II.1 L’Enclos une célébration de "l’homme plus grand que l’homme"
Textes précédents
Partie I. L’écriture des possibles : l’anarchisme comme opposition au déterminisme
– I.1 Armand Gatti et l’anarchisme : dimensions politique et métaphysique.
– I.2 Ouvrir le champ des possibles contre les déterminismes
II.1 L’Enclos, une célébration de "l’homme plus grand que l’homme"
C’est en 1961 qu’Armand Gatti réalise son premier film, L’Enclos. Il a déjà écrit un certain
nombre de poèmes et de pièces de théâtre, mais la mise en scène théâtrale viendra plus tard. Le
scénario de L’Enclos a pour sujet l’expérience fondatrice de toute son écriture, celle du camp de
concentration, à partir de laquelle l’écriture est envisagée dans sa capacité, ou non, à témoigner
et « dépasser » l’horreur de la déportation [1].
Armand Gatti raconte ainsi la genèse du film :
L’idée première du film est née d’une expérience du camp. J’avais connu là-bas deux hommes qui vivaient dans une fraternité profonde, phénomène rare dans cet univers où tout était mis en œuvre pour briser les solidarités humaines et faire de chaque déporté l’ennemi de l’autre. L’un était italien, le second espagnol. Un jour, ils se sont battus. L’Espagnol avait fait une plaisanterie sur Mussolini. L’Italien avait répondu par une plaisanterie sur Franco. Et l’un défendant Mussolini, l’autre Franco, ils se sont tapés dessus. L’histoire m’avait beaucoup frappé. Voilà deux combattants antifascistes, enfermés ensemble dans le camp de concentration et qui, par l’effet de la fibre nationaliste, se mettaient à représenter les fascismes respectifs qui les avaient envoyés là.
J’ai écrit une première version de L’Enclos - cinématographique - à partir de cette histoire. Et je me suis aperçu en route que même si elle était vraie, cette version mettant en présence un Italien et un Espagnol ne rendait pas compte de la réalité des camps.
J’avais fait à cette époque une autre expérience : la découverte des Juifs dans le camp. Elle avait été fondamentale au point que non content de me prendre pour Juif moi-même, je suis devenu Le Juif. Avec le monde de la judéité, je découvrais un peuple qui s’était inventé un langage pour parler avec Dieu. Il y avait un langage pour la terre, un langage pour les éléments et soudain celui-là qui montait à la verticale vers le ciel. .. Le Juif devenait indispensable dans le film.
Face au Juif, qui pouvais-je mettre ? Par l’évidence de l’équilibre, fatalement un Allemand. Pas un chef de camp ou un SS, opposition qui ne présentait aucun intérêt, mais un politique, un vétéran du camp. C’est ainsi que sont nés David et Karl.
Mon histoire n’a pas soulevé l’enthousiasme. Un scénario sur les camps de concentration présentant comme l’un des héros un communiste allemand, c’était tout bonnement impensable. Mais finalement le film s’est fait. [2]
L’Enclos est donc une fiction construite à partir de faits réels et vécus par le cinéaste. C’est en fait le premier film de fiction français sur les camps de concentration. Il s’inscrit pleinement - de même que les textes littéraires de Gatti évoquant la déportation - dans la grande problématique autour de la possibilité de représenter l’expérience concentrationnaire par l’art et éventuellement par le recours à la fiction.
La question, posée par Théodor Adorno [3] , de savoir si l’on peut - et comment l’on peut -
continuer à écrire de la poésie après Auschwitz, est présente dans la réflexion d’Armand Gatti sur le langage. Toute son œuvre sera traversée par la mémoire du camp et la nécessité d’écrire pour l’exorciser, et continuer à résister. À partir de là, nait 1’« utopie d’un langage [4] » qui porte le combat de l’homme, et la recherche d’une écriture pour « changer le passé ».
