SALAMÉ MIRO, José

Guerre civile en Espagne (1936-1939)ORA (Organisation révolutionnaire anarchiste)Plateforme dite d’Archinov SALAMÉ MIRO, José (1920, Vinebre, prov. Tarragone, Catalogne - 18 juin 2007, Perpignan, France)ASCASO ABADIA, Francisco (1901-1936)nécrologie *

Membre fidèle du CIRA depuis de nombreuses années, notre ami José Salamé Miro est décédé à l’hôpital de Perpignan lundi 18 juin 2007. Ceux et celles qui l’ont rencontré se souviendront de son accueil chaleureux, de sa gentillesse et de son sourire malicieux [1]
José est né le 8 avril 1920 à Vinebre près d’Ascó au bord de l’Ebre dans la province de Tarragone (Catalogne). José qui fut enfant de chœur s’oriente pourtant rapidement vers les idées anarcho-syndicalistes. Il adhère à la fois à la CNT et aux jeunesses libertaires de la FIJL.
En 1936, il participe aux combats révolutionnaires contre les militaires factieux dans les rues de Barcelone. Il est témoin de la mort de Francisco Ascaso, compagnon de Buenaventura Durruti et membre de Los Solidarios, dans les premiers assauts contre les casernes insurgées. Il s’engage ensuite dans la défense de la république contre le coup d’Etat militaire comme jeune milicien dans la colonne Durruti, en mentant sur son jeune âge pour y être enrôlé (il a 16 ans, mais est grand et costaud !) et part pour le front de Saragosse.
En 1938, il doit intégrer l’armée républicaine en reconstruction dans le cadre de la classe des plus jeunes, la classe "biberon". Il participe à la bataille de l’Ebre de juillet à novembre 1938, qui fit plus de 30 000 morts, comme servant de mitrailleuse.
En 1939, devant l’avancée franquiste, jeune lieutenant, il sera blessé à la fin de la guerre près de Huesca et entrera à pied en France lors de la Retirada de février 1939, blessé au visage et au bras, avec la gangrène. Il sera opéré à vif sans anesthésie sur un navire-hôpital à Port-Vendres, découvre "l’hospitalité française" au camp d’Argelès et à celui d’Agde, puis sera soigné à Nantes.
Ensuite il sera recruté comme ouvrier agricole dans la région d’Orléans - il racontera souvent plus tard aux amis proches les méthodes de recrutement des réfugiés espagnols ainsi que la vie quotidienne dans ces grandes fermes de Beauce.
Avec l’entrée en France des troupes allemandes après l’armistice de juin 1940, il est ensuite recruté de force par l’organisation nazie Todt et affecté d’abord à la construction de la base sous-marine de Bordeaux, puis du Mur de l’Atlantique à Lorient, où il échappe aux bombardements alliés. (Plus tard lors de vacances communes avec Fontenis, il retrouvera avec émotion la maison de Quimperlé où il séjourna à cette époque).
Après la guerre il suit une formation d’électricien à Paris et intègre une entreprise du secteur. Après y avoir défendu des ouvriers arabes, il se retrouve au placard (dans une armoire électrique !). Et le délégué CGT fait courir le bruit qu’il est un agent de Franco.
Sa rencontre avec Georges Fontenis, figure du communisme libertaire, date de 1945, à l’occasion d’une réunion organisée par la Fédération anarchiste au sujet des Auberges de jeunesse. Passionné par cette activité de rencontres et de solidarité internationale, il travaillera toute sa vie professionnelle comme factotum ou aide dans les Auberges, alors notablement influencées par les libertaires, à côté de maints petits boulots.
A la même époque, José rencontre Renée Desvaux, jeune secrétaire de "bonne éducation" (pupille de la nation, elle avait été élève de l’école de la Légion d’honneur) qui fréquentait les milieux "ajistes" depuis les années 3 (Madeleine Bossière, anarchiste, fit sa connaissance en 1934 à Boulogne-Billancourt et deviendra avec Roger, son compagnon, leurs grands amis), fut résistante à Lyon dans les réseaux autour des Camarades de la route. Renée deviendra sa compagne et prendra les responsabilités de "mère aubergiste". Ensemble ils animeront, dans le cadre de la Fédération unie des auberges de jeunesse (FUAJ), les Auberges de Nice, puis de Cannes : après remise en état d’une partie du fort de l’île Sainte-Marguerite, ancienne prison du Masque de fer et ultérieurement de rebelles kabyles, l’Auberge, fréquentée par des jeunes du monde entier, abritera de nombreuses réunions espagnoles et internationales, et, durant l’été 1949, un camp de formation de la FA qui aboutira à la formation en janvier 1950 d’une tendance communiste libertaire interne clandestine, la fameuse Organisation Pensée Bataille (OPB, en hommage à Camillo Berneri, assassiné en Espagne en mai 1937 par les staliniens.) Les activités de l’OPB et leur dévoilement provoqueront la grave déchirure du mouvement libertaire en France entre, en simplifiant, "plateformistes" dans la ligne d’Archinov, et "synthésistes" à la suite de Sébastien Faure (déchirure qui n’est encore aujourd’hui qu’en voie de cicatrisation). Ils finiront leur "carrière" d’ "aubergistes" à l’Auberge du col de Villefranche sur les hauteurs de Nice, aidée un temps par Gilda Marcès, fille d’un anarchiste espagnol immigré en France, rentré au pays dès 1936 et disparu lors de la guerre civile.
Durant toute cette période, Renée et José, proches des révolutinnaires d’origine suisse Pavel et Clara Thalmann, installés à Nice depuis 1950, furent très actifs, menant par exemple des actions de solidarité ave la grève de la faim de Louis Lecoin pour l’objection de conscience en 1962.
