La spécificité du mouvement anarchiste en France avant 1900
Pour saisir ce qui a permis la rencontre entre artistes et théoriciens anarchistes à cette époque, il convient de bien cerner ce qui fait la spécificité de l’anarchisme par rapport aux mouvements politiques révolutionnaires de la fin du siècle. L’anarchisme est un mouvement encore jeune : si l’on peut dater la première profession de foi anarchiste de l’ouvrage de Proudhon, Qu’est-ce que la propriété ?, paru en 1840, il faut attendre 1872 pour que les idées maîtresses du mouvement anarchiste soient fixées [1], et c’est à la fin du siècle qu’il acquiert une base théorique. Le mouvement est donc en pleine phase d’élaboration et, face au socialisme, se définit en marquant sa différence.
1. La spécificité du mouvement anarchiste en France avant 1900
A. L’organisation du mouvement
C’est en 1872 à La Haye que la scission est officiellement consommée entre socialistes « autoritaires » [2] et anarchistes, même s’il faudra attendre plusieurs années pour que cette rupture se transforme en opposition durable de mots d’ordre et de méthodes entre les deux mouvements. Car si les organisations et les principes sont bien distincts, les références communes « tant au niveau du vécu militant que des symboles, continuent à l’emporter » [3]. Dans les années 1880 cependant se manifeste chez les anarchistes le besoin de se différencier des autres groupements révolutionnaires. L’adoption du drapeau noir est, symboliquement, une étape importante dans la naissance de l’anarchisme. Le drapeau rouge était alors le drapeau de l’Internationale, également choisi par la Commune, et il reste le drapeau du mouvement ouvrier. Mais dès 1882, les anarchistes se prononcent pour l’abandon de ce drapeau au profit du noir, celui de la révolte [4]. Le 18 mars, Louise Michel [5] s’exclame salle Favié : « Plus de drapeau rouge mouillé du sang de nos soldats. J’arborerai le drapeau noir portant le deuil de nos morts et de nos illusions » [6]. Elle reprend ce discours à Lyon, devant une foule pour qui la révolte des Canuts (qui a vu la première apparition du drapeau noir, en 1831) était encore dans les mémoires. Le drapeau noir fait ensuite une apparition « officielle » dans la manifestation des sans-travail aux Invalides, à Paris, le 9 mars 1883 [7], lorsque Louise Michel arbore pour la première fois un drapeau improvisé à partir d’un manche à balai et d’un vieux jupon noir. Lors de son procès, elle affirme que le drapeau noir, « drapeau de la misère », plutôt que celui de la Commune doit être considéré comme le symbole des ouvriers sans travail. Quelques mois après, pour la fête du 14 juillet, les anarchistes convient la population à manifester « un drapeau noir à la main ». A cette époque, un article paru dans Le Drapeau noir (1883) répudie le drapeau rouge car il a déjà « abrité un gouvernement et servi d’étendard à une autorité constituée », et juge que le drapeau noir, seul, peut convenir pour le combat anarchiste, « guerre de partisans », combat de tirailleurs dispersés [8]. Le choix d’un nouveau drapeau a probablement comme fonction, comme le note Gaetano Manfredonia [9], de marquer la distance vis-à-vis de l’héritage communard et des autres courants socialistes, à un moment où le mouvement anarchiste construit sa spécificité.
Rappelons qu’il n’existe pas, au dix-neuvième siècle, de fédération anarchiste : le mouvement anarchiste d’avant 1914 est caractérisé par son manque d’organisation. Les militants groupés autour de Jean Grave acceptent l’action collective, qui suppose une entente préalable, mais refusent toute centralisation [10]. Jean Grave, en effet, reste jusqu’à la fin hostile à tout ce qui ressemble à un parti. S’il accepte le vocable de « parti anarchiste », c’est seulement pour désigner « une catégorie d’individus qui, ayant un fond d’idées communes, ont, de ce fait, une certaine solidarité effective et morale contre leur adversaire, la société bourgeoise » [11]. Lorsque, au congrès de 1900 (antiparlementaire), le groupe des ESRI [12] propose la mise en place d’une « Fédération communisme révolutionnaire internationale », qui devait permettre aux camarades du monde entier de se connaître et de correspondre grâce à des « bureaux de correspondance », Grave se montre opposé au projet, calqué, selon lui, « sur les systèmes centralisateurs et autoritaires ». Il se dit alors favorable à une fédération anarchiste à la seule condition qu’elle découle spontanément de la lente agglomération des groupes les uns aux autres [13].
Les lecteurs devront enfin garder présent à l’esprit qu’au début des années 1880, les anarchistes sont fortement minoritaires. « Demi-quarteron » [14] de militants, tout comme les marxistes, ils ne représentent qu’une partie marginale du mouvement ouvrier, lui-même encore marginal sur la scène politique. Selon Jean Maitron, on peut estimer qu’il y aurait, entre 1890 et 1894, 1 000 militants actifs, 4 500 sympathisants, 100 000 personnes « qui éprouvent des sympathies assez vagues pour le mouvement » [15].