Gatti ne bannit pas la fiction
pour évoquer les camps ; au contraire, elle se révèle essentielle dans le cas de L’Enclos, où elle permet de produire un discours sur la condition de l’homme, au-delà de sa dimension forte de témoignage. Ce qui ne l’empêche pas de sentir la gravité des enjeux éthiques particulièrement sensibles dans la fiction, et de désapprouver un film comme La Vie est belle de Roberto Benigni [5] , qui transmet une image fausse et banalisée des camps, et utilise de façon indécente la déportation comme cadre d’une « bouffonnerie sentimentale [6] ».Jean Douchet souligne le caractère à la fois « allégorique » et très réaliste de L’Enclos :
Ce qui est intéressant dans L’Enclos, c’est que, pour la première fois, le camp de concentration est pris comme un objet de réflexion sur le monde. L’aspect allégorique l’emporte sur l’aspect réaliste, et paradoxalement, ce film se trouve être plus réaliste sur le détail de la vie dans les camps que les précédents films qui n’en montraient que le côté apocalyptique. [7]
Et en effet le récit de L’Enclos permet cette dialectique entre allégorie et réalisme. Comme dans une tragédie classique [8] se retrouvent les trois unités de lieu (le camp), de temps (le récit se déroule essentiellement sur une nuit) et d’action (tout tourne autour de l’enclos, où sont enfermés les deux hommes à qui l’ont a voulu faire croire que la mort de l’un sauverait la vie de l’autre, et sur l’action de solidarité qui s’organise pour secourir Karl, le communiste allemand). Ce resserrement du récit à tous les niveaux valorise cette dimension allégorique, qui produit un discours sur l’homme et sa capacité à résister. Armand Gatti pointe d’ailleurs les limites de l’usage d’« images d’horreur » dans la plupart des films témoignant sur les camps, d’une part parce que l’on s’habitue aux images les plus atroces, d’autre part parce cela ne permet pas la distance nécessaire à un discours sur l’homme, et ce qu’il en advient dans les camps. Aussi affirmera t- il
Surtout en ce qui concerne le cinéma, on peut distinguer deux manières d’aborder l’expérience concentrationnaire. Certains se sont attachés au phénomène, de l’extérieur. Ce qui donne des images d’horreur, des images bilan avec les morts entassés et une vision hideuse de la chose. J’ai voulu réagir contre cette vision. D’abord parce que l’horreur est en définitive très digestible ; on la voit une fois, deux fois, trois fois, puis elle fait partie d’une imagerie et on vit avec. Mais il n’apparaît pas dans cette vision de l’univers concentrationnaire, ce qui pour moi est très important l’avènement d’un certain type d’homme. [9]
La singularité de la démarche d’Armand Gatti est frappante par rapport aux autres films importants qui se sont confrontés au problème de la représentation du génocide nazi. Nuit et Brouillard, réalisé par Alain Resnais cinq ans avant L’Enclos, et Shoah, réalisé par Claude
Lanzmann vingt-quatre ans plus tard, constituent des œuvres essentielles dans le champ du documentaire. Les deux films engagent une réflexion sur le caractère irreprésentable du génocide. Le premier le fait par la confrontation entre les images (elles-mêmes divisées entre images d’archives et images filmées par Resnais qui se confrontent), le commentaire de la voix off (écrit
par Jean Cayrol et récité par Michel Bouquet) et la musique, décalée par rapport aux images et au commentaire. François Niney analyse cette forme trouvée par Alain Resnais dans son rapport au « possible » :
[ ... ] inventant contre le montage illustratif et linéaire, un montage proliférant, opérant des rapprochements jusque là ignorés ou creusant l’écart entre les images qu’il assemble, et creusant dans les images l’espace du temps pourrait-on dire, arrachant le spectateur à l’immédiateté du vu, à l’évidence de l’image, pour restaurer l’épaisseur d’un vécu, les méandres d’une histoire, toujours fragmentaire, inachevée, qui ne connait pas de mot de la fin mais persiste à chercher un sens. Derrière le sacrifice aberrant et obstiné des vies volées, perce la nostalgie des mondes possibles que le monde réel a fait voler en éclats, et derrière la nostalgie la persévérance de nouveaux possibles [10] .
On retrouve dans ce rapport aux possibles un lien évident avec la pensée de Gatti. Pourtant, la notion de « possible » est surtout thématisée dans L’Enclos, et agira de façon plus évidente sur la forme même de films comme La Première lettre ou Le Passage de l’Èbre. Il semble que le sujet de L’Enclos ait dicté à la mise en scène de Gatti, dans son cadre fictionnel, une certaine sobriété, un certain refus de l’expérimentation formelle qui eût été indécente dans un tel contexte. La force du film paraît en tout cas émaner de cette façon qu’il a de suivre chronologiquement les évènements, de rester au plus près des personnages principaux - l’aspect allégorique n’intervenant pas à côté de la description « réaliste » des événements mais en même temps qu’elle, et à travers elle.
Shoah quant à lui écarte toute reconstitution pour se concentrer sur les lieux au présent et le récit de témoins survivants. Il évoque l’horreur sans la représenter. Son propos se situe plutôt, comme le souligne François Niney, du côté de l’analyse du système nazi et de l’extermination dans leur rationalité [11], tandis que le film de Resnais interroge surtout notre rapport à la mémoire.
