La Commune de 1871

Notes recueillies par Ronald CREAGH

Le Creusot (France)ASSI, Adolphe AlphonseDUMAY, Jean-Baptiste

"L’autorité, dans cet excellent pays, ne s’appelle pas Schneider père, elle ne s’appelle pas Schneider fils, elle ne s’appelle pas tel ou tel chef des travaux ; elle ne s’appelle pas même légion ; mieux que ça, elle s’appelle : Usine".

Le Grelot
, 2 avril 1870


La Commune de 1871 au Creusot occupe peu de place dans le temps : son caractère éphémère - 2 jours - son ensevelissement dans une histoire ouvrière particulièrement féconde en épisodes mouvementés expliquent sans doute le faible écho qui lui est fait.
Pourtant, un militant de cette ville, Adolphe Assi, militant aguerri aux luttes ouvrières, va jouer un rôle important dans l’histoire de France, comme on le verra plus loin. Et Le Creusot occupe une place symbolique : c’est là que va s’installer la dynastie des Schneider,qui posera les bases du paternalisme patronal. Elle va créer en 1836 une ville-usine, berceau de la grande industrie française. Tout lui appartient, même les écoles qu’elle a créées et l’infirmerie. Et bien sûr les logements des dix mille ouvriers. Que l’un de ceux-ci se comporte mal, il sera renvoyé, perdra son logement, et ne trouvera pas de travail : son nom sera inscrit sur un cahier qu’il faut présenter lorsqu’on est embauché.
Eugène Schneider, l’un des fondateurs, sera le maire de la ville en 1866, député en 1845 et 1852, mais ses ambitions politiques le portent plus loin. Napoléon III le nomme vice président du Corps législatif ; il en deviendra le président de 1867 à 1870. Et entretemps, sa Société profite de gains considérables : 35 millions de francs de bénéfices en 1865. Le journal La Marseillaise le surnomme "seigneur, prince des millions, baron des gros sous".
En décembre 1869, les ouvriers du Creusot réclament la gestion de la caisse de solidarité. Les 15 et 16 janvier 1870, une forte majorité souhaite la gestion de la caisse de secours. Une grève commence le 22 ; elle est alors générale. Eugène Schneider arrive de Paris. Des journalistes aussi. La panique s’installe dans la population souffrant du manque d’argent. La travail reprend le 24 janvier.
Eugène Schneider a promis de laisser aux ouvriers la gestion de la caisse de secours, mais il ne tient pas ses engagements. Il craint que ceux-ci n’utilisent l’argent pour leurs grèves. A plusieurs reprises, Jean-Baptiste Dumay insiste, sans succès.
Le 21 mars 1870, le mécanicien Adolphe Assi, meneur de la grève de janvier, assisté par Jean-Baptiste Dumay, organise la grève des mineurs, car leur salaire a été diminué. Le mouvement dure 23 jours. Les grévistes seront condamnés à des peines d’emprisonnement de 2 mois à 3 ans.

Pourtant, le vent semble avoir tourné. La fin de l’Empire voit paraître de nouvelles lois qui autorisent les réunions publiques des ouvriers et même leur association. Les journaux n’ont plus besoin de réclamer une autorisation pour paraître. Le Creusot en profite pour publier un nouveau journal, Le Grelot Sifflet.

Quant à Eugène Schneider, il est agressé par la foule qui réclame la République. Il s’exile en Angleterre d’octobre 1870 à février 1871. Et dans sa bonne ville du Creusot, après l’effondrement de l’Empire en septembre 1870, Dumay est nommé maire.

A Paris, une fois l’armistice signée (janvier 1871), la crainte d’une restauration monarchique et la misère ouvrière accentuée par la guerre provoquent l’insurrection de la Commune (mars-mai). Adolphe Assi se trouve dans la capitale, où il préside le Comité Central de la Garde Républicaine. C’est lui qui prononce les paroles historiques, proclamant la Commune de Paris au nom du peuple. Le Comité Central se retirera ensuite pour laisser la place aux élus. Assi fera partie des membres du Comité de Sûreté générale.
Cette expérience d’une République sociale trouve un écho au Creusot. Le 26 mars, Dumay et les gardes nationaux proclament la Commune et hissent le drapeau rouge sur la mairie. Mais l’armée reprend le contrôle de la ville. La proclamation est répétée plusieurs fois, le drapeau est de nouveau hissé. Mais l’armée l’emporte et le 28, le mouvement est réprimé. Dumay, exilé en Suisse, est condamné aux travaux forcés à perpétuité.
En octobre 1871, Eugène Schneider est élu conseiller général.
Mais pour les divers protagonistes, la vie n’a pas dit son dernier mot...

Jean-Baptiste Dumay, Mémoires d’un militant ouvrier du Creusot (1841-1905) Paris : Maspero, 1976.