B. « Gardez-vous bien de croire que l’Anarchie est un dogme »
Si l’on veut comprendre ce que la littérature anarchiste a de particulier, ce qui la différencie également de la littérature socialiste de l’époque, il faut bien comprendre le caractère non dogmatique de l’anarchisme :
« Il semble qu’on veuille faire passer l’anarchie pour une espèce de dogme, pour une religion sociale d’un genre inédit quand, au contraire, son principe essentiel et fondamental, diamétralement opposé aux formules pédantes de certains révolutionnaires en pantoufles, c’est précisément la négation des dogmes, la haine de l’autorité sous toutes ses formes, l’élimination de l’absolu »,
est-il dit dans le premier numéro de La Révolution sociale [16].
Joseph Déjacque insistait déjà sur le fait que, contrairement à l’autorité, qui a besoin de la discipline et de l’obéissance, la liberté « rallie les hommes à sa bannière par la voie du libre examen » [17]. Lorsqu’il se lancera dans l’écriture, pour faire connaître ses idées, et nécessairement, pour convaincre, il ne cherchera pas à former des disciples. Tel un écrivain qui refuserait de fonder une école, il tâchera plutôt de donner l’envie - la possibilité - à ses lecteurs de devenir à leur tour créateurs :
« Pour moi, il s’agit bien moins de faire des disciples que de faire des hommes, et l’on n’est homme qu’à la condition d’être soi. [...] Soyons une œuvre originale et non une copie. L’esclave se modèle sur le maître, il imite. L’homme libre ne produit que son type, il crée » [18].
L’anarchiste - et l’artiste anarchiste - se donne comme un « chercheur de vérités, un coureur de progrès, un rêveur de lumières » [19], et il n’a pas la prétention d’imposer UNE vérité à son public. C’est probablement cet aspect non-dogmatique (et même anti-dogmatique) qui a attiré de nombreux écrivains vers l’anarchisme, à commencer par Adolphe Retté, parfait exemple de l’homme de lettres fasciné par cet idéal de justice et de liberté [20]. Dans ses Promenades subversives, il donne sa propre définition de l’Anarchie : signifiant la négation de l’autorité, elle n’admet aucun gouvernement, qu’il soit d’un seul ou d’une classe. Elle n’est pas que négations, puisqu’elle « affirme l’individu » :
« Ce faisant, elle ne procède ni d’un dogme ni d’un principe a priori. Elle est guidée par la seule observation des lois naturelles qui forment le processus d’évolution » [21].
Adolphe Retté rejette ensuite la méthode aristocratique (oppression brutale du grand nombre par le petit nombre) et la méthode théocratique (qui exige la croyance à une légende ou à un dogme), aussi bien que la méthode démocratique qui aboutit à la théorie des moyennes, à l’oppression de la minorité par la majorité. Seule l’anarchie, selon lui, évite ces écueils. Surtout, si la doctrine anarchiste convainc, c’est qu’elle répond à une cohérence. C’est la logique que met en avant Adolphe Retté pour expliquer le caractère radical des positions anarchistes :
« La propriété individuelle étant injuste en soi, tout ce qui s’y rapporte ne peut être qu’injuste. Aussi l’anarchiste est-il le seul qui raisonne proprement lorsqu’il en demande l’abolition » [22].
Il donne en exemple, pour justifier la solution des anarchistes, certaines lois qui paraissent aller dans le sens du progrès mais qui ont des effets pervers : une loi obligeant les patrons à verser une pension à la famille d’un travailleur blessé aura comme conséquence… l’embauche de célibataires de préférence. Cet exemple est destiné à prouver l’illusion de toute théorie réformiste, « car les lois sont conçues de façon à désarmer le Mangé vis-à-vis du Mangeur » [23].
Léauthier [24] usera de la même terminologie, lors de son procès en 1894, pour expliquer son ralliement à l’idée d’anarchie : « Je l’ai mûrie et adoptée comme la plus belle, la plus logique, la plus légitime… » [25]
Octave Mirbeau, face à La Société mourante et l’anarchie de Jean Grave, lui écrit : « Ce que je trouve d’unique dans votre livre, c’est qu’il est impossible d’y relever une faute de logique ; et c’est plein de clarté » [26]. Et même Camille Mauclair se dit anarchiste, parce que cela semble logique [27].
Clément Duval [28] arguera, lors de son interrogatoire, le simple bon sens : « [...] à cette époque j’étais anarchiste, sans en connaître les théories, mais par bon sens naturel ; j’avais la haine de l’autorité » [29].
