Bonne surprise : ce livre en contient deux. André Bernard nous offre à la fois une autobiographie et une sélection d’articles. La première partie prépare ainsi le lecteur aux textes qui demandent plus de réflexion. Et, en prime, ceux-ci sont agrémentés de souvenirs personnels et de fort belles citations.
J’ai lu la première partie avec le même plaisir que celui que j’avais eu, jadis, en parcourant l’autobiographie d’Emma Goldman. Et c’est mieux écrit et plus enlevé.
Cet album de famille présente des individus bien charnels, palpitants de vie, c’est-à-dire libres. Il éclaire, dans leur réalité concrète, ces milieux qu’on ne voit, trop souvent, qu’à travers le regard ténébreux des indicateurs et les reportages fielleux ou condescendants des journalistes aux ordres de leur rédaction. Le lecteur découvre des non conformistes autrement plus hospitaliers que les bien pensants, à savoir des militants de tout acabit réunis par une commune horreur à l’égard de tous ceux dont le métier consiste à donner la mort ou à brutaliser légalement la population.
Car c’est avant tout sur son refus de partir à la guerre d’Algérie qu’André Bernard centre son livre, et sa réflexion tourne autour de la question de la non violence, qu’il discute avec beaucoup de nuances.
Ce thème essentiel du livre, mais aussi de notre histoire individuelle et collective, est traité avec un humour très fin. Ce récit veille surtout à rester discret, sans dogmatisme ; c’est sans doute pour cette raison qu’il ne manque pas d’interroger.
Autour de ce thème central, d’autres questions surgissent. On découvre comment une parole peut changer une vie (p. 19), l’importance vitale de la solidarité de groupe, mais aussi, tout au long de l’ouvrage, une réflexion sur l’exemplarité des actions individuelles. Pour ma part, j’ai retenu aussi l’idée que l’art ne s’oppose pas à la vie quotidienne et au travail. Suggestion que l’on retrouve chez beaucoup d’anarchistes, comme le géographe Élisée Reclus.
André Bernard est aussi artiste, et l’on trouve sur le présent site (et sur le sien) quelques unes de ses belles créations.
R. C.