Le propos d’Armand Gatti est différent. Marc Kravetz relate ainsi une discussion qui suivit la projection du film au festival de Moscou en 1961 :
« Pourquoi avez-vous traité en cinq minutes au début toute la violence du fascisme, toute la réalité du camp et qu’ensuite vous faites tout le film sur la solidarité entre détenus ? Pourquoi pour être réaliste, n’avez-vous pas inversé ; 1h40 de pénible vie concentrationnaire et cinq minutes pour dire l’espoir, la lutte, à la fin ? ». Réponse de Gatti :« Ce qui fait l’homme plus petit que l’homme ne m’intéresse pas. Je m’intéresse à ce qui fait l’homme plus grand que l’homme. Cinq minutes à montrer comme on est dégradé, c’est un coup de chapeau à la réalité, mais il ne faut pas en faire plus. Quant au reste à montrer, derrière l’effondrement des valeurs humaines, le chant de l’engoulevent dans la nuit, la résistance me paraît correspondre à une toute autre réalité. Beaucoup plus importante. La mesurer en mètres de pellicules, pourquoi ? » [12]
L’Enclos apparaît comme une tentative de mettre en scène cette idée de « l’homme plus grand que l’homme », qui fonde l’éthique et l’esthétique d’Armand Gatti. Ce qui fait que son cinéma ne va jamais s’en tenir à un réalisme documentaire qui consisterait uniquement à témoigner de
l’horreur et des injustices. L’art doit intervenir contre la résignation, et pour relayer l’homme en lutte ; la réplique de Karl, le communiste allemand, à David :« Ici, ce n’est pas l’homme qui compte, c’est sa lutte », résume le propos du film. L’ensemble de ses choix esthétiques est dicté par cette volonté de montrer la subsistance possible de la solidarité et de la capacité de révolte dans les circonstances les plus inhumaines. Il s’agit d’un problème éthique : ne pas rabaisser l’homme de nouveau en ne le représentant qu’humilié.
Pour autant, l’histoire de Karl et David n’élude pas la réalité dramatique de la vie concentrationnaire : elle souligne, au contraire, par opposition, le processus de déshumanisation quotidien. Et le scénario convoque un certain nombre de faits qui correspondent à cette réalité quotidienne des camps : il y a la prostituée Anna Capek, « putain de campagne » droguée à la morphine le « Revier », l’hôpital qui est un lieu-clef pour l’opération (l’échange entre le corps de Karl et celui du tchèque Svoboda mort) ; l’orchestre, etc. Tous ces éléments correspondent à des réalités vécues par Gatti et situent l’intrigue principale à l’intérieur d’un cadre très « documentaire ».
Ils décrivent aussi un mode de fonctionnement, dans lequel on retrouve « poussés au paroxysme, toutes les données et les tares de l’univers qui les a engendrées, celui du capitalisme d’État [13] ».
L’analyse du système concentrationnaire n’est donc pas absente de ce film, mais elle se double de l’expression d’une VISIOn libertaire de l’homme, qui compte sur sa capacité à ne pas se soumettre et sur les valeurs de la fraternité et de l’entraide. L’Enclos parvient ainsi à éviter les deux principaux écueils : rester enfermé dans une image purement descriptive - alors que
l’horreur des camps n’est pas directement représentable, ou banaliser l’expérience en la traitant comme n’importe quel sujet de film, que ce soit du côté du film hollywoodien comme La liste de Schindler de Steven Spielberg, ou du conte comme La vie est belle de Roberto Benigni.
Avec ses trois unités de temps, de lieu et d’action et l’importance accordée aux dialogues, le film présente un aspect un peu théâtral, bien qu’en même temps la mise en scène soit fondée sur des éléments très cinématographiques tels que les gros plans et le positionnement des corps dans le cadre.
Olivier Neveux s’est intéressé à la présence de la théâtralité dans le cinéma de Gatti, et à la présence du cinéma dans son œuvre théâtrale. Cela participe de cette « traversée des langages » propre au travail du poète, qui tend à multiplier les écritures les unes par les autres, à les décloisonner pour faire surgir leurs possibilités :
Non pas isoler les langages mais les traverser, soupçonner que la « dérive » dans ces formes d’expression, est à même de faire surgir la vérité qui nous fait défaut, et qui fait défaut à chacune d’elles, isolée. L’écriture chez Gatti refuse de s’abriter dans la solitude des expressions célibataires - celles autonomes, fières de leur suffisance, enclavées dans l’unicité de leur « Dire ». [14]
Cette démarche de Gatti procède bien sûr de son refus de se soumettre à la dictature de la « réalité ». Explorer les langages, c’est chercher d’autres possibles, dans une recherche libertaire au sens le plus profond.
Dans L’Enclos, la double confrontation du réalisme et de l’allégorie, du théâtral et du cinématographique, intervient comme un moyen de confronter l’Histoire et l’Utopie - confrontation que Gatti présente comme la recherche fondamentale de toute son écriture [15] .
Cette dialectique est particulièrement sensible dans l’ensemble des scènes se situant à l’intérieur de l’enclos, et donnant à voir l’évolution des rapports entre Karl et David. Ces scènes alternent avec celles qui montrent la préparation et l’exécution de l’opération visant à sauver Karl. Ce montage alterné permet de mettre en parallèle l’action collective de solidarité et le
sentiment de fraternité qui se noue peu à peu entre les deux hommes, les deux éléments essentiels du scénario à travers lesquels se manifeste la dimension de « l’homme plus grand que l’homme ».
Ces scènes à l’intérieur de l’enclos sont celles où la disposition théâtrale est la plus forte (huis-clos, évolution des corps dans l’espace, dramatisation par les dialogues, [ ... ], et se situent en même temps très loin du théâtre filmé. La composition très travaillée des images, le rapport champ/hors-champ et le jeu d’acteur y ont une importance cruciale.
