation française : ils se prononçaient en faveur de la création d’une entente entre les libertaires à l’exception des « politiciens » , c’est-à-dire de la branche de la F.C.L. Enfin, ils choisirent PARMENTIER, le polyglotte (il connaît notamment l’espéranto ) pour devenir le correspondant avec Londres . Celui-ci reçut rapidement l’assistance de Hem DAY et de Joseph DE SMET. Ainsi, PARMENTIER s’occupa de la Wallonie, Joseph DE SMET des contacts avec la Hollande et l’Allemagne, et Hem DAY de ceux avec la France. Ce dernier apporta en outre une partie de sa bibliothèque à la représentation belge auprès de Londres . Il fut aussi désigné par le groupe pour relater par écrit les dernières décennies de l’histoire du mouvement anarchiste belge .
Comme nous l’avons vu, l’idée d’une collaboration scientifique internationale anarchiste avait été lancée lors du Congrès de Londres. Le 3 mai 1959, une réunion internationale eut lieu à Paris en présence d’un petit nombre de chercheurs spécialisés dans l’histoire sociale et la philosophie pour y discuter d’un projet appelé « Research » , qui sera animé par Joseph DE SMET dès 1958. Le but de ce programme était de créer un institut anarchiste mondial de recherche scientifique qui s’appellera, en hommage à l’érudit anarchiste, Fraternité Max NETTLAU. Un appel fut rédigé à cet effet pour trouver des collaborateurs mais aussi pour recevoir des archives. Les dépôts d’archives devaient s’effectuer, en fonction du sujet, au domicile de tel ou tel militant, tandis que les propositions de collaborations devaient être introduites soit auprès de Joseph DE SMET pour la Belgique, soit auprès de André PRUDHOMMAUX pour la France. Le secrétariat de cet institut fut confié temporairement à Marc LEFÈVRE, anarchiste bruxellois . Nous ne savons pas très bien ce qu’il adviendra de ce projet, dont il est n’est fait nulle part ailleurs référence.