On voit que l’anarchisme n’est pas une « foi » que l’on acquiert par la grâce, mais une conviction que l’on se fait après réflexion. De plus, l’artiste tenté par l’anarchisme a le choix entre plusieurs options, plusieurs nuances. Loin de toute organisation centralisée, le mouvement anarchiste est tout naturellement constitué de plusieurs tendances. C’est ainsi que Jean Maitron peut parler de « l’anarchisme éducationniste de Grave et de Pierrot, l’anarchisme insurrectionnel de Malato, l’anarchisme éclectique de Sébastien Faure, l’anarchisme sentimental de Reclus, l’anarchisme fédéraliste et révolutionnaire de Kropotkine, l’anarchisme esthétique de Mesnil, l’anarchisme socialiste et prolétarien de Malatesta » [30]. Si la diversité des tendances est consubstantielle au mouvement anarchiste, c’est justement parce que celui-ci ne procède d’aucun dogme [31].
Le fait que l’anarchisme découle de la logique et non de la foi ou de la conviction a des conséquences sur le langage que les militants utilisent pour propager leurs idées. Le langage des anarchistes n’est pas le langage habituel des partis politiques. Jean Grave en fait le constat dans La Société mourante et l’anarchie (« La vérité sans phrases »). Selon lui, parce que les anarchistes cherchent la vérité et non le pouvoir, ils ne tenteront pas de masquer leurs faiblesses, ni n’essaieront de faire des promesses pour convaincre à tout prix :
« Loin de nous borner à prendre les individus par les sentiments, nous cherchons à les prendre, surtout par la logique et par la raison. [...] au lieu de chercher des croyants nous voulons faire des convaincus » [32].
C’est à la fois la logique et l’absence de dogme, le respect de la liberté, qui poussent tous les révoltés vers l’anarchisme plutôt que vers le socialisme, comme en témoigne par exemple Émile Henry lors de son procès :
« Un moment attiré par le socialisme, je ne tardai pas à m’éloigner de ce parti. J’avais trop d’amour de la liberté, trop de respect de l’initiative individuelle, trop de répugnance à l’incorporation, pour prendre un numéro dans l’armée matriculée du quatrième État » [33].
Émile Henry rapporte comment il a ensuite découvert l’anarchisme, y a adhéré. Dans sa lettre au directeur de la conciergerie, il répète sa conviction d’anarchiste individualiste engagé, reprenant la distinction entre croyants et convaincus et clamant son refus de s’incliner devant une autorité, quelle qu’elle soit :
« [...] gardez-vous bien de croire que l’Anarchie est un dogme, une doctrine inattaquable, indiscutable, vénérée par ses adeptes à l’égal du Coran par les musulmans. Non ; la liberté absolue que nous revendiquons, développe sans cesse nos idées, les élève vers des horizons nouveaux (au gré des cerveaux des divers individus) et les rejette hors des cadres étroits de toute réglementation et de toute codification. Nous ne sommes pas des "croyants", nous ne nous inclinons ni devant Reclus, ni devant Kropotkine, nous discutons leurs idées, nous les acceptons quand elles développent dans nos cerveaux des impressions sympathiques, mais nous les repoussons quand elles ne font rien vibrer en nous » [34].
La peur du « socialisme » tyrannique, niveleur, fatal à l’indépendance, est partagée par presque tous les littérateurs de l’époque. Ainsi Lucien Muhlfeld explique-t-il très clairement les « sympathies anarchistes de quelques littérateurs » :
« [L’anarchisme] est d’ailleurs la seule voie pour eux ouverte ; car le socialisme, qui a les sympathies de la jeunesse des écoles pour ce qu’il est une plate-forme moins foulée aux électorats à venir, le socialisme est odieux à l’artiste qu’il enrégimenterait, et plus seulement pour trois ans… » [35]
De même, Camille Mauclair examinant quel est le meilleur gouvernement pour l’artiste, repousse également le despotisme et le socialisme :
« En face d’un gouvernement despotique, notre impatience du joug et notre haine nous dressent. En face d’un pouvoir constitutionnel où les responsabilités se divisent et s’atténuent, notre ennui nous érige. En face d’un socialisme partageur et tyrannisant l’individu sous le droit de la masse, notre conscience de personnalités supérieures nous soulève » [36].
Bernard Lazare insiste, à de nombreuses reprises, sur le danger que représentent les socialistes autoritaires, qui veulent laisser subsister le principe d’autorité, et « créeraient un état nouveau, une contrainte, une puissance au-dessus de l’homme, dominant, entravant, enfermant l’individu » [37].
Il ne fait aucun doute que la liberté laissée aux individus par l’anarchisme est en grande partie responsable de l’adhésion de nombreux artistes. On retrouve d’ailleurs chez eux les diverses tendances qui existent déjà chez les théoriciens du mouvement (même s’ils se tournent en majorité vers les individualistes). Ainsi, la tendance communiste, représentée, en théorie, par Jean Grave et Kropotkine, recueille plutôt l’adhésion d’écrivains-militants tels que Charles Malato ou Émile Pouget. Laurent Tailhade, Han Ryner, Zo d’Axa se rangent davantage parmi les individualistes. Il est tout aussi certain que c’est également cette grande liberté, en particulier dans l’interprétation de la « doctrine », qui a donné lieu à de nombreux contre-sens.