Dès la première scène de confrontation entre Karl et David (voir l’illustration II.1 page 50), le découpage exprime l’incompréhension entre les personnages, Karl ignorant le marché proposé par les S.S. à David. Le premier plan est filmé en plongée et en plan d’ensemble : David est jeté dans l’enclos, où Karl est étendu endormi sur le côté gauche. Le cadre est incliné, le mur de gauche formant une ligne qui le traverse en diagonale et qui écrase l’image.
Ce plan ne donne à voir qu’une partie du lieu (qu’on ne verra jamais dans son ensemble, ce qui contribue à en exprimer la dimension allégorique), et le cadrage en plongée rend plus sensible l’enfermement des corps dans un espace clos. David est poussé violemment à l’intérieur de l’enclos, il se relève maladroitement et s’éloigne lentement de Karl : les deux corps se retrouvent à l’opposé l’un de l’autre, aux deux extrémités du cadre, suivant la diagonale. C’est par la force de la composition visuelle que dans des plans tels que celui-ci la question des rapports humains est posée. Dans le film, toute la réflexion - d’ordre général - sur la condition de l’homme est incarnée par la présence physique des acteurs et par le rapport de la caméra à l’espace.
Puis une série de plans alterne sur Karl et David. Karl est filmé en plan moyen. Il s’est redressé et on peut lire la pancarte des traitres à la patrie qui lui est accrochée autour du cou. Il s’adresse en allemand à David qui ne répond pas. La caméra opère un travelling avant pour suivre David qui recule effrayé. Le montage exprime la profonde incompréhension des personnages, méfiants l’un envers l’autre. La caméra revient ensuite sur Karl et effectue un mouvement de panoramique-travelling pour le suivre tandis qu’il se dirige vers David. Il continue de l’interpeller en allemand jusqu’à ce que David lui réponde (hors-champ) :« Je suis français ». L’utilisation du hors-champ, fréquente dans les scènes qui se déroulent à l’intérieur de l’enclos, mais qui se raréfie à mesure que la solidarité s’instaure, souligne la profonde solitude des personnages.
Les dialogues autour de la problématique des langues et de la communicabilité expriment tout de suite le conflit possible entre l’allemand et le juif français, alors que le film célèbre justement une forme de langage internationaliste de la révolte et de la solidarité, le choix de confronter un communiste allemand à un juif français prenant ici toute sa force. La présence de sons très matérialisés (bruit de la pancarte jetée par Karl, bruit de ses pas, etc.) contribue au réalisme de la scène et à la sensation du corps comme matière, en lutte avec son environnement.
À la fin du plan, le personnage de David apparaît dans le cadre, au premier plan, et la caméra s’immobilise. Cette apparition progressive de David dans la continuité du mouvement panoramique exprime la violence du face-à-face. La grande profondeur de champ et la division du plan en deux parties (Karl à gauche devant le mur, David à droite devant les barbelés) souligne la distance physique et mentale entre les deux hommes. La scène se termine sur cette image à la composition très travaillée, et dont l’émotion émane en grande partie du rapport des corps à l’espace.
Dans la seconde scène se déroulant dans le même espace, ces éléments stylistiques s’affirment encore davantage. Le premier plan reprend le type de cadrage de celui qui clôt la scène décrite précédemment : le plan est coupé en deux par l’angle du mur, un personnage est placé au premier plan et de dos mais cette fois à gauche (David), et l’autre au fond sur la droite. Cette inversion des positions produit le sentiment d’un rapport dynamique et évolutif entre les personnages.
Cette fois, le premier plan est flou, ce qui place le spectateur davantage dans le point de vue de Karl, dont on suit chaque mouvement alors que David demeure immobile. Ici se manifeste la différence de statut des personnages, Karl étant un prisonnier communiste enfermé depuis onze ans, n’ayant aucune illusion mais des convictions qui le fortifient, alors que David ne doit sa déportation qu’à sa judéité et ne semble pas encore suffisamment lucide sur le fonctionnement du camp pour ne pas tomber dans le piège nazi. Cette opposition des personnages est figurée par leur évolution dans l’espace et par le travail de montage.
La caméra opère un léger mouvement panoramique vers la gauche tandis que Karl se lève, se déplace vers le centre de l’image. Le mouvement de caméra permet de maintenir le positionnement des corps d’un bout à l’autre du cadre, tandis que la scission du plan en deux espaces passe maintenant par la lumière (partie de gauche éclairée, partie de droite dans l’ombre). Vers le milieu, l’ombre de Karl s’interpose. Karl sort une cigarette de sa poche qu’il porte à ses lèvres, lève les yeux et aperçoit les inscriptions sur le mur où apparaît son ombre, puis se tourne vers David et retire sa cigarette avant de s’approcher du mur. Cette ombre de Karl réfléchie par le mur de l’enclos figure le monstre concentrationnaire et la façon dont il tente de faire des ennemis de ces deux hommes. C’est ce type de figure esthétique qui parvient, au-delà du réalisme de la mise en scène (qui passe là encore beaucoup par l’utilisation de la bande son : bruits de chiens et de chevaux au loin, gros plans sonores des bruits de pas de Karl, ... ), à produire un discours plus allégorique, sur les rapports humains.
