ENCKELL, Marianne. " Des histoires (presque) vraies."

VANZETTI, Bartolomeo (1888-1927)SACCO, Nicola (1891-1927)MIRBEAU, Octave (1848-1917)SERGE, Victor (Bruxelles, 1890-Mexico, 1947)Révolution soviétique. Kronstadt (1921)BONNOT, Jules (1876-1912)TAILHADE, Laurent (1871-1919). PoèteSINCLAIR, Upton (1878-1968). Romancier américainZEVACO, Michel (1860-1918)JACOB, Alexandre Marius (1879-1954)ENCKELL, Marianne (1944 - ....)

Sherlock
Dans un roman récent de Pino Cacucci (dont on lira plus loin un article sur Paco Ignacio Taibo II), In ogni caso nessun rimorso , on lit que Jules Bonnot, réfugié en Angleterre pour échapper à la police française, y devint le chauffeur de sir Arthur Conan Doyle et lui raconta que le personnage d’Arsène Lupin avait été inspiré à Maurice Leblanc par le légendaire Marius Jacob.
La filiation entre Arsène Lupin et Jacob est elle-même légendaire ; l’anecdote de Conan Doyle part du livre de Bernard Thomas sur la Bande à Bonnot, qui cite une source (Michel Chomarrat) mal lue ou volontairement romancée : c’est en fait l’un des collaborateurs de sir Arthur, un nommé Ashton Wolfe, qui aurait eu Bonnot pour chauffeur à Lyon, vers 1910.
Avant Cacucci, d’autres auteurs qui avaient sans doute lu Arsène Lupin contre Sherlock Holmes ont mis en scène les rapports putatifs du dernier nommé avec de vrais anarchistes. Gilbert Gardes, dans L’Affaire Kropotkine (His Last Love), tire son inspiration des mémoires de Kropotkine. En 1882, prévenu à Lyon, Kropotkine avait été fort touché par l’arrivée d’un ami d’Angleterre, " porteur d’une somme considérable d’argent destinée à obtenir ma liberté sous caution, écrit-il, et il était chargé en même temps de me dire de la part de mon ami de Londres... que je devais quitter immédiatement la France ". Cet ami aurait été, selon les historiens, le parlementaire et éditeur Joseph Cowen. Mais l’auteur du roman préfère imaginer qu’il s’agit de Sherlock Holmes, lequel va sauver Kropotkine d’une tentative d’assassinat dans sa prison - pour l’amour d’une belle dame, évidemment.
On retrouve le détective dix ans plus tard, sous la plume de René Réouven (L’Assassin du boulevard) ; son dévouement à une belle cousine est cette fois-ci platonique. L’histoire, qui tourne autour de la personne (réelle) de Théodule Meunier et de la bohème littéraire parisienne, est embrouillée et prétend prouver que la plupart des attentats ayant défrayé la chronique en 1893-1894 auraient été commis par des sbires de Moriarty, l’ennemi juré de Sherlock.
Trois lignes sauvent toutefois le roman de la banalité. Lors d’une soirée au théâtre, Sherlock Holmes se fait indiquer dans sa loge le poète Laurent Tailhade, " sympathisant avoué des théories libertaires, avec Zévaco, Mirbeau et tant d’autres... mais aujourd’hui, cela fait partie de la panoplie intellectuelle de l’élite ", précise son cicérone par la plume du romancier.
Lire la suite