C. Des artistes à la recherche d’indépendance et de responsabilité
On trouve donc à la fin du siècle chez de nombreux artistes anarchistes la volonté de s’engager tout en restant à l’écart des idéologies. Le thème de l’engagement revient à de nombreuses reprises dans les chansons d’après la Commune. Dans ses Chansons rouges, Maurice Boukay invite les artistes à descendre de leur tour d’ivoire :
"Je voudrais dire à mes amisSculpteurs d’idéal et de rimesQue s’enfermer n’est plus permisLorsque dehors grondent les crimes.Chantons la justice et l’amour !Le peuple va nous faire escortePoète, descends de ta tour !Et puis, ferme ta porte !" [38]
Jean-Baptiste Clément est peut-être, parmi les chansonniers, celui qui est le plus conscient des exigences d’une littérature engagée. Dans son recueil intitulé La Chanson populaire, il souligne en introduction la nécessité de faire des chansons de combat : toute chanson n’est-elle pas, que son auteur le veuille ou non, au service de certaines idées ?
« N’est-il pas très naturel que la chanson suive aussi le mouvement [de socialisation de l’art] et qu’après l’avoir traînée sur les champs de bataille, en vivandière, à la remorque des rois et des empereurs, qu’après en avoir fait la muse de Bacchus, de Mars, de Bellone et autres dieux et déesses aussi imaginaires que le dieu et les vierges du catholicisme, nous voulions que la chanson prenne sa place de combat dans la lutte engagée contre l’exploitation du capital et contre tous ceux qui nous oppriment moralement et matériellement » [39].
Il faut cependant prendre garde, note Jean-Baptiste Clément, à ce que la chanson de combat ne devienne pas une chanson de propagande :
« Et cependant, nous sommes loin de vouloir que la Chanson populaire n’exprime que des idées de revendications, mais ce que nous désirons, c’est qu’on ne s’en serve plus pour préconiser des sentiments, des erreurs, des espérances, des résignations qui ne sont plus conformes au temps où nous vivons » [40].
Cette double exigence (s’engager et éviter l’écueil de la littérature à thèse) est présente chez Clément dès les années qui suivent la Commune de Paris. Dans un long texte intitulé « La Chanson » et daté de décembre 1884, dans lequel il raconte l’histoire de la publication de ses textes, il dit le rôle qu’a joué l’insurrection dans son engagement. Réfugié en Angleterre, il n’a plus le cœur à « aligner des couplets insignifiants » et décide de mettre la chanson « au service de la cause des vaincus ». Il dit toutefois le risque consubstantiel à l’engagement littéraire :
« Mais il y avait à craindre que des chansons à thèse fussent monotones comme un discours d’académicien ou ennuyeuses comme un article d’économie politique » [41].
Cet écueil, il l’évitera en essayant de rester au plus près de la réalité. C’est la conviction du poète et sa fidélité au réel qui le garde des dérives idéologiques.
Si la plupart des artistes disent se détourner de la politique, on aurait donc tort de conclure à un rejet du politique [42]. Comme le dit l’un des personnages d’un roman de Jean Grave : « Nous ne faisons jamais de la politique [...]. Nous ne nous occupons que de défendre notre existence et celle des nôtres contre la rapacité de ceux qui nous exploitent » [43]. La vie politicienne seule inspire du dégoût aux anarchistes, alors que le domaine social, à l’écart du champ clos où s’affrontent les partis politiques, a leurs faveurs. Ainsi Henry Fèvre écrit-il dans un article paru dans les Entretiens politiques et littéraires [44] : « Et surtout pas de politique pure », c’est-à-dire : « Pas de politique. Pas de théories. Des réformes sociales effectives. Voilà seulement ce qui importe et ce qui presse ». C’est en effet souvent par rejet de « la politique » que les artistes se tournent vers l’anarchisme, comme le montre le témoignage de Lucien Descaves :
« En 1892, à l’époque des Temps Nouveaux, j’avais à peine trente ans et je ne m’étais jamais approché d’une urne électorale pour y déposer mon bulletin de vote. [...] A dater de ce moment [la lecture de La Société mourante] je m’intéressai beaucoup plus au mouvement social qu’à la politique décevante, art culinaire d’accommoder les peuples à toutes les sauces » [45].
En tout cas, l’anarchisme montre à ce moment-là aux artistes qu’ils pouvaient sortir de l’alternative entre, d’un côté la tour d’ivoire et de l’autre la participation au pouvoir (à la manière d’un Lamartine ou d’un Hugo). S’ouvre alors devant eux la possibilité de s’engager dans la société, de prendre part au politique, tout en délaissant les luttes pour le pouvoir. Les idées anarchistes représentent pour eux une chance qu’ils ne trouvent pas dans les autres mouvements socialistes, dont ils se méfient. Comme l’écrit Paul-Armand Hirsh dans L’art social :
« Et maintenant, que les ouvriers de la plume, que les artistes, que les hommes de science se rassurent : les anarchistes, plus respectueux des travaux intellectuels que le sont les républicains jacobins ou les socialistes de chapelle, laisseront les talents et les génies – s’il en est ? – éclore et s’épanouir librement ; aucune entrave ne contrariera leurs projets, aucune formalité ne mettra d’obstacles à leurs talents » [46].