Un raccord dans le mouvement fait ensuite passer à un plan rapproché sur Karl lisant l’inscription, par le biais d’abord de l’ombre, Karl pénétrant peu après dans le champ. La distance entre les personnages symbolisée par l’ombre est encore une fois associée par les dialogues à la question de l’origine et de la langue « < Ah, un catholique. Ça doit être un polonais ! », « Tiens, un de tes coreligionnaires. Tu sais lire l’hébreu ? »). Au moment où Karl aperçoit l’inscription en hébreu, la caméra opère un rapide mouvement panoramique pour la filmer, précédant Karl qui s’en rapproche juste après : la caméra semble désigner dans cette inscription en hébreu le point sensible entre Karl et David, qui correspond à l’anecdote relatée par Gatti au sujet de ces antifascistes déportés, mus tout à coup par un vieux fond de nationalisme et s’affrontant.
Après avoir lu l’inscription, Karl se tourne vers David et s’adresse à lui, révélant sa suspicion « < Tous les juifs de ton convoi sont morts ! Tu n’es pas plus juif que moi. »). Il est alors filmé en plan rapproché. Son yeux fixés vers David et l’absence de clignement des paupières leur donnent un air exorbité et dur, un peu effrayant. David répond hors-champ « < Dommage que la gestapo pense pas comme vous. »). À la diction très scandée de Karl, renforcée par l’accent allemand, à sa voix projetée passant de l’ironie à la colère, s’oppose le ton monocorde de David, parfois dur mais beaucoup moins dynamique. La mise en scène valorise surtout la force de caractère de Karl et sa capacité de lutte qui se manifeste dans son jeu aussi bien par la gestuelle que par la diction : il apparaît plus souvent dans le cadre, s’exprime davantage tandis qu’un certain nombre des rares paroles de David sont dites hors-champ ou le personnage filmé de dos.
L’opposition des postures est aussi évidente, David apparaissant souvent immobile et voûté, comme prostré, alors que le personnage de Karl est beaucoup plus mobile. Lorsqu’il est filmé en plan moyen s’adressant à David, le geste qu’il a de se masser le bras et les mouvements de tête qui ponctuent son discours donnent le sentiment de quelqu’un qui conserve une conscience et une maîtrise de son corps. À l’inverse, le geste de David qui tient ses mains jointes devant lui comme un enfant apeuré, lorsqu’il s’éloigne de Karl et apparaît enfin face à la caméra, exprime la plus grande vulnérabilité du personnage. Or cette caractérisation forte des personnages tend à la fois à rendre plus sensible l’expérience du camp, et à servir le propos du cinéaste, sa vision de « l’homme plus grand que l’homme » qu’on atteint par la révolte. Toute l’esthétique du film se construit en fonction de ces deux objectifs.
Dans la seconde partie de cette scène, à partir du moment où Karl retourne s’allonger, le spectateur est placé davantage dans le point de vue de David (voir l’illustration 11.2 pages 55 et 56). C’est le moment de transition où il comprend que Karl n’est pas au courant du « marché » des S.S. Il y a d’abord le plan rapproché sur David regardant Karl : on perçoit par le changement d’expression de son visage que la peur l’assaille. Puis on voit l’objet de son regard, mais d’un autre point de vue que le sien, ce qui permet de continuer à percevoir sa réaction. Au premier plan, la main de Karl qui saisit une pierre taillée en pointe. On ne voit d’abord pas son visage, puis un pano-travelling le fait entrer dans le champ ; on aperçoit alors les jambes de David qui recule en trébuchant. En se focalisant sur les mains et les jambes des personnages, ce plan met en scène les manifestations les plus physiques de la peur (pour David), ou de la nervosité (pour Karl).
Puis on passe par un raccord dans le mouvement à un plan rapproché sur le visage de David qui s’adosse contre le mur. Dans le plan qui suit, on retrouve un point de vue extérieur sur les deux personnages « armés », David s’étant saisi à son tour d’une pierre, et la disposition récurrente, la ligne passant par les corps formant une diagonale. Le cadre reste fixe un certain temps laissant les personnages évoluer à l’intérieur. Karl avance jusqu’à la hauteur de David, les deux personnages se tiennent l’un à côté de l’autre quelques secondes puis Karl reprend sa marche et la caméra opère un léger travelling avant pour cadrer Karl en plan rapproché taille. C’est le moment où le rapport entre les personnages commence à se modifier, et le fait de le filmer en un seul plan qui réunit David et Karl dans le cadre permet d’en rendre compte à travers l’évolution des corps. C’est en effet essentiellement par le rapport des corps au cadre que transparait la différence d’attitude entre les deux hommes : Karl se tient debout face à la caméra, droit et donnant l’impression d’investir complètement son corps (avec ce geste d’essuyer sa chemise), alors que David resté en arrière se trouve dans une position d’attente et d’indécision (il suit du regard chacun des gestes de Karl, demeure les bras ballants, le buste légèrement en avant, jusqu’à ce qu’il lève vers Karl sa main droite qui porte toujours la pierre, au moment où il l’interroge « < Mais, l’officier S.S. ne vous a rien dit ? »), dans un geste qui redouble cette interrogation, et demeure quelques secondes en suspension. La réponse négative de Karl suscite un nouvel élan de suspicion de la part de David : la courte altercation est montée en deux plans rapprochés sur chacun des deux visages, comportant chacun l’intervention hors-champ de l’autre personnage, et divisés en deux horizontalement (le visage de David remplit la gauche de l’image, la partie droite ne donnant à voir qu’un partie du mur ; le plan sur Karl est construit symétriquement). Ce traitement symétrique des deux plans met en scène à la fois l’opposition et le sentiment de fraternité - d’être du même « camp » - qui s’instaure. La scène s’achève sur le point de vue de David, que l’on voit reculer lentement jusqu’au mur, s’asseoir et reposer doucement la pierre qu’il tenait toujours dans sa main. Le jeu des points de vue dans ces deux premières scènes de l’enclos met donc l’accent à la fois sur la « posture » de Karl, et sur l’évolution de David en fonction de celle-ci.
