Pragmatisme

Pragmatisme, critique anarchiste et transformation sociale
Le pragmatisme est une théorie philosophique qui part de l’action. L’anarchisme, dont le moyen par excellence est l’action directe, ne peut-il pas gagner à se voir penser dans le cadre d’une théorie philosophique pragmatiste ?

Irène PEREIRA

Si vous lancez une idée en France, le pragmatique vous répondra : faisons l’expérience si ça marche. Quelle horreur ! Dans ce pays, on ne vérifie pas les idées, on les applaudit ou on les critique. On décrète d’avance que telle idée est bonne ou mauvaise, qu’elle fonctionnera ou sera catastrophique. Si on a l’esprit critique, on rattachera l’idée à un système, ou même à un parti politique, comme un toutou avec une chaîne. Tout va bien alors si le système correspond à l’idéologie que vous défendez. Dans le cas contraire, vous devinez la suite.
En philosophie, les choses se compliquent parce que chaque penseur a créé son propre univers. Les papillons qui volent dans le monde de Kafka n’ont pas les mêmes couleurs que celui que le philosophe Zhuangzi a vu dans son rêve. Le pragmatisme a un sens différent selon les auteurs.
Qu’est-ce que tout cela a à voir avec le mouvement anarchiste ? L’anarchisme est une conception politique, et en principe ne se pose pas comme une démarche philosophique particulière. Les anarchistes qui étaient ou qui sont philosophes ont des conceptions philosophiques très diverses. On est donc bien aujourd’hui dans deux domaines distincts.
Cependant, quand il s’agit de la méthode pragmatique, il est clair qu’un anarchiste peut penser le politique de manière fort diverse : son affectivité, sa rationalité, ses choix et ses conceptions propres entrent en jeu. Et dans ce cas il peut adopter une démarche pragmatique.
A l’opposé du marxisme, qui pose une science de l’histoire et, par conséquent, donne au scientifique le pouvoir d’expliquer au militant ce qu’il doit faire, on part de l’action collective pour dégager ce qui est domination et ce qui ne l’est pas, pour étudier les faits sociaux. C’est la critique que Bakounine fait à Marx. Proudhon aurait eu des positions pragmatistes.
Notons, en passant, que les fondateurs de ce courant philosophique né aux Etats-Unis, notamment William James et John Dewey, ont aussi été parfois proches de la pensée anarchiste. Ils ne se sont pas identifiés avec ce mouvement, leur philosophie ne se pensait pas comme anarchiste, mais ils ont politiquement adopté des positions anarchisantes, dans le cas de William James, ou collaboré avec le mouvement, dans celui de John Dewey.
Actuellement, en France, la réflexion anarchiste sur le pragmatisme est particulièrement élaborée par Irène Pereira à partir des capacités d’action des acteurs. Selon cette philosophe, il ne s’agit pas de voir si la théorie anarchiste est émancipatrice, mais si une sociologie des pratiques militantes ou des actions collectives permet d’établir une philosophie de l’émancipation et de construire la théorie critique qui sous-tend les pratiques de lutte.
R. C.

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