Anarchisme et non-violence
Le groupe international Anarchisme et non-violence (A.N.V.) fut créé en 1965 dans le but de « passer au crible de la critique anarchiste les théories non-violentes et de les mettre en pratique dans l’action directe ». Les études entreprises en ce sens furent présentées dans une revue portant le même nom que le groupe. Le premier numéro sortit en avril 1965. Les buts du groupe et de la revue y étaient exposés : il s’agissait de devenir un instrument de réflexion sur la violence et la non-violence dans l’anarchisme et de combler ainsi la « pauvreté de la documentation, des études, des réflexions sur le sujet ». La revue était ouverte à tout le monde, quelle que soit sa nationalité . Toutefois, elle était écrite principalement par des correspondants locaux répartis un peu partout en Europe francophone. La majorité des collaborateurs provenaient de France, mais aussi de Suisse (collaboration de Marianne ENCKELL du C.I.RA.), et de Belgique (participation de Hem DAY) . On trouvait dans ce journal des articles émanant d’auteurs se revendiquant des différentes formes de l’anarchisme (individualistes, communistes libertaires,…), ce qui parfois engendrait des désaccords à propos du contenu de la publication. Mais la coexistence de ces avis divergents participait à la richesse de la revue car elle permettait d’ouvrir et d’enrichir le débat . Ce qui unissait ces auteurs, au-delà de leur appartenance à l’anarchisme, c’était leur idéal commun, qui résidait dans le pacifisme intégral et la non-violence. Ceux-ci se déclaraient d’ailleurs « anarchistes avant d’être non-violents, mais non-violents parce que anarchistes ». Il semblerait que le groupe international ne se soit réuni que très rarement. Leur travail se résumant presque uniquement à la rédaction d’études sur l’anarchie, la communication entre les membres pouvait se limiter à quelques courriers.
Le groupe s’intéressait à toutes sortes de sujets : « techniques non-violentes et engagement personnel, lutte de clases et non-violence, l’État, l’éducation et non-violence, psychosociologie, racisme, sexualité, non-violence non-anarchiste et anarchisme religieux, militarisme et pacifisme, objection de conscience et service national ». Au total, ce ne furent pas moins de trente numéros qui furent publiés de 1965 à 1972. Le tirage oscillait de cinq cents numéros pour la première publication à mille cinq cents pour ceux de l’année 1969 .
Au début de l’année 1968, Anarchisme et non-violence adhéra en tant que publication à l’Internationale des Résistants à la Guerre française . Cette adhésion s’explique aisément par le fait que l’I.R.G. combinait dialogue, recherche et action pour l’union du pacifisme, de la révolution et de la non-violence . Comme nous l’avons déjà dit, les statuts de l’I.R.G. permettaient l’intégration des idées anarchistes. En France comme en Belgique et comme dans tous les pays, l’I.R.G. compta parmi ses membres de nombreux anarchistes, notamment l’objecteur français Louis LECOIN.
Le rôle des correspondants locaux de l’A.N.V. n’était pas seulement d’écrire des articles. Ils devaient aussi se tenir à la disposition des lecteurs qui, intéressés par ce courant de pensée, désiraient s’y associer . Leurs adresses et leurs noms figuraient d’ailleurs sur la couverture arrière de chaque numéro. C’est ainsi que se créa en Belgique une section locale d’A.N.V. Celle-ci publia même un cahier d’étude trimestriel, simple courrier de quelques pages envoyé à chaque membre. Nous en avons retrouvé un exemplaire dans les archives de Jean CORDIER au Mundaneum à Mons.
A la mort d’Hem DAY, en août 1969, c’est François DESTRYKER qui reprit le flambeau de l’A.N.V. pour la Belgique. Il devint le correspondant du groupe international et géra le groupe de Bruxelles avec l’aide de Janine DE MIOMANDRE . Des permanences se tenaient tous les samedis après-midi à la Maison de la Paix à Ixelles, en même temps que celles de l’Alliance. Les nombreuses casquettes de François DESTRYKER et de son « cercle » l’obligeaient à jumeler les permanences. Le groupe de Bruxelles organisa aussi des conférences. On fit notamment venir Maurice LAISANT, de la Fédération anarchiste, qui s’exprima sur le thème de « l’Anarchisme et l’anti-militarisme » .
En 1971, le groupe belge se saborda en raison de dissensions internes sur la question de sa position face aux mouvements sociaux et à la lutte des classes. De plus, l’amoncellement de travail que demandait l’organisation de tous les groupes que François DESTRYKER animait, même s’il n’était pas tout seul, et le chevauchement de groupes ayant des objectifs quasiment identiques, par exemple le groupe objection libertaire, dirigé par Janine De MIOMANDRE, ou plus simplement la « concurrence » de la section belge de l’I.R.G. n’ont pas favorisé la continuité de cette collaboration internationale. Il semble que le groupe A.N.V. international ait définitivement disparu en 1976