COLOMBO, Eduardo. La volonté du peuple. Démocratie et anarchie.

démocratieCOLOMBO, Eduardo. Médecin et psychanalyste, militant anarchiste, membre de la CNT française et ancien membre de la FORA. Bibliographie Philosophie. Anarchisme : témoignages, conceptions, questionnements, réflexions, philosophies, théories* bibliographie

Editions CNT / Les éditions libertaires, 2007.
138 p.
Le dernier ouvrage d’Eduardo Colombo est en petit format, édité par la
CNT, ce qui ne devrait pas rebuter le militant qu’effraie les gros pavés
académiques. Voilà bien un avantage des sociétés inégalitaires. Car si
la France était un pays démocratique, au moins sur le plan intellectuel,
les écrits d’Eduardo Colombo seraient discutés dans les facultés de
sciences politiques. Il y aurait peut-être même quelque ouvrage
universitaire sur cette pensée rigoureusement structurée. Et le grand
public n’oserait pas aborder ce monument.
Mais sans doute Colombo me répondrait-il que c’est justement parce qu’on
est en démocratie libérale qu’un tel rayonnement médiatique est quasi
impensable Et il choisit des petits éditeurs et des formats facilement
accessibles. Ce qui fait qu’on peut aussi le lire dans plusieurs
langues, notamment en espagnol, en italien et en portugais. Et qu’on
peut rêver d’ une société où les grands intellectuels publieraient des
brochures à la portée de toutes les bourses. Comme au bon vieux temps de
Kropotkine et de Reclus.
Ce qui ne supprimerait pas l’effort de les lire. Car en général les
ouvrages de lecture facile ne nous apprennent pas grand chose. Ce qui
s’acquiert sans effort complète un savoir déjà acquis mais n’apporte
rien de vraiment neuf.
Ce n’est pas ici le cas. Nous ne sommes pas simplement dans le domaine
de l’argumentation pour ou contre l’anarchisme ou la démocratie.
L’auteur nous amène au-delà, ou plutôt en deçà, aux sources de tous ces
discours. Il nous fait remonter jusqu’à l’espace imaginaire où patinent
les partisans de l’État moderne, les Hobbes, les Rousseau, les Michel
Foucault, les Isaiah Berlin et autres Fukuyamas. On y découvre les
échafaudages peu esthétiques et même carrément instables sur lesquels
sont construits leurs argumentations. Colombo dénonce aussi les
infiltrations de l’idéologie dominante jusque dans les milieux
libertaires. Par exemple, à ceux pour lesquels “toute l’histoire
révolutionnaire se réduit à une ligne droite qui va de Rousseau à l’État
bolchévique” il répond : “on me permettra de préciser que, pour y ajoute
foi, il faut être au préalable un adepte de la ‘vulgate révisionniste’
qui enseigne que toute révolution porte en elle-même le jacobinisme, le
léninisme et le totalitarisme.” (126) De quoi alimenter de passionnants
débats, dont on peut espérer qu’ils seront fructueux.
Colombo, qui a par ailleurs écrit aussi sur l’histoire de l’anarchisme
argentin, sur l’utopie, sur les divers concepts anarchistes, nous offre
ici des chapitres courts, repris d’articles précédemment publiés dans
diverses revues. Ce qui réunit un véritable bouquet de citations
judicieuses tirées de tout un univers philosophique. Quant à l’éclairage
des argumentations adverses, il se fait à travers un véritable feu
d’artifice. A lire, à relire... et à discuter.
Ronald Creagh