PEREIRA, Irène. "A propos de L’Anarchisme aujourd’hui de Vivien Garcia

DELEUZE, GillesNIETZSCHE, Friedrich Wilhelm (1844-1900)KROPOTKINE, Pierre. Voir : "KROPOTKINE, Petr Alekseevitch (1842-1921) "CHOMSKY, Noam (1928-....)Philosophie. ModernitéCOLSON, DanielPhilosophie. PostmodernitéPLATON (c. 427 - c. 387 av. J.-C.). Philosophe grecFOUCAULT, MichelKANT, Emmanuel (1724-1804)ALBERT, MichaelPEREIRA, Irène (1975 - )Philosophie. Poststructuralisme Philosophie. Ontologie* WHITEHEAD, Alfred North (1861-1947)GARCIA, Vivien

L’anarchisme aujourd’hui offre une présentation de la littérature postanarchiste américaine. Il remet en cause, en s’appuyant entre autres sur les travaux de D.Colson, la thèse selon laquelle les auteurs classiques de l’anarchisme devraient être rattachés à la modernité philosophique au profit d’une lecture postmoderne de ces auteurs.Voir aussi la réponse de Vivien GARCIA

Les éditions L’Harmattan viennent de publier l’ouvrage de V.García, L’anarchisme aujourd’hui, issu d’un mémoire de Master, et préfacé par D.Colson [1]. Il nous a semblé intéressant de présenter ce travail et d’y réagir pour plusieurs raisons, même si nous avouons notre méconnaissance de la littérature postanarchiste anglo-saxonne que V.García expose et discute dans la première partie de son ouvrage.
Le premier intérêt de cet ouvrage est de constituer un travail universitaire en France sur l’actualité de la philosophie politique anarchiste. En outre, ce travail s’appuie sur des travaux récents publiés outre-Atlantique et sur ceux tout à fait contemporains de D. Colson. Mais surtout, il nous semble que l’intérêt de cet ouvrage est de se situer au cœur d’une problématique philosophique contemporaine, fondamentale, qui traverse l’anarchisme : où se situe l’anarchisme par rapport aux positions philosophiques issues de la modernité et celles issues de la postmodernité ?
Il nous semble important d’expliciter exactement comment nous comprenons cette problématique. Les notions de modernité et de postmodernité ne renvoient pas tant à des catégories temporelles qu’à des positions philosophiques. La notion de modernité s’appuie sur des positions philosophiques associées à la philosophie dite des Lumières. Ces positions recouvrent les thèses suivantes : 1) Une ontologie essentialiste : la nature est un ordre immuable et fixe, déterminé, dont il est possible de tirer des principes d’organisation politique. 2) Une anthropologie essentialiste : il existe une nature humaine qui serait fondamentalement bonne 3) L’histoire est orientée selon un principe de progrès qui dérive du progrès des sciences et des techniques 4) Le pouvoir serait une substance qui serait concentré dans l’Etat, le Capital ou l’Eglise.
Par postmodernité, il faut entendre une position philosophique qui trouverait son paradigme dans le nietzschéisme de gauche de certains auteurs comme Foucault ou plus encore Deleuze. Cette position peut aussi être appelée poststructuraliste ou "French Theory". Les thèses qui caractérisent cette position sont les suivants : 1) Une ontologie anti-essentialiste : la réalité est un flux, en constant changement, sans ordre et livré au hasard 2) Une anthropologie anti-essentialiste : le « je » est un composé de forces multiples et en constant changement, il est le produit d’un processus 3) Il n’y pas de principe de progrès dans l’histoire, l’histoire des sciences ne fonctionne pas selon un processus cumulatif 4) Le pouvoir est un rapport, il est donc multiple et présent dans tous les rapports entre les êtres. Le débat entre Chomsky et Foucault sur la nature humaine et le pouvoir en 1971 constitue certainement le point de cristallisation de cette controverse.