Et de fait, beaucoup sont avides de prendre part au mouvement social et sont conscients de leur responsabilité en tant qu’artistes. La notion de responsabilité revient de façon récurrente dans les discours des écrivains de cette époque. On l’a vu apparaître dans l’article de Camille Mauclair (où il critiquait « un pouvoir constitutionnel où les responsabilités se divisent et s’atténuent » [47]). On la retrouve dans les articles de Bernard Lazare ou d’Adolphe Retté.
Ainsi l’anarchisme laisse-t-il l’écrivain libre tout en lui permettant de satisfaire son besoin d’engagement en prenant parti. Ce mélange d’engagement et d’indépendance est particulièrement lisible dans les métaphores utilisées par les littérateurs pour décrire leur situation. Alors que les métaphores militaires débouchent facilement sur l’idée d’une mise au pas des écrivains qui manquent de discipline (« soldat de la révolution »), les images utilisées par les écrivains anarchistes sont celles de combattants indépendants : ils se présentent davantage comme des « francs-tireurs » (Vallès [48]), des « en-dehors » (Zo d’Axa). Lucien Descaves, faisant le portrait de Zo d’Axa dans Les Hommes d’aujourd’hui (n° 409), écrit :
« Au coup isolé du chroniqueur toujours embusqué derrière ses deux colonnes et finissant par s’y endormir, il préfère la ligne de tirailleurs à découvert et les décharges simultanées. Il ne dédaigne pas, au besoin, l’arme blanche ».
Et Jean Grave dit de Séverine qu’elle « n’aime à s’inféoder à aucune école, elle aime à faire la guerre en guérilla » [49]. Henrik Ibsen emploie la même terminologie dans une lettre à Olaf Skavlan : « Je ne puis gêner aucun parti car je n’appartiens à aucun. Je veux être un tirailleur isolé aux avant-postes et agir en toute indépendance » [50]. La littérature anarchiste est une arme, mais celui qui la tient n’appartient à aucune armée constituée. L’avant-garde anarchiste, si tant est que cette expression ait un sens, n’a rien d’un corps organisé, mais est constituée de ces tirailleurs isolés chercheurs d’utopie. Pour Joseph Déjacque, ce sont eux les « explorateurs de l’Avenir » qui toujours vont de l’avant :
« L’humanité, cette immortelle conquérante, est un corps d’armée qui a son avant-garde dans l’avenir et son arrière-garde dans le passé. Pour déplacer le présent et lui frayer la voie, il lui faut ses avant-postes de tirailleurs, sentinelles perdues qui font le coup de feu de l’idée sur les limites de l’Inconnu. Toutes les grandes étapes de l’humanité, ses marches forcées sur le terrain de la conquête sociale, n’ont été accomplies que sur les pas des guides de la pensée. En avant ! lui criaient ces explorateurs de l’Avenir, debout sur les cimes alpestres de l’utopie. [...] - Humanité ! j’arbore sur la route des siècles futurs le guidon de l’utopie anarchique, et te crie : En avant ! » [51]
C’est ainsi qu’à la fin du siècle, les littérateurs anarchistes sont nombreux. Selon un rapport de police :
« Ce n’est point parmi la classe ouvrière qu’il faut aller chercher les nouveaux anarchistes mais parmi la classe des jeunes lettrés et même celle des lettrés d’âge mûr : M. Octave Mirbeau étant un plus dangereux anarchiste dans ses articles que le Père Peinard lui-même !… Messieurs Paul Adam, Georges Darrien [sic] et consorts, plus de 20 qu’on pourrait nommer, sont devenus des anarchistes littéraires autrement sérieux que tous les anti-patriotes de Saint-Denis réunis à ceux de Clichy. Les revues littéraires, les livres publiés sont remplis de développements de l’idée anarchiste, développements qui porteront leurs fruits dans quelques années. La classe ouvrière a peu mordu à l’anarchie jusqu’ici parce qu’elle ne comprenait pas et que ce qui lui était présenté comme anarchie lui faisait peur ; mais en laissant l’idée s’élaborer, se dégager des oripeaux rouges dont l’ont affublée les anarchistes d’hier on verra la classe ouvrière venir à l’anarchie de demain parce qu’elle lui sera présentée par la jeunesse bourgeoise » [52].
Ainsi, comme l’a souligné André Reszler : « L’art "anarchiste" de la fin du siècle naît de la rencontre du sentiment de responsabilité sociale de l’artiste et de l’affirmation d’un idéal social qui fait une large place aux droits de l’individu » [53].