Ce sont souvent des éléments littéraires, associés le plus souvent à une voix off anonyme, qui apportent une dimension poétique au récit. Ils portent une double fonction d’universalisation du propos (qui prend de la distance par rapport à l’immédiateté des images) et d’instauration d’un point de vue à travers le style littéraire d’Armand Gatti.
Dans la troisième scène qui se déroule à l’intérieur de l’enclos, l’écriture intervient d’abord par l’apparition d’un sous-titre qui résume au lieu de le traduire le monologue de Karl en allemand : « [ ... ] Et Karl évoque les victuailles d’un énorme festin ... ». Le film s’écarte tout à coup de l’aspect concret de la scène pour revenir à l’essentiel, à l’idée de festin. La phrase écrite exprime la force d’évocation des mots mieux que ces mots eux-mêmes, et généralise le propos.
À la fin de cette scène, on passe à des vues d’ensemble sur le camp, tandis que la voix off récite un texte poétique. La tragédie du camp, après l’avoir été par les corps et le cadre, est maintenant exprimée par des métaphores et différents types d’images littéraires, comme la personnification :« Les souvenirs sont des sentinelles postées de l’autre côté des barbelés ; il faut les maintenir à distance, ne point les reconnaître ».
Ce qu’exprime aussi le texte et qui est propre à la vision d’Armand Gatti, c’est la façon dont la tragédie se répercute dans le temps et dans l’espace, s’intègre à un combat de tous les temps : « Multitude, multitude, les deux instituteurs d’Oranienbourg attachés à une niche par un collier de fer et aboyant durant trois jours la disparition de l’homme sur terre. Multitude que les cinquante détenus fusillés toutes les heures à Mauthausen le jour du cinquantième anniversaire de Hitler. 1940-1944, quatre années et pourtant un siècle ».
La confrontation de l’écriture poétique d’Armand Gatti et de son écriture cinématographique permet de multiplier l’une par l’autre, en conservant les spécificités propres à chacune, car si le film laisse pénétrer cette dimension littéraire il témoigne d’une grande sensibilité du poète aux moyens d’expression cinématographiques.
L’Enclos constitue un exemple d’écriture filmique confrontant l’Histoire et l’Utopie : il témoigne et, en même temps, exprime sa vision de « l’homme plus grand que l’homme », révolté et jamais résigné, caractéristique de l’anarchisme de Gatti.
Dans les scènes étudiées, on voit que tous les éléments de mise en scène (cadrage, montage, jeu d’acteur, etc.) ont pour fonction à la fois de faire ressentir l’horreur du camp, de la rendre
palpable par la matérialité (des corps, des sons, ... ), et de construire un propos sur l’homme
et sa lutte à travers l’évolution de la relation entre Karl et David, et grâce aux possibilités du
cadrage et du montage. L’éthique du film nécessite ces choix esthétiques le réalisme pour
témoigner de la catastrophe, mais pas la soumission au réel, c’est-à-dire l’importance toujours
accordée aux possibilités de l’homme.
Proudhon, l’un des premiers théoriciens de l’anarchisme historique, a consacré en 1865 un
ouvrage à la question de l’art et de sa fonction sociale, intitulé Du principe de l’art et de sa destination sociale [16] . Il y affirme la nécessité d’une rupture avec l’art bourgeois ainsi que celle
d’une autonomie des artistes vis-à-vis du gouvernement, afin de créer plus librement.
