Amour et Volonté

amour libre / Union libreAVRAY, Charles d’ (pseud. de Charles-Henri Jean, 1878-1960)

Trouver force en l’amour, c’est être un incomplet.
CH. D’AVRAY

Toi seule me semblait le meilleur de la vie,
Tu sais qu’en libertaire, ô femme, je t’aimais.
Un autre à mon amour lentement t’a ravie,
Tu ne veux qu’être à lui me dis-tu désormais.
Puisque ce qui fut tout redevient peu de chose,
puisque l’abandon abat le révolté,
Il faut donc qu’à l’amour avant tout on oppose
Non pas de la douleur mais de la volonté.


Ton corps depuis longtemps, sous mes folles étreintes,
Ainsi qu’aux premiers jours, ne s’abandonnait plus.
Sache bien que je suis un ennemi des plaintes.
Pour moi, regrets d’amour sont regrets superflus.
Je sais que les désirs ont des degrés suprêmes.
Qu’après eux vient toujours l’insensibilité,
Aimer, ne plus aimer, je crains ces deux extrêmes,
Femme, voilà pourquoi j’ai cette volonté.
A ma guise je veux faire mon existence
Me moquant des on dit et du qu’en dira t’on ;Les préjugés ma mie augmentent la souffrance,
Ou bien l’homme est un homme, ou bien un avorton.


Sur un terrain solide on observe, on constate,
On fouille pour trouver ce qu’est la vérité,
Et l’on voit que l’amour nous est alors néfaste
Si plus forte que lui n’est notre volonté.
Toi qui me repoussas et vis comme un outrage
Quand je te proposai, de vivre à trois, un jour,
Tu ne compris donc pas qu’admettre ce partage
C’était bien te donner une preuve d’amour.
Lorsque parlent les sens, contentons la nature,
Laissons là ce vieux monde et sa moralité,
Vivons comme vivra la société future
Où brilleront ces mots : Amour et Volonté.


A quoi bon discuter, donne-toi si tu l’aimes,
D’entraver un désir nul n’a le droit d’ailleurs,
Apprends que de la vie un des plus beaux problèmes,
C’est de toujours chercher à devenir meilleurs.
Adieu ma bien-aimée ! Adieu, va, tout s’efface !
Nos coeurs ne chantent plus qu’un doux air de bonté,
L’exemple du présent doit servir de préface
Au livre de l’amour et de la volonté.