Mais si tous ces artistes, hommes de lettres et écrivains, rencontrent, dans ces années 1880-1900, l’anarchisme, c’est aussi parce que les théoriciens du mouvement ont parallèlement entamé une longue réflexion sur le rôle de l’art dans la société. Tandis que la notion d’« art socialiste » est encore floue, l’image d’un « art anarchiste » commence à se dessiner, à travers les écrits des uns et des autres.
Caroline GRANIER
"Nous sommes des briseurs de formules". Les écrivains anarchistes en France à la fin du dix-neuvième siècle. Thèse de doctorat de l’Université Paris 8. 6 décembre 2003.
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[1] Le mot anarchie apparaît en 1872 à la conférence de Valence, dans un texte officiel de l’Internationale - c’est à l’intérieur de l’Internationale que les anarchistes sont contraints de se définir par opposition aux marxistes, et la scission a lieu en avril 1872 au congrès de La Haye, donnant naissance à la Fédération jurassienne. Voir sur ce sujet Gaetano MANFREDONIA,L’anarchisme en Europe, 2001 ; Jean MAITRON, Le Mouvement anarchiste en France, I : « Ainsi en 1880 la doctrine anarchiste est élaborée et la tactique définie. Il ne reste qu’à passer à l’action » (p. 85).
[2] « Le "communisme autoritaire" est défini comme étant celui de l’Internationale et plus particulièrement celui de Marx et d’Engels. Ce dernier, dans une lettre à Paul Lafargue, se plaint que les "bakouninistes" se servent abusivement du mot pour dénoncer tout ce qui leur est hostile » (cité dans Jean DUBOIS, Le Vocabulaire politique et social en France…, 1962, p. 75).
[3] Gaetano MANFREDONIA, La Chanson anarchiste en France..., 1997, p. 135.
[4] En témoignent les journaux qui, dans les années 1880, prennent ce titre. On voit un Drapeau noir à Lyon (organe anarchiste) en 1883, à Paris en 1886, à Marseille en 1888 (organe communiste anarchiste), en Belgique en 1889…
[5] L’identification à Louise Michel est très forte, comme en témoigne par exemple le titre d’une poésie d’Achille Leroy : « Louise Michel et Le Drapeau noir » (dans La Revanche du prolétariat, Paris, Librairie socialiste internationale, 1885, p. 39).
[6] Cité par Maurice DOMMANGET, Histoire du drapeau rouge des origines à la guerre de 1939, Paris, Éditions de l’Étoile [1966], p. 198 (sur les drapeaux des anarchistes, voir pp. 196-202). Dommanget rappelle à quel point le drapeau noir, pour lequel Jules Vallès également s’est prononcé, est lié à la personnalité de Louise Michel et au souvenir de la Commune.
[7] Le syndicat des menuisiers avait convoqué les sans-travail à un meeting à l’esplanade des Invalides, mais la police dispersa les manifestants qui organisèrent alors une manifestation vers le boulevard Saint-Germain, menée par Louise Michel, Émile Pouget et Mareuil, suivis de cinq à six cents personnes. Des pillages eurent lieu aux cris de : « Du pain, du travail ou du plomb ». Louise Michel et Émile Pouget furent condamnés respectivement à six et huit ans de réclusion (ils bénéficièrent de l’amnistie qui libéra les derniers condamnés du Procès de Lyon en 1886). Voir Jean MAITRON, Le Mouvement anarchiste en France, I, p. 179-181.
[8] Voici ce que dit Le Drapeau noir (n° 1, 12 août 1883) au sujet de ce choix : « Les événements, les faits de tous les jours nous ont montré clairement que le drapeau rouge, si glorieux vaincu, pourrait bien, vainqueur, couvrir de ses plis flamboyants les rêves ambitieux de quelques intrigants de bas étages ; puisqu’il a déjà abrité un gouvernement et servi d’étendard à une autorité constituée. C’est alors que nous avons compris qu’il ne pouvait plus être pour nous, les indisciplinés de tous les jours et les révoltés de toutes les heures, qu’un embarras ou qu’un leurre ».
[9] Gaetano MANFREDONIA, La chanson anarchiste en France…, p. 179-180.
[10] Voir Jean MAITRON, Le Mouvement anarchiste en France, I, chapitre 6 : « Le "parti" et son organisation de 1894 à 1914 », pp. 440-441.
[11] Cité par Jean MAITRON, Le Mouvement anarchiste en France, I, p. 443.
[12] Les « étudiants socialistes révolutionnaires internationalistes » était un groupe d’étudiants en médecine désireux de contribuer à la propagande révolutionnaire : constitué en décembre 1891, le groupement passe à l’anarchisme en 1893 suite à une scission (voir Jean MAITRON, Le Mouvement anarchiste en France, I, p. 138-139).