Nous voyons bien, par ailleurs, que modernité et postmodernité sont des positions philosophiques, plus que des catégories temporelles, dans la mesure où un auteur comme Diderot se rapproche davantage des positions dites postmodernes que modernes. Face à cette problématique, comment V.García situe-t-il l’anarchisme et en particulier les auteurs dits de l’anarchisme classique ? V.García reproche aux auteurs postanarchistes de considérer les positions modernes et postmodernes comme des catégories temporelles et de lire les auteurs anarchistes classiques comme des tenants des positions de la modernité. Pour sa part, il fait donc une lecture « postmoderniste » des auteurs classiques de l’anarchisme proche de celle de D.Colson. Mais, il nous semble aussi qu’il tente de dépasser certaines limites de la dualité entre modernité et postmodernité. Nous nous proposons donc ci-dessous de commenter certaines des positions défendues par V.García dans son ouvrage tant du point de vu de ses positions théoriques que des conséquences pratiques de ces positions.
V. García soutient que l’anarchisme se caractérise par une ontologie paradoxale que l’on pourrait qualifier d’ontologie anti-essentialiste. Il nous semble important avant de discuter cette position de bien en exposer ce qui nous semble en être les tenants et les aboutissants. Le terme ontologie vient de la racine grec ontos, participe de enai (être). L’ontologie, c’est mot à mot, le discours sur l’Etre. Or, et c’est tout le sens de l’opposition entre Platon et les sophistes, par exemple dans le Théétète, pour pouvoir tenir un discours sur l’Etre, il faut que celui-ci ne change pas. Si la réalité est soumise à un changement constant, il est impossible de tenir un discours de vérité sur ce qui est. C’est pourquoi, dans la philosophie classique, l’ontologie suppose une conception essentialiste. La philosophie moderne du sujet consiste à fonder le discours non pas sur l’Etre, mais sur le sujet. Il s’agit, au sens que lui donne Kant, d’une anthropologie philosophique. Cette anthropologie philosophique doit néanmoins être distinguée de l’anthropologie naturaliste de la position moderniste que nous avons exposée plus haut. Il s’agit en effet pour Kant d’un sujet transcendantal et non pas d’une nature humaine. L’anti-humaniste théorique contemporain, partagé par les structuralistes et les post-structuralistes, a consisté à remettre en cause l’idée d’un savoir anthropocentrique fondé sur la notion de sujet et sur l’idée de nature humaine. Le post-structuralisme se distingue néanmoins du structuralisme par son désir de penser la possibilité du changement, l’évènement, l’aléatoire… Le problème qui se pose alors est de savoir comment il est possible de penser cela sans avoir recours à la notion d’un sujet doté d’un libre arbitre et donc sans revenir à une anthropologie philosophique. La voie choisie par Deleuze, par exemple, est celle du retour à une ontologie, mais cette fois anti-essentialiste via Procès et Réalité de Whitehead. Puisque V.García fait référence dans son ouvrage aux questions que nous avions posé à D. Colson dans « Y-a-t-il une ontologie anarchiste ? Réflexion sur Nietzsche et d’autres », nous allons exposer de manière plus structurée le problème que nous pose le fait de parler d’une « ontologie anarchiste » qui soit anti-essentialiste.
La difficulté est double selon nous. La première difficulté est d’ordre gnoséologique, elle porte sur la question de la validité formelle d’une telle assertion et sur son statut. Ce qui nous pose problème n’est pas que l’on puisse partir du présupposé méthodologique d’une conception anti-essentialiste de la réalité et anti-fondationaliste, mais c’est le statut gnoséologique que l’on donne à cet énoncé. En faire une affirmation, nous amène à des difficultés logiques. En effet, la notion d’ « ontologie » suppose un discours sur ce qu’est l’Etre. Or affirmer que l’Etre est en constant changement, nous semble poser plusieurs problèmes. Si l’Etre change de façon constante, alors il n’est pas possible de prédiquer quoi que ce soit de constant à son sujet. Même l’assertion selon laquelle il est en constant changement doit elle-même être amenée à changer. Affirmer quelque chose sur l’Etre, en tant que totalité, dans une conception philosophique qui refuse toute transcendance, c’est à la fois être juge et partie, et c’est de manière problématique réintroduire une connaissance absolue de la totalité. Par ailleurs, la notion d’ontologie suppose une conception déductive qui consiste à partir d’une connaissance a priori de l’Etre pour en déduire ensuite des conséquences en matière anthropologique, politique et éthique.
