Godwin et la critique radicale du droit. Par Jean-Louis BOIREAU

droitGODWIN, William (1756-1836). Romancier, philosophe et théoricien politique anglaisPhilosophie. Rationalité

Pour Godwin, le contrat social, forme achevée de toute la démarche qui visait à fonder l’État sur le droit, recèle un double piège.
Le premier de ces pièges est celui que représente la rationalité formelle du contrat, son caractère éminemment progressiste et la vision démocratique qu’il renferme. En apparence, le contrat résout en effet de manière indépassable la question du pouvoir, en liant indissolublement l’existence du Souverain à l’exercice par le Peuple d’un droit imprescriptible. Tout l’effort de Godwin – dans un mouvement qui anticipe sur celui de la critique que fait Marx de Hegel – va consister à montrer que cette qualité formelle de l’État de droit, qui se pose comme rationalité absolue, autonome et ultime est en fait soumise à des déterminations autres, qui rendent illusoire la solution qu’il avance au problème du pouvoir.

Dans l’État organisé de telle sorte que s’y effectue le passage du négatif au positif, où « chacun s’unissant à tous, n’obéisse pourtant qu’à lui-même, et reste aussi libre qu’auparavant », Godwin verra la fétichisation d’une fausse rationalité. Non par le fondement d’une organisation sociale conforme à la justice, mais l’ultime mise en ordre d’un pouvoir irrationnel et injuste par essence.
Le second piège est l’incitation que contient toute doctrine du contrat à se placer à l’intérieur de sa logique interne, à entrer, comme le feront les législateurs de la Révolution française, dans une discussion technique, juridique, de ses modalités pratiques sans voir que ce sont les bases mêmes du droit qui sont viciées au départ.
La critique de Godwin se développe sur deux plans distincts