[13] Cité par Jean MAITRON, Le Mouvement anarchiste en France, I, p. 443. (Ce n’est qu’en 1911 que se constitue une Fédération anarchiste-communiste).
[14] Repris par Jean Maitron, le terme se trouve déjà chez Jean Grave.
[15] Jean MAITRON, Le Mouvement anarchiste en France, I, p. 130.
[16] « L’anarchie », La Révolution sociale, organe anarchiste hebdomadaire, n° 1, 12 septembre 1880.
[17] Joseph DEJACQUE, L’Humanisphère, dans A bas les chefs !, rééd : 1971, p. 90
[18] Joseph DEJACQUE, ouv. cité, p. 90
[19] Joseph DEJACQUE, ouv. cité, p. 91.
[20] Adolphe Retté a, dès 1907, renié ses anciennes sympathies anarchistes. Il reste qu’entre 1892 et 1898, il se consacra entièrement à l’anarchisme (Voir, pour plus de détails, sa biographie
[21] Adolphe RETTE, Promenades subversives, 1896, p. 10.
[22] Adolphe RETTE, Arabesques, « Vers la révolution », 1899, p. 217.
[23] Idem, p. 218.
[24] Léon-Jules Léauthier est un jeune cordonnier anarchiste qui, en 1894 commet un acte de propagande par le fait. Décidé à tuer le premier bourgeois venu (« je ne frapperai pas un innocent en frappant le premier bourgeois venu »), il choisit, dans un restaurant, un client décoré (qui se révélera être un ministre de Serbie) et le tue avec un tranchet. Condamné aux travaux forcés à perpétuité, il meurt au bagne (en Guyane) en 1894 au cours de la révolte des îles du Salut
[25] Cité dans Yves FREMION, L’Anarchiste. L’affaire Léauthier…, 1999, p. 143.
[26] Correspondance Octave Mirbeau-Jean Grave, 1994, p. 36.
[27] Dans un article intitulé « Petits théorèmes d’art social », il explique que les artistes, « intellectuels » dit-il aussi, par leur amour des Idées pures et leur exigence de liberté, sont tout aussi réfractaires au pouvoir despotique que constitutionnel qu’au « socialisme partageur et tyrannisant », et donc ne peuvent qu’être anarchistes : « Voilà pourquoi nous sommes anarchistes, et voilà pourquoi il est équitable, logique, nécessaire que nous le soyons. Poètes, dramaturges, romanciers, approfondissant ou héroïsant l’individu, nous sommes les ouvriers conscients et les fermes progressistes de l’anarchie ». Toutefois, Mauclair entend par anarchiste : individualiste et élitiste (Camille Mauclair, « Petits théorèmes d’art social-I. Une anarchie », dansL’Endehors, 20 mars 1892).
[28] Clément Duval est un illégaliste qui pratique la « reprise individuelle », avec son groupe anarchiste « La Panthère des Batignolles » (1882). Il est arrêté en octobre 1887 par le brigadier Rossignol qu’il frappe de plusieurs coups de poignards (« L’agent m’arrêtait au nom de la loi ; je l’ai frappé au nom de la liberté ! »). Il est condamné aux travaux forcés à perpétuité. Il parvient à s’échapper du bagne (Guyane) en 1901 et meurt en 1935 à New York.
[29] Marianne ENCKELL présente Moi, Clément Duval, bagnard et anarchiste, 1991, p. 18.
[30] Jean MAITRON, Le Mouvement anarchiste en France, I, p. 448. Marc Pierrot (1871-1950), né dans une famille nivernaise républicaine, devient docteur en médecine et adhère aux ESRI en 1891 ; il est l’un des collaborateurs assidus des Temps Nouveaux jusqu’en 1914. Jacques Mesnil, de son vrai nom Jean-Jacques Dwelshauvers (1872-1940) est journaliste et historien d’art ; il évoluera de l’anarchisme au communisme tout en restant fondamentalement « libertaire » (il est l’auteur, en particulier, d’une brochure intitulée Le mouvement anarchiste, 1897).
[31] Voir Jean MAITRON, Le Mouvement anarchiste en France, I, p. 343 : « Le refus d’accepter l’autorité sous quelque forme que ce soit est l’essence de l’anarchisme. Au-delà de ce refus, chacun est libre d’envisager l’action de destruction et de reconstruction sous la forme qui lui plaît. Ni doctrine ni parti ne viennent guider le militant dans ses recherches. Il n’est donc pas surprenant que certaines individualités, particulièrement originales et animées d’une volonté tenace, aient cherché, hors des sentiers battus, à réaliser la conception qu’elles se faisaient de l’anarchisme ». Comme le dit encore Philippe Oriol (« Au temps d’anarchie », dans « Néo-Impressionnisme et art social »-48|14, Revue du musée d’Orsay, n° 12, Printemps 2001, p. 57) : « Mais s’il est question de "mouvement", parce qu’il se manifesta et prit la parole, il ne faudrait pas croire qu’il reposait sur une doctrine et disposait d’un évangile. En effet, par son refus de toute contrainte et de tout dogme, il fut traversé d’une multitude de courants, souvent contradictoires, parfois irréconciliables [...] ».