Sa critique de l’art pour l’art et sa défense d’un « art critique », dans lequel la beauté doit
devenir « significative [17] » et non plus gratuite, entrent en résonance avec la conception gattienne
d’un art au service de cet homme plus grand que l’homme. Gatti affirme en effet :
Nous ne pouvons pas admettre un art qui ne soit qu’esthétique, pour nous c’est une capitulation, nous ne pouvons pas non plus admettre un art qui soit social dans l’idée sans que ce soit traduit dans sa forme et dans sa vie de la même façon, d’une façon libératrice. [18]
Ce refus d’une esthétique gratuite, c’est en substance ce qu’exprime Proudhon en écrivant
que « lorsque les convictions sont mortes, l’art est mort et que pour le ranimer, il faut se refaire
homme [19] ». Mais Gatti ne se place pas du tout dans l’idée d’une suprématie du fond sur la
forme, comme tend à le faire Proudhon. La forme doit être elle-même révolutionnaire afin que
l’élan libertaire s’y réalise concrètement. Il se rapproche en cela des idées de Lacaze-Duthiers,
autre théoricien anarchiste de la première moitié du xxe siècle et auteur d’un traité d’esthétique
libertaire dans lequel il s’applique à réconcilier la forme et le fond
L’art pour l’art ne parvient pas à découvrir la beauté de la forme ; l’art social ne parvient pas à découvrir l’harmonie de la pensée. Là n’est pas l’art. En disant que l’art a une mission, on ne supprime pas la forme de l’art, on l’exige ; on n’en fait pas le défenseur d’idées quelconques : on retrouve simplement sa pensée déformée par les étiquettes, les écoles et les médiocres. [20]
Et c’est en ce sens qu’on peut sans doute parler d’esthétique libertaire dans l’œuvre filmique
d’Armand Gatti l’aspect politique ne s’y réduit jamais à un discours militant, mais passe
davantage par l’instauration d’un rapport nouveau au réel et à la fiction, aux personnages ou aux
participants dans les documentaires. Dans L’Enclos, même s’il reste le film le plus « classique »
du cinéaste au point de vue de la forme, l’idée de l’homme plus grand que l’homme, en lutte,
transparait essentiellement par cette tension entre témoignage et fable, réalisme et utopie, par
le rapport aussi entre le traitement des corps et l’aspect plus symbolique du cadrage et du
montage.
« Réconcilier l’art avec le juste et l’utile [21] », selon les termes de Proudhon. Et pour Gatti
également, les œuvres ont une visée sociale, elles tendent à grandir l’homme mais ont aussi un
but révolutionnaire très pragmatique :
Un égoutier qui travaille 6 heures de suite dans son égout, n’est souvent pas physiquement en état de se pencher sur les problèmes que posent « El otro Cristo bal ». [ ... ] L’important reste que ces problèmes que nous effleurons soient posés pour les éboueurs, les métallos ou les manœuvres, qu’ils soient posés à la plus grande dimension. Même si le conditionnement social ne leur permet pas d’entrer directement dans l’œuvre. Mais lorsque ce conditionnement sera aboli, et nous travaillons pour ça, les problèmes seront déjà posés et permettront de franchir le pas. [22]
Ce rôle de l’art - illustré d’abord par L’Enclos - tout à la fois de témoignage et d’insoumission face au réel, dans le souci permanent de relayer le combat des révoltés et de donner
la parole à ceux qui ne l’ont pas ou l’ont perdue, restera le moteur des films suivants, et se
matérialisera dans des formes très diverses, adaptées à chaque situation.
Suite :
– II.2 El otro Cristobal et l’esthétique de la démesure
[1] Cf. le bonus à l’édition DVD de L’Enclos, interview d’Armand Gatti extraite du film Un poème, cinq films de Stéphane Gatti, Doriane films, 2003.
[2] KRAVETZ Marc, L’aventure de la parole errante, Lagrasse, Toulouse, Verdier - L’Éther Vague, 1987, p. 70-71
[3] Pour rendre justice à la complexité de la pensée d’Adorno, il me semble important de confronter les différents textes où cette question a été évoquée. Le philosophe pose d’abord la question en ces termes :« La critique de la culture se voit confrontée au dernier degré de la dialectique entre culture et barbarie : écrire un poème après Auschwitz est barbare, et ce fait affecte même la connaissance qui explique pourquoi il est devenu impossible d’écrire aujourd’hui des poèmes. L’esprit critique n’est pas en mesure de tenir tête à la réification absolue, laquelle présupposait, comme l’un de ses éléments, le progrès de l’esprit qu’elle s’apprête aujourd’hui à faire disparaître, tant qu’il s’enferme dans une contemplation qui se suffit à elle-même. » (ADORNO Théodor, Prismes : critique de la culture et société, Paris, Payot, 1986, p. 26). Après la polémique suscitée par ce texte, Adorno revient sur la question :« C’est mal comprendre la philosophie, à cause de sa proximité croissante avec les tendances scientifiques toutes-puissantes, que de mettre une telle proposition sur la table et de dire :« Il a écrit qu’après Auschwitz on ne pouvait plus écrire de poèmes. De deux choses l’une : ou bien on ne peut vraiment plus écrire de poèmes et celui qui en écrit est un misérable ou un sans-cœur ; ou bien il a tort et il a dit quelque chose qu’on ne devrait pas dire. » Bon, je dirai que la réflexion philosophique est à mi-chemin ou consiste, en terme kantiens, dans la vibration entre ces deux possibilités qui, sinon, s’opposent platement. Je suis prêt à concéder que, tout comme j’ai dit que, après Auschwitz, on ne pouvait plus écrire de poèmes - formule par laquelle je voulais indiquer que la culture ressuscitée me semblait creuse -, on doit dire par ailleurs qu’il faut écrire des poèmes, au sens où Hegel explique, dans l’Esthétique, que, aussi longtemps qu’il existe une conscience de la souffrance parmi les hommes, il doit aussi exister de l’art comme forme objective de cette conscience. Dieu sait que je n’ai pas prétendu en finir avec cette antinomie et ne peux pas le prétendre pour la simple raison que mes propres impulsions dans cette antinomie me portent plutôt du côté de l’art qu’on me reproche à tort de vouloir réprimer. » (ADORNO Théodor, Métaphysique : concept et problèmes, Paris, Payot, 2006, p. 165).