José sera très impliqué dans un groupe local du Service civil international (SCI, association de solidarité internatonale active créée après la 1ère guerre mondiale par des pacifistes, qui s’illustra entre autres dans l’aide aux enfants espagnols sur place durant la Révolution espagnole et dans l’exil, comme à la maternité d’Elne ou durant la guerre d’Algérie en créant des centres d’enfants réfugiés en Tunisie et au Maroc, autour de Pierre Martin (citoyen du monde, ancien objecteur de conscience de 1938 - ce qui lui valut un séjour à la centrale de Clairvaux,- installé à Grasse après toute une vie d’engagement allant des camps de réfugiés palestiniens aux bidonvilles indiens en passant par les actions contre les premières bombes atomiques françaises) et, dans les Alpes-Maritimes, de Simone et Roger Paon et surtout de "Pierrot" Rasquier (artisan plombier niçois, expert bénévole en sauvetages en tous genres, toujours accueillant avec Lisbeth dans son "Mas de l’amitié), fondateur avec Étienne Reclus (arrière petit-neveu d’Élisée Reclus) de l’Action d’urgence internationale (AUI, issue du SCI, organisant l’intervention dans le monde entier de sauveteurs bénévoles après des catastrophes naturelles).
A l’indépendance de l’Algérie, en 1962, il participe à des opérations de déminage dans le cadre d’un chantier du SCI à El Khemis, près de Tlemcen et s’oppose aux villageois qui préfèrent construire une mosquée plutôt qu’un barrage.
Plus tard, José sera à l’origine d’un incident diplomatique cocasse lorsqu’il débarquera, lui le "révolutionnaire apatride", avec Pierrot, d’un avion mis à leur disposition par le prince de Monaco soi-même pour participer, au nom de l’AUI, à l’aide de la population de Florence lors des inondations de 1967.
En Mai 68 et dans les années suivantes, José sera le "grand frère" (il était beau, grand et séduisant !) du groupe Makhno de l’Organisation révolutionnaire anarchiste (ORA, au sujet de laquelle il entrera en conflit avec la CNT espagnole en exil) et de nombreux jeunes libertaires de la région niçoise, comme Georges Rivière ou Bernard Ferry : très discret, José participera à la formation politique de ces compagnons - toujours militants aujourd’hui - par petites touches, alternant conseils amicaux et témoignages vécus d’occupations d’usines, de collectivisations..., tout en ne rechignant pas devant la bagarre ou une fête à la Vallée des merveilles.
Ce sera ensuite la retraite à Eze, puis à partir de 1987 à Amélie-les-Bains - Palalda, en Vallespir, où José retrouve la proximité de sa terre natale, de sa famille et de Barcelone. Dès leur arrivée dans les Pyrénées-Orientales, Renée et José rentrent en contact avec les militants libertaires et ultra-gauche des deux côtés de la frontière, dont d’anciens membres ou proches du MIL, et les anciens des multiples expériences communautaires de la région.
Très affecté par le décès accidentel de Renée en 1989, il surmonte l’épreuve, aidé par sa curiosité de militant, son appétit de lecture, son sens de l’amitié. Sa haute silhouette toute en douceur et, avec les ans, de plus en plus frêle, deviendra familière tant à Amélie-les-Bains (où il participera à des rencontres sur la Révolution espagnole) que dans le cortège libertaire des manifestations à Perpignan ou encore en 2006 au Perthus lors de la marche anniversaire de la Retirada.
Partageant les positions communistes libertaires de Georges Fontenis et grand ami de Roger Bossière, anarcho-marxiste à la manière de Maximilien Rubel, fidèle avec Madeleine, sa compagne, des éditions Spartacus créées par René Lefeuvre en 1936, José a été compagnon de route des différents regroupements et organisations libertaires en France (FA, FCL, Noir et Rouge, OCL, ORA, UTCL devenue depuis Alternative libertaire - participant par exemple au congrès de Nantes de la jeune UTCL).
José a milité toute sa vie sans exclusive en internationaliste convaincu, sans s’enfermer dans les querelles de l’exil et s’est rapproché à nouveau de l’anarcho-syndicalisme et du syndicalisme révolutionnaire de la CNT française et de la CGT espagnole dans ses dernières années, soutenant dès sa création il y a dix ans, et jusqu’à son dernier souffle, la CNT 66.
Ecologiste avant que ce soit la mode, José était aussi féru de jardinage et d’alimentation biologiques, proche depuis longtemps de "Nature et Progrès" et abonné fidèle de "La Hulotte" depuis sa création. Mais il aimait aussi la bonne chère et les bons vins, et tout particulièrement le bordeaux de la cuvée Élisée Reclus produite par les descendants de celui-ci et diffusée par les Acrates avec Gilbert Roth pour soutenir le Centre international des recherches sur l’anarchisme (CIRA) de Marseille dont il était aussi membre et fidèle soutien. Quelques jours avant son décès, José goûtera encore son plat préféré, les cuisses de grenouille, avec ses amis Jean et Nicolas, dans un restaurant d’Amélie-les-Bains.
José se préparait depuis longtemps à son effacement, mobilisant sa dernière énergie pour "régler ses affaires" : vente de sa maison, distribution de ses meubles, legs de sa bibliothèque à la CNT-Paris, aide à la CNT 66...
"Il était pour nous l’ami fidèle, débordant de gentillesse et de générosité - celui que l’on aimait retrouver. Nous savons qu’il a été très entouré durant ces dernières années et nous remercions tous ceux et celles qui l’ont accompagné," nous disent aujourd’hui Marie-Louise et Georges Fontenis, ses vieux amis.

[1Cet article a été rédigé grâce aux informations fournies par le CIRA de Marseille et complétées par un texte de Daniel Guerrier qui a ultérieurement été surajouté.