RAYNAUD, Jean-Marc. Un siècle d’éducation libertaire

PROUDHON, Pierre-Joseph (1809-1865)BAKUNIN, Mihail Aleksandrovič (1814-1876)État et étatismeÉcoles libertaires et cercles culturels. Voir aussi : "Éducation"FAURE, Sébastien (1858-1942)ROBIN, Paul (1837-1912)STIRNER, Max (Bayreuth, 1806/10/25 - Berlin, 1806/06/25). Pseud. de Johann Caspar SCHMIDTÉcole BonaventureRencontres et Colloques. Journées d’hommage à Francisco Ferrer 90° Anniversaire de son assassinat par l’Etat espagnol. Bieuzy (Morbihan) 1999RAYNAUD, Jean-Marc

Jean-Marc Raynaud a été un des initiateurs de l’école Bonaventure d’Oléron.

La relation entre libertaires et éducation est une vrai histoire d’amour qui date de plus d’un siècle. Cela provient de la tradition qui cherche à convaincre et mettre en oeuvre les bases d’une éducation. Un changement de société sur des bases antiautoritaires doit se faire aussi au niveau des individus et l’éducation est incontournable.
1° Il n’y a pas une théorie « achevée », mais quelques grands principes.
Sans remonter aux origines, quelqu’un comme Proudhon avait déjà commencé à poser le problème de l’éducation en termes sociaux. Réfléchissant sur le pourquoi et le comment de l’éducation ouvrière, il cherchait à voir comment elle pouvait s’émanciper. Il avait mis en place une série de cycles d’apprentissage polytechnique, pour que les ouvriers aient une vision encyclopédique du travail qu’ils faisaient.
Stirner a fait une analyse de l’école comme structure d’aliénation des potentialités humaines qui est toujours actuelle.

Bakounine, d’un point de vue particulier, trouvait qu’un certain nombre de libertaires donnaient un intérêt trop important à ce qu’il appelait « l’éducationnisme » : un changement social devait être un changement global, économique, politique etc. Jean Grave est un des théoriciens les plus profonds qui se sont penchés sur cette question : pourquoi fait-on des enfants. Il pose le problème de la non propriété parentale comme du sous-statut social de l’enfant.
Dès la naissance du mouvement ouvrier, quand les libertaires ont joint les syndicats, ils ont inséré une pratique éducative dans le cadre des cours du soir, qui se traduisait par une bibliothèque etc. Les mises en route de ces analyses se sont inscrites dans une dimension sociale et politique.
L’école de Cempuis (Oise), de Paul Robin, représente la première grande expérimentation pédagogique dans la manière de construire des savoirs. Il y a participation des enfants à la vie institutionnelle, élaboration du cursus scolaire sous la forme d’une « éducation intégrale » qui abordait simultanément plusieurs angles de l’éducation, notamment en matière physique, intellectuel et moral. Robin pensait que l’aspect pédagogique n’était qu’un élément de l’éducation. Son école fut la première à pratiquer la coéducation des sexes, ce qui entraîna sa fermeture. Il y avait une éducation sexuelle en 1870-1880, ce qui entraîna une forte réaction cléricale contre ce qui fut appelé « la porcherie municipale de Cempuis ».
Sébastien Faure, vers 50 ans, eut l’idée de monter une école, La Ruche, du côté de Rambouillet. Il amène l’idée de « coopérative intégrale », c’est-à-dire à côté de l’enseignement habituel il y avait un apprentissage technique et agricole, destiné à s’orienter vers une production non capitaliste, mais destiné à l’auto-émancipation ouvrière, sous la forme de coopératives de producteurs et de consommateurs. Cette école d’une cinquantaine d’enfants fut membre d’un mouvement coopératif de producteurs et d’un mouvement coopératif de consommateurs. Il n’y avait pas de salaires mais un pot commun où chacun puisait selon ses besoins. Les diverses ventes (reliure, miel, etc.) approvisionnaient le pot. Il n’y eut jamais de problème de vol ou de gens prenant plus qu’ils ne devaient.
Les Écoles modernes de Francisco Ferrer avaient aussi une liaison entre le mouvement syndical et les milieux alternatifs. Elles avaient ainsi des cours du soir, sous la forme d’éducation permanente.
L’école libertaire de l’île d’Oléron fut créée par trois ou quatre personnes qui travaillaient à l’Éducation nationale et avaient essayé diverses expérimentations qui avaient toujours été refusées par l’institution. Ses objectifs sont moins de fonder d’autres écoles que de se lier à d’autres rêves et aventures.

Les services d’État tendent à être confondus avec les services publics, ce que l’Éducation nationale n’est pas. Cette institution fonctionne sur la base de la reproduction des inégalités sociales, et sur le pire des critères, en fonction des origines. Le service public doit être un service social et gratuit.
Compte-rendu par Ronald Creagh. Cet exposé a été présenté aux Rencontres de Bieuzy (1999. Hommage à Ferrer)