Pour notre part, nous préférons une démarche pragmatiste qui consiste à induire des hypothèses sur la réalité à partir de leurs conséquences pratiques. L’ontologie n’est donc plus première, mais une conséquence. Ce qui nous gêne donc dans la notion d’ontologie, c’est qu’elle suppose la possibilité d’un savoir absolu. Pour nous, l’anti-essentialisme, appliqué à la totalité, ne peut avoir que le statut d’hypothèse méthodologique, c’est pourquoi nous préférons les expressions d’anti-essentialisme méthodologique ou d’anti-essentialisme hypothétique. En ce qui concerne le fait de parler d’ontologie anarchiste, il nous semble préférable en effet, dans le cadre d’une hypothèse pluraliste de la réalité, de parler d’une pluralité de philosophies anarchistes dont effectivement certaines sont anti-essentialistes et d’autres essentialistes. Il nous semble que sinon on en arrive à une confusion entre l’Etre et le discours sur l’Etre : « autre est le cercle, autre est l’idée de cercle » (Spinoza, Traité de la Réforme de l’entendement). Pour notre part, nous sommes plutôt, du point du vue philosophique anti-essentialiste, nous pensons qu’il s’agit de l’hypothèse la plus justifiée, mais pour autant cela ne signifie pas qu’il n’existe pas d’autres discours, qui se revendiquent comme anarchistes, et qui défendent d’autres positions philosophiques.
Néanmoins, si sur la question de l’ontologie V. García adopte une position postmoderne proche de G. Deleuze et de D. Colson, sur d’autres questions, il adopte une position qui tend à dépasser ce qui nous paraît avoir été les limites des positions postmodernes. Or, pour nous, c’est là que se situe l’enjeu du renouvellement philosophique de l’anarchisme. Tout en adhérant à un certain nombre de critiques et de positions philosophiques qu’ont défendues les poststructuralistes d’inspiration nietzschéenne, nous pensons que leur position a conduit à des impasses théoriques incapables de relever un certain nombre de défis pratiques. V. García souligne explicitement l’une des ses limites quand il parle de la question du pouvoir chez Foucault. Limite à laquelle Foucault a lui-même été confronté et qui l’a conduit à s’orienter vers une réflexion sur les pratiques de subjectivation comme moyen de résistance au pouvoir. En effet, ce que souligne V. García, c’est que la philosophie de l’omniprésence disséminée des micro-pouvoirs semble rendre impossible toute remise en cause du pouvoir. Mais surtout, si toute relation est en même temps une relation de pouvoir, comment est-il possible d’envisager des relations qui ne soient pas des relations de domination ? V. García propose de distinguer entre les relations, celles qui sont des relations autoritaires et celles qui sont des relations d’autorité légitimes.
Si nous rejoignons cette analyse, il nous semble néanmoins important de relever que l’allusion plus ou moins explicite que fait, par ailleurs, V. García à la critique nietzschéenne de l’égalité, ne doit pas nous faire oublier que cette critique chez Nietzsche est tournée non seulement contre le christianisme, mais aussi contre les socialistes et les anarchistes. Or, une telle critique contre la notion d’égalité de l’anarchisme social provient à notre avis d’une confusion entre d’une part égalité politique et économique et d’autre part identité ontologique. Si la devise du communisme est « de chacun selon ses capacités et à chacun selon ses besoins », c’est bien parce que chaque individu est différent.
