ACÍN AQUILUÉ, Ramón (1888-1936)

BUÑUEL, Luis (1900-1983)Communication. FilmsFERRER Y GUARDIA, Francisco (1859 - 1909). Educateur espagnol. Voir aussi "Ecole moderne"PICASSO, Pablo (1881-1973). Peintre espagnolACÍN AQUILUÉ, Ramón (1888-1936)FREINET, CélestinCOSTA, JoaquínMONRÁS, ConchitaDALI, Salvador

Ramón Acín est né en 1888 à Huesca en Aragon. C’était à l’époque une petite ville dans le Haut Aragon [1]. Leur état de dénuement physique et intellectuel était tel qu’après avoir plus tard gagné une grosse somme d’argent à une loterie, il financera un documentaire de Buñuel pour dépeindre cet univers. Las Hurdes sera un documentaire que le cinéaste présentera comme un "essai cinématographique de géographie humaine" [2].

Sculpteur passionné par le métal et les lanternes magiques, admirateur des pédagogies de Francisco Ferrer, de Joaquín Costa et de Célestin Freinet, Acín est nommé professeur de dessin à l’Ecole normale de Huesca en 1916. Partisan de la non-violence, il défend et promeut une éducation rationaliste, comme arme de la révolution sociale. Il se charge ainsi avec sa femme, Conchita Monrás, de l’éducation de leurs deux filles, Katia et Sol. Il organise aussi des cours du soir pour les ouvriers et en 1922, il crée dans son domicile une académie privée de dessin, qu’il anime en pédagogue libertaire. En 1932, il suscite avec Herminio Almendros le premier Congrès de la technique de l’imprimerie à l’école pour y présenter les réalisations de Freinet. Un deuxième congrès se tiendra en 1935.
Militant anarcho-syndicaliste, très populaire dans sa ville natale,– il semble qu’il aurait pu candidater à la mairie,– il la représente aux congrès de la CNT.
Il se lance également dans une carrière de journaliste, tant dans la presse de grand tirage [3] que dans le mouvement anarchiste. Dès 1913, il participe à la création de la revue La Ira à Barcelone [4], et il va collaborer à de multiples revues anarchistes en Aragon et en Catalogne : Floreal, El Talión, Cultura y acción, Lucha social, Solidaridad obrera..., ce qui lui occasionne à plusieurs reprises d’être emprisonné.
La bibliographie est importante : plus d’une centaine d’articles, dans les genres les plus divers : études critiques, témoignages autobiographiques, commentaires sur l’art, hommages rendus à des personnages illustres ou à des amis. Il est à remarquer son intérêt pour l’écologie (articles sur le reboisement), la défense animale (textes contre la tauromachie), le végétarisme et le naturisme. Il anime également des conférences sur des sujets aussi variés que les enfants russes, les employés de commerce, l’anti-électoralisme ou l’écrivain Ramón Gomez de la Serna.

Sa participation à divers soulèvements le contraint plusieurs fois à s’exiler à Paris, en 1926 et 1931, ce qui le met en contact avec les artistes d’avant-garde. Ami de Picasso et de Dali, il publiera plusieurs manifestes artistiques, dont un sur Goya, en 1928, pour critiquer les commémorations officielles.

En 1913, l’obtention d’une bourse lui permet de voyager et de faire de grandes peintures à l’huile (par exemple une Vue de Grenade depuis le Generalife). Mais il ne se limitera pas à un seul art : plus de 80 dessins, des caricatures (contre l’Eglise, la guerre, la corrida), des sculptures, dont les fameuses cocottes en papier qui constituent le monument des Pajaritas, futur symbole de la ville de Huesca.
En 1928, son manifeste sur Goya s’oppose aux commémorations officielles. Il expose à Madrid en 1931 des sculptures en plaques de métal découpées qui connaissent un grand succès (La Danseuse, Le Garroté). Influencé par le surréalisme, il réalise plusieurs collages. Enfin, il s’intéresse aux arts et traditions populaires : il collecte des objets anciens en vue de l’ouverture d’un musée.
En 1936, les autorités de Huesca refusant d’armer le peuple, l’armée et la garde civile prennent facilement le pouvoir. Dans Un dernier soupir, Luis Buñuel évoque sa mort en ces termes : « Quand la guerre commença, en 1936, un groupe d’extrême droite se présenta pour l’arrêter, à Huesca. Habilement, il réussit à leur échapper.
Les fascistes s’emparèrent alors de sa femme et annoncèrent qu’ils allaient la fusiller si Acín ne se présentait pas lui-même. Le lendemain il se présenta. On les fusilla tous les deux. » Et on détruisit plusieurs oeuvres de l’artiste.

[1Je suis redevable à Felip Equy d’avoir porté cette intéressante figure à ma connaissance. On pourra consulter son article "Ramón Acín (1888-1936) dans Le Monde libertaire (23 décembre 2004) p. 14-15

[2Traduit en français comme Terre sans pain, ce film bénéficie aussi de la collaboration d’un autre intellectuel anarchiste, l’aragonais Rafael Sanchez Ventura, comme assistant réalisateur. Cette collaboration entre anarchistes et Buñuel, qui vient d’adhérer au Parti communiste espagnol, qui n’est alors qu’un groupuscule gauchiste, s’explique par leur commune hostilité à l’égard des socialistes qui ont collaboré avec les républicains "bourgeois".
Le film, tourné en 1933, est présenté la même année à Madrid. Le documentaire étant muet, Buñuel, lit le commentaire au micro, tout en passant des disques de Brahms. C’est le scandale, le film est interdit par le gouvernement républicain.
En 1937, la situation est différente. La guerre civile en Espagne a placé le pays dans l’actualité. Le film trouve un distributeur, il est sonorisé en anglais et en français et il est même présenté à l’Exposition internationale de Paris, au très officiel pavillon républicain espagnol. Le film est diffusé dans le monde : Buñuel a ajouté un commentaire final "républicain".

[3en particulier dans le quotidien El Diaro de Huesca.

[4Son sous-titre était : « organe d’expression du dégoût et de la colère du peuple ».