[32] Jean GRAVE, La Société mourante et l’anarchie, préface par Octave Mirbeau, Éditions Élisée Reclus, p. 25. Bernard Lazare reviendra sur cette distinction dans une lettre à Joseph Reinach, datée du 14 février 1899, à propos de l’affaire Dreyfus : « Depuis des mois nous nous efforçons de convaincre nos citoyens, nous voulons leur expliquer certains faits, nous tentons de leur montrer quelques vérités, nous essayons de les amener à comprendre. Or ils sont susceptibles non pas de comprendre, mais uniquement de croire et nous n’avions pas senti cela. » (cité par Jean PHILIPPE, Bernard Lazare tel que Péguy l’aimait, 2001, p. 71).
[33] Déclaration d’Émile Henry lors de son procès, rapportée dans Ravachol et les anarchistes, 1964, p. 104.
[34] Émile Henry, Lettre au directeur de la Conciergerie (27 février 1894), citée dans Avant Garde, n° 3, p. 18 [archives de la préfecture de police, p. Po BA/140].
[35] Lucien Muhlfeld, « Des sympathies anarchistes de quelques littérateurs », L’Endehors, 24 juillet 1892.
[36] Camille Mauclair, « Petits théorèmes d’art social », L’Endehors, 20 mars 1892.
[37] Cité par Augustin HAMON, Psychologie de l’anarchiste-socialiste…, 1895, p. 202-203. Lors du Congrès Socialiste de Londres (été 1896), il parle de « l’Église de Saint-Marx » : « j’ai rarement vu un parti plus sectaire » (cité par Carole Sandrel : « Bernard Lazare journaliste et anarchiste », dans Bernard Lazare anarchiste et nationaliste juif, 1999, p. 147).
[38] Maurice BOUKAY, « Fermez la porte », dans Chansons rouges, Paris, Ernest Flammarion, 1893, p. 106.
[39] Jean-Baptiste CLEMENT, La Chanson populaire, 1900, p. 6.
[40] Idem, p. 7.
[41] Jean-Baptiste CLEMENT, Chansons, Paris, 1887, p. 12.
[42] Ainsi Philippe Oriol note-t-il à propos de Bernard Lazare, faisant allusion à l’opposition entre la mystique et la politique de Charles Péguy : « [...] c’est peut-être plutôt une autre distinction qu’il faudrait faire, entre le politique et la politique ou, avec Max Weber, entre ceux qui vivent pour la politique et ceux qui vivent de la politique » (Philippe Oriol : « Bernard Lazare anarchiste », dans Bernard Lazare anarchiste et nationaliste juif, 1999, p. 53).
[43] Au temps de l’anarchie, un théâtre de combat…, 2001, tome I, p. 521.
[44] Henry Fèvre, « Indications politiques », dans les Entretiens politiques et littéraires, n° 46, juillet 1893 (volume IV), p. 1-6.
[45] Lucien DESCAVES, Souvenirs d’un ours, 1946, p. 125.
[46] Paul-Armand Hirsh, « Notes anarchistes », L’art social, octobre 1892.
[47] Camille Mauclair, « Petits théorèmes d’art social », L’Endehors, 20 mars 1892.
[48] Dans sa préface du Nouveau Parti, de Benoît Malon, Jules Vallès écrit : « Libre je resterai aujourd’hui, comme autrefois. Ne t’attends donc pas à m’entendre parler collectivisme ou anarchie à propos de ton livre. Je ne vais pas m’enfermer dans un bivouac, quand j’ai devant moi tout le champ de bataille révolutionnaire » (Préface à Benoît Malon, Le Nouveau Parti, Paris, Dervaux, 1881, reproduit dans Œuvres, Pléiade, II, p. 440).
[49] Jean Grave, « Bibliographie », supplément littéraire des Temps Nouveaux, n° 35, p. 656.
[50] Henrik Ibsen, Lettre du 24 janvier 1882, cité dans Henrik IBSEN, Être soi-même, Paris, Les Belles lettres, 1995, p. 119.
[51] Joseph DEJACQUE, L’Humanisphère, ouv. cité, p. 132.
[52] Cité par Philippe Oriol, « Bernard Lazare anarchiste », art. cité, p. 18 [Archives de la préfecture de police, B/A 77, rapport 21.000 7 A du 5 novembre 1891].
[53] André RESZLER, L’esthétique anarchiste, 1973, p. 86. Et Christophe Charle écrit : « Seul donc l’anarchisme, qui récuse toute autorité et revendique l’autonomie de toutes les minorités à l’égard des majorités, peut convenir théoriquement et structurellement aux écrivains pour se penser et se justifier politiquement et socialement » (Christophe CHARLE, Naissance des « intellectuels »…, 1990, p. 110).