Sail Mohamed, ou la vie et la révolte d’un anarchiste algérien

Biographie de Saïl Mohamed (Ameriane ben Amezaine, 1894-1953), anarchiste algérien et pionnier de la lutte anti-coloniale.

Guerre civile en Espagne (1936-1939)Afrique : AlgériensSAIL, Ameziane (Mohand Ameziane ben Ameziane Saïl, [Tawrirth, Aït Ouaghlis, Algérie 14 avril 1894-avril 1953])
Étranges étrangers
Kabyles de la Chapelle et des quais de Javel
hommes des pays loin
cobayes des colonies...
Apatrides d’Aubervilliers
brûleurs des grandes ordures de la ville de Paris
Tunisiens de Grenelle
embauchés débauchés
manoeuvres désoeuvrés...
Enfants du Sénégal
dépatriés expatriés et naturalisés...
Etranges étrangers
Vous êtes de la ville
vous êtes de sa vie
même si mal en vivez
même si vous en mourez.

Jacques Prévert
Ce poème de Prévert extrait de Paroles symbolise le combat d’une vie, celui de Saïl Mohamed. Saïl Mohamed, Ameriane ben Amezaine, est né le 14 octobre 1894 à Taourit-Béni-Ouglis, en Kabylie. Comme beaucoup d’Algériens, il a peu fréquenté l’école. Chauffeur-mécanicien de profession, il fut toute sa vie assoiffé de culture. Il vécut avec Madeleine Sagot. On sait peu de choses de sa jeunesse ; on apprend par un témoignage qu’il donne au Semeur de Normandie, le journal d’A. Barbé, qu’il est interné pour insoumission puis pour désertion pendant la première guerre mondiale. Ses sympathies pour le mouvement libertaire sont déjà affirmées.
Dès la reconstitution du mouvement libertaire, à la sortie de la première guerre mondiale, il adhère à l’Union anarchiste. Saïl est alors un militant de base. En 1923, avec son ami Sliman Kiouane - chansonnier de son état -, il fonde le Comité de défense des indigènes algériens. Les porteurs de valises n’existaient pas encore, mais ces deux Algériens avaient pris conscience de la misère de leur peuple. Dès ses premiers articles, Saïl dénonce la misère des colonisés et l’exploitation coloniale. Dès lors, il devient l’un des meilleurs connaisseurs de la situation nord-africaine. Les articles lorsqu’il ne sont pas signés par lui, sont de Victor Spielman ou de Vigné d’Octon. Saïl ne fait pas que dénoncer par voie de presse la misère des indigènes algériens, il organise avec ses compagnons du groupe du XVIIIème des meetings sur l’exploitation des Nord-Africains. Ces meetings ont une particularité ; ils sont à la fois en français et en arabe. C’est ainsi qu’il tonne régulièrement « contre les marabouts qui bernent les populations ».