Un autre cas, où V.García tente, selon nous, de dépasser le dualisme entre les positions modernes et postmodernes, c’est dans les pages qu’il consacre à Kropotkine. C’est avec justesse, nous semble-t-il, que V. García montre comment Kropotkine dépasse de manière non-essentialiste le dualisme entre égoïsme et altruisme. Il ne s’agit pas pour Kropotkine, qui est darwinien, de s’appuyer sur une nature humaine immuable. La sociabilité humaine est liée au caractère relationnel du mode de vie des êtres vivants, l’homme vie en société et parce qu’il vit en société, il en va de son intérêt d’être altruiste. C’est aussi sur Kropotkine que s’appuie V. García pour dépasser le moralisme, l’immoralisme et l’amoralisme dans une éthique immanente. Il ne s’agit pas de l’éthique postmoderne d’un Foucault, par exemple, inspirée de Nietzsche, dans laquelle le souci de soi peut se développer au détriment d’autrui : le souci de soi « implique un rapport complexe avec les autres dans la mesure où cet ethos de la liberté est aussi une manière de se soucier des autres. […] Mais je ne crois pas qu’on puisse dire que l’homme grec qui se soucie de soi doit d’abord se soucier des autres […] Il n y’a pas à faire passer le souci des autres avant le souci de soi, le souci de soi est éthiquement premier dans la mesure où le rapport à soi est ontologiquement premier. » [2].
Pour Kropotkine, l’éthique se distingue de la morale, non pas parce qu’elle est une recherche du plaisir qui ferait abstraction d’autrui, mais parce qu’elle ne se fonde pas sur une transcendance, parce qu’elle est immanente au caractère relationnel de l’existence des êtres vivants. L’individu qui a un comportement mauvais est celui qui agit à l’encontre des comportements d’entraide et qui se lèse ainsi lui-même et autrui. Face à cela, l’anarchisme ne réagit pas par la sanction et la répression. Mais pour autant pourrait-on répondre à Kropotkine, est ce que la société anarchiste suppose la disparition de toute transgression ou la mise en place d’un droit qui protège le faible contre le fort sans pour autant être un droit répressif ? Là aussi V.García en s’appuyant sur Proudhon, nous montre comment l’approche uniquement éthique doit être dépassée par le droit. La raison collective permet de produire un droit anarchiste immanent, garanti par la puissance collective, qui protège le faible, axé sur la protection des victimes et la réparation de l’injustice, et non la répression. Proudhon montre ainsi que l’éthique ne saurait se substituer à toute dimension juridico-politique dans l’anarchisme.
Le dernier point qu’il nous semble important d’aborder sont les conséquences pratiques d’un positionnement de l’anarchisme du côté des philosophies modernes ou postmodernes. Pour les auteurs postanarchistes, critiques de l’anarchisme moderne, il semble que cet anarchisme moderne se caractérise par une conception révolutionnaire insurrectionnelle orientée vers la destruction de l’Etat et du Capitalisme. Une fois la révolution achevée, le pouvoir serait ainsi totalement détruit. Pour les postanarchistes, une telle conception est illusoire car le pouvoir n’est pas concentré dans des centres, mais immanent à toute relation. Face à cela, il nous semble que la postmodernité a opposé plusieurs voies.
La première a consisté dans le repli sur le souci de soi, ce que certains ont appelé l’individualisme postmoderne. Cet individualisme postmoderne ne nous parait pas sans lien avec l’abandon de la dimension sociale du nietzschéisme de gauche. En effet, il nous semble que le nietzschéisme de gauche s’est développé en essayant de tenir deux positions difficilement conciliables : une critique aristocratique de la morale bourgeoise qui a rejoint la critique socialiste de la bourgeoisie et du capitalisme. Or dans les années 80, certains abandonnant la dimension de gauche de ce nietzschéisme ont développé une forme de position que l’on pourrait qualifier de libérale-libertaire. On peut citer parmi ceux qui ont connu cette évolution le cas de François Ewald. De même le discours autour de la différence a subit une récupération au début des années 80 par la nouvelle droite autour d’A. de Benoist. Ces dérives nous semblent liées à des faiblesses théoriques des théories postmodernes inspirées par le nietzschéisme de gauche.
