Les organisations internationales et la participation belge
Outre leur participation aux congrès évoqués plus haut, les anarchistes belges se sont investis dans des organisations internationales, qu’elles soient ouvertement anarchistes ou non. Nous avons déjà pu nous en rendre compte, notamment quand nous avons abordé l’I.R.G. ou la S.I.A. Dans ce chapitre, nous étudierons l’implication belge au sein de trois groupes internationaux anarchistes. Cette participation fut tantôt décisive, tantôt plus anecdotique. Nous essaierons dans tous les cas de relever toutes les prises de position belges. Nous porterons une attention particulière aux conflits qui eurent lieu sur des questions théoriques (le sempiternel débat entre individualistes et anarcho-communistes) et sur le problème de l’utilisation de la violence par les anarchistes.
• L’Alliance Ouvrière Anarchiste (A.O.A)
Nous avons vu qu’en 1952, lors du congrès de Bordeaux, la Fédération Anarchiste Française tombait sous le joug autoritaire de l’Organisation-Pensée-Bataille dirigée par son secrétaire général Georges FONTENIS. Une grande partie des militants, lorsqu’ils ne furent pas exclus, quittèrent alors la fédération. Le mouvement libertaire français se divisait alors en différents groupuscules, de toutes tendances.
La F.A.F. de FONTENIS adopta un an plus tard, lors son congrès annuel de mai, un manifeste communiste libertaire. Celui-ci marquait, de par son idéologie marxiste, un tournant important de la fédération vers l’extrême gauche communiste. L’idée de changer le nom de l’organisation fut donc tout naturellement proposée par le congrès, mais on ne put se mettre d’accord sur celui-ci. Il faudra attendre décembre 1953 pour que la F.A.F. devienne officiellement la Fédération Communiste Libertaire (F.C.L.). La référence à l’anarchisme s’estompa de plus en plus, à tel point qu’en janvier 1956, le groupe décida de présenter une liste aux élections législatives.
En octobre 1952, les groupes anarchistes français sécessionnistes de la F.A. se retrouvèrent au Mans pour y constituer une Entente Anarchiste (E.A.). Dès l’abandon du nom de Fédération anarchiste par le groupe de Georges FONTENIS, l’Entente Anarchiste se réappropria immédiatement ce titre (F.A.F.). Celle-ci est toujours en place aujourd’hui. Toutefois, de nombreuses crises et scissions traversèrent encore le groupe par la suite.
Ainsi, une importante rupture eut lieu en 1956 lorsque F. ROBERT et R. BEAULATON, les fondateurs de l’Entente Anarchiste, quittèrent la fédération anarchiste française . Selon eux, celle-ci était devenue de par son organisation un lieu favorisant les menées franc-maçonnes et la collusion avec le courant politique socialiste . Ceux-ci décidèrent de recréer un nouveau groupe qui sera international et de langue française. C’est à Bruxelles, avec la collaboration de Guy BADOT, qui vient alors de rompre ses relations avec les anarchistes belges de l’A.C.L., qu’est créée en novembre 1956 l’Alliance Ouvrière Anarchiste. Celui-ci condamnait fermement la tendance communiste libertaire. Les initiateurs de cette alliance critiquaient surtout l’organisation de la F.A., peu adaptée selon eux à la pensée anarchiste, et se structurèrent quant à eux sur le principe de la libre entente, sans statuts, sans règlements et sans cartes de membres (l’adhésion au groupe était cependant soumise à des conditions assez strictes ; n’y entrait pas qui voulait) . L’association, puisqu’il ne faut surtout pas parler d’organisation, avait pour base l’individu. Elle se voulait un instrument de liaison, d’information et de coordination. Ce groupe anarchiste international compta jusqu’à septante-huit correspondants et cent-soixante-six sous-groupes. L’A.O.A regroupait des individualistes et des anarcho-syndicalistes francophones . Périodiquement, des assemblées de travail avaient lieu. Durant celles-ci, on s’occupait notamment de la préparation du journal du groupe, intitulé L’anarchie, le journal de l’ordre, dont la parution débuta en 1954 mais fut très irrégulière . L’A.O.A. était aussi présente à des rencontres internationales anarchistes. Il faut ici citer celle tenue à Genève en septembre 1962 à l’occasion du nonantième anniversaire des Assises de Saint-Imier . Des anarchistes de toutes nationalités (Bulgares, Espagnols, Suisses, Italiens, Français, Belges) assistèrent à cette commémoration. Parmi les Belges, Hem DAY sera du voyage . En mai 1964 eut lieu à Turin le deuxième grand congrès international de l’A.O.A. Des militants français, italiens, suisses et belges y participèrent . L’A.O.A sera aussi présent lors des grands congrès anarchistes internationaux futurs .
Aucune scission n’étant possible dans le groupe puisque celui-ci était basé sur un système d’entente et de libre association, l’A.O.A. survivra encore pendant de nombreuses années. L’A.O.A belge fut également active très longtemps, toujours sous la responsabilité de Guy BADOT. Elle connut un rayonnement assez important. Ainsi, à la fin des années 1960, Alfred LEPAPE, en rupture avec le groupe de la fédération Socialisme et Liberté, se rapprocha de Guy BADOT et commença à s’intéresser à l’A.O.A.