SHALAZZ. "Terre libérée, Luynes (Indre-et-Loire), 1923-1949".- 03. Terre Libérée, les buts
"Centre libre de Pratique Végétalienne. Oeuvre de Retour à la Terre, de Régénération et de Libération individuelle"
communautés et milieux libresIndre-et-Loire (France) Terre libérée, Luynes (Indre et Loire)SHALAZZTerre Libérée, Luynes, 1923-1949.
Chapitres précédents
– 01. Anarchisme, illégalisme et végétalisme
– 02. Le projet d’une cité végétalienne
Terre Libérée, les buts
Libération immédiate
Créer "une oeuvre sérieuse et durable, sans tendance, consacrée à l’étude de la libération individuelle la plus entière et la plus immédiate" [1].
Par le végétalisme, le projet de Terre Libérée doit permettre d’apporter à chacun les moyens de son évasion, son autonomie et sa régénérescence : "je vais donc travailler à l’édification de ce centre d’individualisme éclairé, conscient et idéal, attendu de tant d’amis qui restent inactifs et s’enlisent faute d’une initiative autorisée, d’une volonté et d’une compétence mûries dans l’expérience, qui leur permettent de contenter facilement le désir d’évasion qu’ils caressent depuis longtemps déjà" [2]. Rimbault veut se donner, à lui et aux autres, les moyens d’une libération immédiate. Pour cela, il faut perfectionner l’homme en le dégageant des entraves économiques et sociales et modifier profondément sa sensibilité : "que l’individu puisse, en se libérant définitivement, se suffire à lui-même sans le secours de l’industrialisme qui restreint plus la liberté et l’individualité qu’il n’en donne" [3].
Observation, étude et soins
Outre la libération immédiate des sociétaires, ce sera également un champ d’observation et un lieu d’éducation. Rimbault veut mettre en application une médecine nouvelle et une pédagogie novatrice : "enseignement clinique de la valeur alimentaire, thérapeutique et régénératrice du végétalisme", "enseignement de la pratique culinaire végétalienne", de la "médecine de prévention", de la puériculture et de l’Eugénisme, "enseignement clinique de la Pédagogie nouvelle non livresque". On y accueillera des enfants "normaux et anormaux", des vieillards et des malades pour des soins et une éducation végétalienne. Terre libérée sera donc un centre pour convaincre des bienfaits du végétalisme, par des cours mais aussi par l’exemple donné par les soins. On pourra s’y initier à la cuisine mais aussi au mode de vie végétalien.
Terre Libérée, dispositions générales
Les financements
Afin d’éviter toute aide officielle, aussi intéressante soit-elle, une souscription de 3000 francs est demandée à chacun des sociétaires. Comme le fera remarquer un des soutiens de l’expérience : "La coopération, c’est l’arme des gens bien casés" [4]. En effet, il faut payer pour avoir sa propre terre ce qui n’est pas à la portée des "vrais miséreux". Pour la suite, la Cité compte fonctionner d’elle-même grâce aux industries utilitaires sur ses terres, aux soins payants prodigués aux malades, aux pensions des visiteurs, aux publications issues des recherches menées sur place, et aux heures de travail journalières des sociétaires. Ces heures de travail seront fixées collectivement (deux heures journalières dans le projet) et augmentées sur le consentement des sociétaires et en fonction des urgences. Il y aura des ateliers libres en dehors des heures consacrées aux entreprises et industries de la Cité.
Fonctionnement
La Cité pourra accueillir 20 adultes maximum, hommes et femmes. "Les deux sexes sont égaux en droit et en obligations. La compagne, considérée comme indépendante, possédera, si elle le revendique, sa part individuelle, en toute autonomie" [5]. Les enfants sont pris en charge par la Cité jusqu’à leurs 18 ans mais "les mères, de préférence employées au préventorium d’enfants, pourront, si elles le désirent, élever leur enfants jusqu’à l’âge de deux ans" [6]...
Deux conseils permettront d’administrer les lieux : le conseil des coopérateurs (souscripteurs) qui administre financièrement la Cité jusqu’à l’installation de 10 sociétaires. Puis le conseil des sociétaires, conseil hebdomadaire réunissant tous les sociétaires et désignant à tour de rôle un administrateur de semaine. Un autre administrateur est délégué pour six mois pour représenter la cité à l’extérieur, pour les formalités administratives ou juridiques et pour la comptabilité. L’exclusion est une possibilité envisagée dans le projet de départ : elle se fait au ¾ des voix des inscrits aux conseils. Sont exclus de droit tous ceux qui exploitent ou consomment des animaux et qui salarient un autre homme. Il est décidé qu’il n’y aura pas de recours à la justice officielle.
L’aménagement
Des habitations particulières seront édifiées avec le concours du sociétaire. Chaque sociétaire bénéficie d’une jouissance à vie, sans loyer mais aucune sous-location n’est permise. A cela s’ajoute un potager individuel de 1000 à 1800 mètres carrés selon qu’on est seul ou en ménage.
Dans le projet sont prévus : un pavillon de malades pensionnaires, un préventorium et une école pour les enfants de l’intérieur et de l’extérieur, un pavillon de visiteurs, un pavillon pour les vieillards sans ressources. Dans une Cité végétalienne, sont exclus les "commerces coupables", "industries pernicieuses et meurtrières", hôpitaux, asiles d’aliénés et prisons pour "faméliques, prostitués, surmenés toxicomanes et dégénérés", casernes et bagnes militaires, abattoirs, manufactures de tabac, lieux d’agiotage, de prostitution, de jeux de hasard, officines pharmaceutiques, sanatoriums de tuberculeux et "toute autres institutions s’échafaudant sur les faux besoins, le surmenage, la maladie, la fraude, l’exaction et l’ignorance par dessus tout" [7].
Rien ne permet de dire si Terre Libérée fonctionne effectivement comme tel...
Suite :
– 04. Terre Libérée, historique
– 05. Des anarchistes, des naturistes, des végétaliens...
– 06. Anarchisme, révolution et évasion
[1] RIMBAULT L., "La Terre Libérée", Le Néo-Naturien, n° 14, octobre-novembre 1923
[2] RIMBAULT Louis, "Coopérative : "La Terre Libérée"", Le Néo-Naturien, n° 14, octobre-novembre 1923
[3] RIMBAULT L., "Libération économique", Le Néo-Naturien, n° 16, février 1924
[4] TROUSSET Auguste, "L’Aurore", Le Néo-Naturien, n° 15, décembre 23-janvier 24
[5] "Extrait des dispositions générales sur le fonctionnement de la Cité Végétalienne "Terre Libérée", Le Néo-Naturien, n° 15, décembre 23-janvier 1924
[6] Ibid.
[7] RIMBAULT L., "Libération économique", Le Néo-Naturien, n° 16, février 1924