Dans le cadre du renouvellement des pratiques libertaires liées aux théories postmodernes, V. Garcíá cite avec justesse les T.A.Z ( les Zones d’autonomies temporaires) inspirées de l’œuvre d’H.Bey, qu’il rapproche des milieux libres. En ce qui concerne, les TAZ, nous sommes bien là dans le cadre d’une pratique postmoderne. En effet, il ne s’agit plus de chercher à produire une transformation globale de la société, mais à mettre en œuvre un espace de liberté temporaire dans lequel se retrouve un groupe d’individu lié plutôt par des relations affinitaires. Nous sommes bien là dans le cadre de ce qu’on peut qualifier d’anarchisme style de vie, matinée de pratiques insurrectionnelles minoritaires, plutôt que d’une forme d’anarchisme social. La limite de ces pratiques tient selon nous au fait qu’elles constituent des formes de pratiques élitistes dans laquelle une minorité se constitue en une micro-société artificielle en marge de la société. Cette forme d’association ne vise pas à s’adresser et à intégrer le plus grand nombre. C’est effectivement avec justesse que V.García relie ces pratiques aux milieux libres de l’anarchisme individualiste de la Belle Epoque. Or le problème de l’anarchisme individualiste de la Belle Epoque est qu’il se trouve pris dans un courant relativement ambiguë, comme l’est le postmodernisme aujourd’hui, qui est l’individualisme de la Belle Epoque. Ce courant dépasse les limites de l’anarchisme. Dans sa version de gauche, il rejoint l’anarchisme, mais ces positions philosophiques peuvent le conduire à des conceptions bien plus réactionnaires, qualifiées d’anarchisme de droite, ou libérales, inspirées d’H. Spencer. Néanmoins, V. García récuse le fait que l’ « anarchisme postmoderne » se limiterait aux pratiques de l’anarchisme style de vie et il en voit aussi les manifestations dans l’anarchisme social du syndicalisme révolutionnaire. D.Colson, dans « Nietzsche et l’anarchisme » [3] a en effet montré la proximité de la pensée de Nietzsche et de certains éléments du syndicalisme révolutionnaire. Nous ne contestons pas la justesse de cette position. D’ailleurs, c’est avec raison, que V. García, souligne par exemple ce point par rapport au syndicalisme révolutionnaire de G.Sorel. Mais il n’est pas certain que les dimensions nietzschéennes qui ont pu se développer dans le syndicalisme révolutionnaire dans le passé soient celles que nous devions valoriser dans notre pratique actuelle du syndicalisme d’action directe. On peut en effet se demander si le mépris des majorités passives, la confusion entre la démocratie et la critique du « démocratisme », une certaine fascination pour la violence ne sont pas des éléments qui ont permis la revendication du syndicalisme révolutionnaire, via Sorel, par le fascisme. Il est néanmoins exact que les pratiques syndicalistes révolutionnaires, comme le montre d’ailleurs G.Manfredonia, dans « Anarchisme et syndicalisme : quels rapports ? » [4], mettent en œuvre à la fois des pratiques graduellistes d’éducation et d’économie mutuelliste par le biais des Bourses du Travail et des pratiques de transformation révolutionnaire par la préparation de la grève générale. Cette dimension pluraliste du syndicalisme révolutionnaire constitue une richesse particulière de ce mouvement qui dépasse là aussi le dualisme entre un anarchisme moderne et un anarchisme postmoderne, entre anarchisme style de vie et anarchisme social.
Deux voies contemporaines de l’anarchisme sembleraient alors se dessiner. D’un côté, les pratiques, issues du mouvement autonome, associent des pratiques d’anarchisme style de vie et des pratiques insurrectionnelles émeutières. Du point de vue théorique, elles semblent aussi s’appuyer sur le renouvellement des théories postmodernes par les notions spinozistes de multitude ou de notions communes. De l’autre côté, les pratiques, issues de syndicalisme révolutionnaire, associent des pratiques graduellistes et des pratiques insurrectionnelles de masse. Elles tentent d’opérer un dépassement des limites des positions de la modernité par l’intégration des problématiques issues de l’apparition de mouvements autonomes féministe ou des minorités ethniques, ainsi que du mouvement écologiste. Du point de vue théorique, l’ouvrage collectif, signé entre autres, par M. Albert et N. Chomsky, intitulé Liberating Theory, constitue un exemple d’une telle tentative.
Irène Pereira

[2Michel Foucault, « L’éthique du souci de soi comme pratique de la liberté », Dits et Ecrits, t.II, Paris, Gallimard, Tel, 2001, p.1531.

[3A contretemps, n°21, 2005

[4Intervention au colloque organisé par les éditions de la CNT sur la Charte d’Amiens en 2006