[4] Bonus du DVD de L’Enclos, op. cit
[5] Cf. PERRAUD Antoine, « Le poète surchauffé », entretien avec Armand Gatti, Télérama n. 2822, février 2004, p. 58-59.
[6] J’emprunte l’expression à Michel Henochsberg, qui fait le même type de reproches au film de Benigni :« Voir, à propos du film de Roberto Benigni, La Vie est belle, les critiques de la revue Les Temps modernes dirigée par Claude Lanzmann - n. 608 (mars-avril-mai 2000). Dans son article, Michel Henochsberg analyse le film de Benigni comme une « bouffonnerie sentimentale » aux conséquences graves, à savoir qu’il provoque une banalisation de la shoah qui conduit à l’ « amnésie » collective. La judéité du héros du film et la représentation des camps de concentration ne sont pas crédibles et ne servent pas l’Histoire ; Benigni abuse au contraire du statut de conte affirmé dans son film - en d’autres termes de la fiction - pour servir exclusivement son projet cinématographique de metteur en scène et d’acteur : faire rire et pleurer sur fond de shoah. » (BORNAND Marie, Témoignage et fiction Les récits de rescapés dans la littérature de langue française (1945-2000), Droz, 2004, p. 65.)
[7] DOUCHET Jean, « Théâtre en rond », Cahiers du cinéma n. 127, janvier 1962, p. 61.
[8] BORY Jean-Louis, Arts n. 861, novembre 1961, cité dans Collectif Arcanal, Armand Gatti, les films 1960 1991, op. cit. p. 90.
[9] Armand Gatti, cité dans MATHON Claire, PAYS Jean-Louis, « Armand Gatti, la lutte des classes au cinéma », La revue du cinéma, image et son, n. 239, Mai 1970, p. 88.
[10] NINEY François, L’épreuve du réel à l’écran : essai sur le principe de réalité documentaire, Bruxelles, De Boeck Université, 2002, p. 99-100.
[11] NINEY François, Op. cit., p. 280.
[12] Kravetz Marc, « Sur le chemin de la parole errante », Europe, n. 877, op. cit., p. 14-15.
[13] MATHON Claire, PAYS Jean-Louis, « Armand Gatti, la lutte des classes au cinéma », op. cit., p.88.
[14] NEVEUX Olivier, « L’ombre portée d’Auguste : du cinéma dans l’œuvre théâtrale de Gatti », Théâtre au cinéma, hors-série n. 4, Bobigny 2007, p. 26.
[15] SÉONNET Michel, GATTI Stéphane, Gatti, journal illustré d’une écriture, Paris, Artefact, 1987 : « Si œuvre il y a eu, c’est dans le fait que j’ai toujours essayé non seulement de mettre face à face, mais quelquefois aussi de marier - mariage difficile, impossible - ce que l’utopie semblait m’indiquer à un moment donné et ce que l’histoire m’apportait. Le résultat, le langage, c’était la rencontre des deux. Ma recherche, c’est un langage qui soit un peu la confluence. L’histoire enseigne à l’utopie, mais l’utopie répond à l’histoire par un plan plus vaste, un projet plus développé. Elle ne s’adresse pas à une construction de l’esprit. Du point de vue du mot, toute ma recherche a été d’un côté l’histoire, de l’autre, l’utopie. C’est comme ça que le langage pouvait avancer. »
[16] PROUDHON Pierre-Joseph, Du principe de l’art et de sa destination sociale, Dijon, Les presses du réel, 2002.
[17] Ibid., p. 158.
[18] GATTI Stéphane, SÉONNET Michel, Gatti, journal illustré d’une écriture, Artefact, 1987, p. 22
[19] PROUDHON Pierre-Joseph, op.cit., p. 217.
[20] DE LACAZE-DuTHIERS Gérard, L’idéal humain de l’art : essai d’esthétique libertaire, Bibliothèque de la « Revue littéraire de Paris et de Champagne », 1906, p. 2. Cet auteur, qui était tombé dans l’oubli, est évoqué dans la thèse d’Isabelle Marinone : MARINONE Isabelle, Anarchisme et cinéma Panoramique sur une histoire du 7e art français virée au noir, op. cit., p. 264.
[21] PROUDHON Pierre-Joseph, op.cit., p. 22l.
[22] GATTI Stéphane, SÉONNET Michel, Gatti, journal illustré d’une écriture, op. cit., p. 22.