GIRAUD, Didier et GIRAUD, Marielle.- " Émile Masson, professeur de liberté ".

Communication présentée le 23 octobre 1999 aux Journées d’hommage à Francisco Ferrer (90 e anniversaire de son assassinat par l’État espagnol) Bieuzy-les-Eaux (Morbihan, France), 23 et 24 octobre 1999

Société. Enseignement : voir École, ÉducationMASSON, Émile (1869-1923)GIRAUD, MarielleCommunication. Presse anarchiste : 20e siècleBretagne (France)Droit. Procès.- Affaire DreyfusTOLSTOÏ, Léon (1828-1910)GRAVE, Jean (1854/10/16 - 1939/12/08). Auteur, éditeur et conférencier anarchiste. Pseud. : Jehan LE VAGREPolitique. Éducation nationaleRencontres et Colloques. Journées d’hommage à Francisco Ferrer 90° Anniversaire de son assassinat par l’Etat espagnol. Bieuzy (Morbihan) 1999GIRAUD, Didier

Personnage très méconnu, anarchiste déclaré, contemporain de Faure et de Ferrer, a été marqué par le procès des 30, la lecture de Kropotkine et de Reclus. Il a correspondu avec tous les grands anarchistes de l’époque, en particulier Jean Grave. [1]

Il a été très marqué par l’affaire Dreyfus, qui fut pour cette génération le mai 68 de l’époque. Il y avait à côté de cette affaire tout le courant des université populaires, d’émancipation populaire, qui groupait des universitaires et organisait un grand brassage social. Masson, très religieux par l’idéalisme de sa jeunesse, met au placard ces convictions mais garde fortement un idéal éthique et l’idée que l’exemple personnel compte avant tout. Il prend cet aspect de Tolstoï, ainsi que ses aspects pédagogiques, et comme angliciste et mari d’une anglaise, il est très influencé par des expériences pédagogiques des premières années du siècle en Grande Bretagne. S’intéresse aussi à la psychologie de l’enfant.
Il se retrouve professeur à défaut d’autre chose, considérait que le droit faisait des charlatans et considérait presque toutes les carrières auxquelles aboutissaient les études comme étant immorales. Il devient aussi pédagogue et mène un combat très virulent pour une forme d’enseignement à l’intérieur même du système. « Tous les professeurs devraient être des professeurs de liberté » dit-il.
Il y a toute sa vie une volonté de rompre toutes les barrières entre classes sociales, entre les élèves, entre toutes les strates qui existent dans le système d’enseignement. Professeur de collège dans une petite ville, il trouve normal de remplacer un instituteur malade. Membre très actif des débuts du syndicalisme révolutionnaire des instituteurs et se montre toujours prêt à ne pas se cantonner dans un rôle de professeur élitaire que lui assigne le système. Il cherche aussi à valoriser le savoir populaire, notamment à propos de la langue bretonne, qu’il redécouvre à partir de 1907 environ, qu’il réapprend des paysans et des élèves, et trouve utile de diffuser des connaissances qu’il apprend en se faisant l’élève des petits paysans. Il y a donc un renversement permanent de « celui qui sait » « celui qui ne sait pas ».
Il donne une grande importance à l’affectif dans l’enseignement, notamment à propos des petits enfants. Il compare l’éducation à un jardinage très délicat : il faut intervenir avec délicatesse tout en laissant l’enfant pousser, parce qu’il doit devenir un être social, révolutionnairement différent si possible.
Masson a aussi une relation très forte avec les bébés, y compris avec les siens, qu’il sait aussi pouponner. Il écrit un article « bébés et révolution ».
Sortant du cadre scolaire, il s’efforce de diffuser le savoir à l’extérieur, sur le terrain breton, aux paysans et dans leur langue. Il fonde la petite revue Brug (1913-1914) ,très précieuse aujourd’hui, qui est bilingue et gratuite.
S’il reste dans un cadre classique, avec une pédagogie différente qui déconcerte les responsables académiques, car ils le voient expliquer, par exemple qu’enseigner en breton facilite l’apprentissage de l’anglais, car elle a autant de réussites qu’ailleurs malgré ses différences, son pacifisme l’amène à diffuser des tracts sous le manteau. Ses pages splendides sur l’enseignement libertaire représentent une critique féroce de l’enseignement vu de l’intérieur

Attaché à une forte identité culturelle, il rêve aussi d’internationalisme en s’efforçant de défendre fortement l’espéranto, il imagine une école bretonne libertaire dans un roman qu’il projette en 1920. L’ambiance évoque l’école de la Ruche et quelques autres, l’environnement naturel est mis à contribution, on chante beaucoup — des airs irlandais, des airs bretons traditionnels, - une ambiance de gaieté et de volontariat, une directrice, pas de domestiques, pas de séparation entre l’éducation et l’instruction.

[1Ce texte est un compte-rendu de Ronald Creagh (seul responsable des erreurs éventuelles !)